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« Les dérives du bio pas cher », « Du gras, de l’huile de palme et beaucoup de plastique », « Pseudo-bio, vrai business »… Le numéro hors-série d’un magazine de tests bien connu tire à boulets rouges sur la bio, au moins en couverture ou dans les titres de certains articles, quand ce n’est pas dans le contenu des pages. Face à une telle façon de présenter les choses, n’importe quel consommateur qui commençait à s’intéresser à la Bio a légitimement de quoi douter. Faut-il vraiment se méfier de la Bio ? Et si tout cela n’était que du « buzz » médiatique ?

Une étrange façon de voir les choses

 

« Bonjour Monsieur, Gendarmerie Nationale. Votre plaque d’immatriculation est sale. Je vais vous dresser une contravention de 135 €, minorée à 90 € si vous réglez immédiatement. – Mais, brigadier, regardez, cet autre véhicule vient de s’engager dans un sens interdit ! C’est bien plus dangereux pour la sécurité que ma plaque sale parce que je viens de rouler dans une flaque de boue ! – Monsieur, avoir une plaque sale est illégal, c’est tout. Vous êtes en infraction, c’est vous que je contrôle ».

Voilà exactement ce que vient de vivre le monde de la Bio : être pointé du doigt sur certains points, qui ne concernent que certains produits et certains fabricants parmi des milliers, en oubliant tous les efforts incommensurables et les actions indubitables que les producteurs et les transformateurs bio entreprennent depuis des décennies !

« Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère » (Évangile selon Saint Luc, 6, versets 41 à 452).

S’intéresser à certaines « pailles » de la Bio est étonnant, quand on connaît les « poutres » que l’on trouve dans l’industrie conventionnelle.

Le magazine dénonce en effet notamment et avant tout, information largement reprise par tous les médias, la présence de polluants du type PCB et dioxines dans les œufs et certains laits analysés, ainsi que de phtalates dans certaines huiles. Mais il oublie, pour commencer, de titrer en « aussi gros » que les produits bio sont de fait largement sans pesticides, grâce au mode de culture et d’élevage inhérent à l’agriculture biologique. Une drôle de façon de voir les choses… Avant d’attaquer la Bio, n’oublions pas que le conventionnel fait bien pire dans la plupart des domaines.

Cette façon de procéder n’est pas nouvelle chez ce magazine, ni chez son concurrent direct d’ailleurs, la concurrence médiatique entre ces deux revues étant bien connue. Qui achèterait ces magazines s’ils ne faisaient qu’annoncer ce qui va bien ? Pour vendre, il est bien plus « utile » de faire appel à l’inquiétude, surtout quand il s’agit de santé.

Faire appel aux inquiétudes de la population est un procédé malheureusement classique dans une certaine presse (montage Nensuria via Freepik).

Une lecture attentive troublante…

Cela est d’autant plus choquant qu’à lire les articles de ce numéro hors-série, ceux-ci recèlent au final nombre d’informations qui viennent confirmer le bien-fondé de la Bio…

Citons-les « en vrac » : « Plusieurs études (…) confirment que la consommation d’aliments bio réduit l’exposition aux pesticides : dans les urines des consommateurs, on retrouve significativement moins de traces d’insecticides, de fongicides et d’herbicides de synthèse ». « En 2014, une vaste analyse de plus de 340 publications scientifiques (…) a conclu une différence notable au niveau de la teneur en antioxydants, plus élevée dans les produits bio ». Concernant les fruits et légumes : « Une étude de l’université de Newcastle (Royaume-Uni) [… a montré que] les concentrