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Le beurre est une matière grasse concrète (solide) qui a de tout temps été en « concurrence » avec l’huile, certaines régions du monde étant plus « beurre » et d’autres plus « huile ». Dans la cuisine et sur la table des Français, le beurre cependant reste incontournable, côtoyant d’autres produits qui lui sont apparentés, comme la margarine et le ghee, arrivé plus récemment sous nos latitudes. Quels sont les avantages et les inconvénients de chacun ?

 

Le beurre : connu depuis des millénaires, populaire depuis des siècles

Comme on le sait, le beurre est issu du barattage (battage) de la crème tirée du lait : cette opération provoque l’agglomération des gouttes de matière grasse qui finissent par former une masse solide, séparée du babeurre (ou lait ribot). Pour le conserver, on y a tout d’abord ajouté du sel, avant d’employer comme matière première de la crème pasteurisée. Le beurre cru a plus de saveur que le beurre pasteurisé (ou beurre baratté) mais se conserve moins longtemps : 2 semaines environ pour un beurre cru doux, 3 semaines pour un beurre cru salé, contre 2 à 3 mois pour un beurre pasteurisé.

 

Sa fabrication, et donc son utilisation, remonte à des millénaires. Les bovins ayant été domestiqués par l’homme au moins depuis 7.000 ans avant notre ère (en Inde), on a trouvé en Irlande un moule à beurre datant de 3.000 ans avant notre ère (donc vieux de 5.000 ans), et le beurre est cité dans des textes sumériens de 2.500 ans avant notre ère.

Le beurre est presque aussi ancien que l’invention de l’élevage (photo Pixabay ponce_photography).

Mais son usage varie grandement selon les régions du monde : en Inde, il est utilisé sous sa forme clarifiée (voir plus loin) et dans les pays de culture gréco-romaine, on lui préfère les huiles (comme l’huile d’olive). Dans l’Antiquité, il fut surtout utilisé comme aliment (on l’utilisa sinon aussi à des fins cosmétiques) par des peuples que les Gréco-Romains qualifiaient de « barbares », comme les Germains ou les Thraces. Souvent, on lui préfèra cependant des matières grasses concrètes animales, comme le saindoux (provenant du porc), le suif (de mouton ou de bœuf) ou encore la graisse d’oie ou de canard.

Le beurre va rester longtemps la « graisse du pauvre », même s’il est utilisé largement dès le Moyen-Âge dans des régions laitières comme la Bretagne ou la Normandie. A partir de la Renaissance cependant, c’est-à-dire le années 1500, il commence à faire son apparition dans les livres de recettes dont le nombre explose alors avec l’invention de l’imprimerie. A partir du 19e siècle, l’invention de la pasteurisation, puis la création de chaînes de froid dignes de ce nom, favoriseront l’apparition du beurre sur nos tables, même s’il reste encore une « France du beurre », comme il y a une « France de la margarine » et une « France de l’huile » (voir infographie).


Carte des préférences beurre, margarine et huiles végétales en 2012 (Source Afidol / Association Française Interprofessionnelle De l'Olive).


Sur le plan légal, le beurre est obligatoirement un produit 100 % naturel, uniquement obtenu à partir de crème. Aucun additif n’est autorisé, mis à part évidemment l’ajout de sel, ou de bêtacarotène pour le colorer en jaune. Acheter du beurre bio apporte bien sûr la garantie d’un produit issu de lait sans pesticides, sans médicaments qui ont servi à traiter les vaches (antibiotiques par exemple), etc. De plus, les vaches qui ont été mises au pâturage en plein air ont eu une nourriture plus variée (et sans OGM…), d’où en général un meilleur profil nutritionnel du lait.

 

La margarine : une initiative du gouvernement de Napoléon III

En attendant, au milieu du 19e siècle, le beurre de qualité restait souvent un produit rare et cher, sa mauvaise conservation en ralentissant la diffusion. De plus, il était souvent frelaté, des fraudeurs n’hésitant pas à y ajouter de l’eau, de l’amidon, du fromage, ou pire de la craie ou du borax (une poudre de roche).

Si en France l’invention de la margarine de grande diffusion est à mettre au crédit du pharmacien et chimiste Hippolyte Mège-Mouriès (1817-1880), il est inexact - comme on peut le lire quasiment partout sur des sites Internet qui ne vérifient pas leurs sources – qu’il a remporté un « concours lancé en 1869 par Napoléon III ». Comme Mège-Mouriès le raconte lui-même dans un rapport, alors qu’il travaillait déjà à une amélioration de la fabrication du pain, il fut en fait « invité [par le Gouvernement] à entreprendre des recherches dans le but de produire pour la marine et pour les classes nécessiteuses un beurre moins cher que le beurre ordinaire et capable de se conserver longtemps sans contracter le goût acre et l'odeur forte que celui-ci prend en peu de temps ». Il faut noter qu’à la même époque, un industriel new-yorkais avait aussi mis au point un produit analogue, de même qu’un autre français, le Dr La Pérouse.

C’est à la ferme impériale de Vincennes, construite à l’initiative de l’impératrice Eugénie de Montijo (épouse de Napoléon III), que Mège-Mouriès fit ses recherches. A la fin des années 1860, il mit ainsi au point une émulsion blanche à partir de graisse de bœuf, de lait et d’eau. Celle-ci fut baptisée « margarine » - mot dérivé du grec margaron (signifiant « perle (blanche) », avec le suffixe –ine, comme « glycérine » - qui avait été inventé dès 1813 par le chimiste Michel-Eugène Chevreul, qui avait déjà travaillé sur de nouveaux corps gras.

Différents brevets furent déposés par Mège-Mouriès à partir de 1869, en France et à l’étranger, la guerre franco-prussienne de 1870-1871 retardant un certain temps l’industrialisation et la commercialisation de sa margarine.

La margarine a 150 ans, mise au point en 1869 par le pharmacien et chimiste Hippolyte Hippolyte Mège-Mouriès (à g. image publicitaire). A dr. affiche, publicité vers 1900 pour de la margarine.

 


Au début, le produit fut également appelé « beurre artificiel » ou « beurre factice », mais la loi vint rectifier cela, interdisant l’emploi du mot « beurre ». La margarine eut d’abord mauvaise presse, à la fois aux yeux des riches, car étant beaucoup moins chère que le bon beurre, produit « noble » - pour eux la margarine était le « beurre du pauvre » - et à ceux des classes modestes car véhiculant une image de produit de qualité inférieure. Ce qui était partiellement exact car très rapidement la margarine fut l’objet de contrefaçons, fabriquées avec des ingrédients et des méthodes de piètre qualité. Qui plus est, on vit l’apparition de margarines (plus ou moins frelatées aussi) vendues frauduleusement sous l’appellation de beurre.

Aujourd’hui, la composition des margarines a changé, seul le principe de base étant resté le même : il s’agit d’une émulsion constituée de matière grasse (au minimum 80 %) et d’une phase aqueuse à base d’eau ou de lait (20 %).

Pour la margarine conventionnelle, la phase grasse est préparée « avec des huiles et des corps gras végétaux raffinés, en l’état, fractionnés, interestérifiés ou hydrogénés, où sont incorporés une sélection d’additifs liposolubles. [… Concernant ces additifs et auxiliaires technologiques] il s’agit de colorants (caroténoïdes, rocou, bixine, norbixine, curcumine) autorisés selon l’arrêté du 2 octobre 1997, les arômes, vitamines, antioxydants, le sel, régulateur de pH, acide lactique, acide citrique, épaississant. L’ajout de tensio-actifs (lécithine, mono et di-glycérides) ou la présence de matières premières les contenant naturellement est indispensable pour stabiliser l’émulsion ainsi formée. […La phase aqueuse est préparée] avec de l’eau et/ou des coproduits de l’industrie laitière (lait écrémé, lactosérum en poudre, babeurre), où sont incorporés des ingrédients protéiques, du sel et des additifs hydrosolubles » (Source : Fédération des Industries des Corps Gras).

La plupart des margarines (conventionnelles ou bio) sont fabriquées avec de l’huile de palme ou de palmiste, dont on connaît l’incidence de la production notamment en matière de ravages écologiques ou humains. Mais dans le cas des margarines bio, concernant cette huile de palme (ou de palmiste), des garanties sont prises tant en matière de culture durable que de protection des travailleurs. Si quelques margarines bio n’en contiennent pas, ces margarines bio se distinguent en général avant tout par le fait qu’elles n’utilisent pas d’huiles hydrogénées (dont la fabrication génère des acides gras trans, préjudiciables à la santé), étant uniquement basées sur des huiles naturellement solides, comme l’huile de palme justement. Dans certains cas, c’est seulement de l’huile de coco qui est utilisée comme huile solide.

Outre la matière grasse végétale, les seuls ingrédients autorisés pour les margarines bio sont de l’eau, des émulsifiants naturels (lécithine de tournesol ou de soja non OGM), des conservateurs naturels (jus de citron bio) et des colorants naturels (ex. carotte).

Substituts directs du beurre, les margarines peuvent être utilisées - selon leur teneur en matière grasse (MG) - à la fois en tartine et pour la cuisson (taux de MG généralement supérieur à 55  %) ou essentiellement pour un usage en tartine (taux de MG inférieur ou égal à 55 %). Aujourd’hui, de plus en plus de margarines sont additionnées en nutriments permettant certaines allégations de sante : acides gras oméga 3 ou stérols végétaux.

 

Le ghee : un produit millénaire mais récent en Occident

Le ghee a fait son apparition dans nos cuisines depuis quelques années maintenant. C’est le résultat d’un procédé très ancien de conservation du beurre, très répandu en Inde mais connu également en au Proche-Orient, en Egypte, en Afrique du Nord et en Afrique noire. Ce procédé consiste à faire chauffer très doucement du beurre, chauffage qui a pour conséquence la séparation de ce beurre en deux phases : d’une part une phase liquide (au-delà de 40°C environ) et d’autre part une phase solide, contenant notamment des protéines et du lactose.

L’avantage de cette technique est que le produit obtenu se conserve beaucoup plus longtemps qu’un beurre classique, jusqu’à plusieurs mois, même en dehors du réfrigérateur si c’est dans un récipient fermé qui n’a pas encore été entamé.

 

Le ghee a d’autres avantages, que nous verrons plus loin.

Du ghee, à g. sous forme solide, à température ambiante, à dr. encore liquide directement après sa fabrication (ou chauffé). Photos Wikimedia Commons Rainer Z.

 

Les avantages et inconvénients de chacun

Beurre, margarine ou ghee : chacun a ses propres avantages et inconvénients. Soulignons tout d’abord que tous trois contiennent des acides gras saturés. Mais pas d’affolement : seul l’excès de ceux-ci dans l’alimentation est préjudiciable à la santé. Dans le cadre d’un régime équilibré, et sauf problème de santé particulier (hypercholestérolémie par exemple), on peut consommer non seulement de la margarine, mais aussi du ghee et même du beurre.

Sur le plan calorique, beurre, margarine et ghee ne présentent pas de réelle différence : autour de 720 à 750 kcal pour 100 g (même si le ghee est normalement légèrement plus calorique, mais avec des variations dépendant de sa préparation). Seules les margarines allégées présentent une valeur inférieure, souvent autour de 540 kcal.

Si le beurre contient naturellement un peu d’acides gras trans, cela est bien moins que les margarines conventionnelles à base d’huiles hydrogénées. Mais ils ne contiennent pas (comme le ghee) d’acides gras essentiels, contrairement à la margarine.

Le point intéressant avec le beurre, c’est sa teneur naturellement élevée en vitamine A et D (un beurre cru étant encore plus riche qu’un beurre pasteurisé). Le beurre est d’ailleurs une des plus importantes sources de vitamine A de notre alimentation. Mais naturellement riche également en acides gras saturés, il contient également du cholestérol. Une de ses qualités indéniables, face à la margarine, c’est son goût, surtout s’il s’agit de beurre bio et/ou cru.

Il faut éviter de trop le chauffer (pas de friture) car outre la saveur âcre qui apparaît lorsqu’il brûle, il peut contenir des substances nocives, potentiellement toxiques ou même cancérigènes (benzopyrènes, acroléine, radicaux libres…). Consommer accidentellement un peu de beurre brûlé ne présente pas de réel risque, mais ce n’est bien sûr pas une expérience à répéter régulièrement. La température à laquelle il brûle, appelée « point de fumée », varie selon le type de beurre, mais se situe entre 120 et 130 °C environ.

La meilleur façon de consommer le beurre est de le faire cru, en tartine, ou mis à fondre sur une plat chaud (pâtes, riz, légumes ou encore viande, par exemple un beurre « maître d’hôtel » au persil), ou encore utilisé dans les pâtisseries auxquelles il apporte goût et onctuosité, etc.

Concernant la margarine, on relèvera le fait qu’elle ne contient pas de cholestérol. Mais elle ne contient pas non plus de vitamines A et D, sauf si elle a été enrichie. Et, par définition, comme dit plus haut, elle contient aussi des graisses saturées. Mais tant qu’on en n’abuse pas, pas de souci.

Théoriquement, la margarine ne doit pas être chauffée, car la chaleur provoque des réactions d’hydrolyse en raison de son contenu en eau ,ce qui augmente la teneur en acides gras libres et diminue son point de fumée. Néanmoins, il existe des margarines « spécial cuisson », qui supportent le chauffage. Il importe donc de bien vérifier à l’achat s’il s’agit d’une margarine uniquement à tartiner ou bien convenant à la cuisson. Dans ce dernier cas, elles peuvent aussi être utilisées pour la pâtisserie. A l’inverse, les margarines allégées sont encore plus sensibles au chauffage.

Pour les personnes (réellement) allergiques aux produits laitiers (une très faible partie de la population, quoi qu’on en dise), la margarine est la solution idéale, outre les substituts d’origine végétale bien sûr (par exemple à base d’amande).

Comme dit plus haut, l’’intérêt des margarines est qu’on trouve aujourd’hui très largement des versions « santé », enrichies en acides gras oméga 3 ou en stérols végétaux, qui peuvent intéresser une certaine frange de la population. Plus globalement, comparativement au beurre, la margarine est plus facile à tartiner (mais il existe aujourd’hui comme on le sait des beurres tendres qui ont également cet avantage), elle se conserve (au frais) plus longtemps que le beurre et surtout elle contient naturellement (en fait « par construction ») des acides gras poly- et mono-insaturés, ce qui est bon pour la santé (prévention des maladies cardio-vasculaires) et explique sa consistance molle. Elle reste moins chère que le beurre, comme lors de sa naissance. Mais il faut donc la choisir en qualité bio, pour éviter les graisses hydrogénées et la présence de nombreux additifs.

Le ghee est réputé est réputé plus facile à digérer que le beurre (car ne contenant pas de lactose ou de protéines, même en dose faible), ce qui peut présenter un avantage pour les personnes sensibles. Il contient également moins de cholestérol que le beurre.

Le gros avantage du ghee, c’est son point de fumée, bien plus élevé que celui du beurre ou de la margarine. Il se situe en effet autour de 250°C, soit plus que la plupart des huiles végétales, même les plus « performantes » comme l’huile d’olive vierge (216°C), l’huile de colza raffinée (240°C) ou l’huile de pépins de raisin (216°C). Son goût excellent et typé est également un avantage, que ce soit en cuisson ou en tartine. Mais le ghee est plus cher que le beurre.

 

Les matières grasses : bonnes quand on n’abuse pas

En conclusion, chacun de ces types de matière grasse concrète présente ses propres avantages et inconvénients, que chaque utilisateur jugera en fonction de ses besoins et attentes. Globalement, elles ne sont pas mauvaises pour la santé : bien au contraire, elles participent à une alimentation saine. Le tout est de ne pas en abuser, comme pour la plupart des aliments (par exemple le sucre ou même le vin), et si possible de ne pas utiliser toujours le même produit, pour varier sa diète. Mais toujours en bio !

Pour la « bonne bouche », au sens strict du terme, n’oublions pas que toutes ces matières grasses apportent, sur le plan gastronomique, des saveurs et des textures particulières aux aliments.

 

Notons enfin qu’il existe bien sûr d’autres alternatives, comme l’huile de coco (son point de fumée est également très élevé : entre 177 et 232°C selon qu’elle est raffinée ou non) mais au goût très typé qui ne conviendra pas à tous et à tout, ou encore l’huile de palme rouge (point de fumée autour de 240°C), qui est une huile de palme non raffinée, riche en nutriments bénéfiques pour la santé (caroténoïdes, tocophérols, tocotriénols). Bien entendu à choisir en qualité bio et « durable », respectueuse de l’environnement et des travailleurs qui la produisent.

Beurre (à g.), ghee (à dr. en haut) et margarine (à dr. en bas). Photo Wikimedia Commons / Necrophorus.


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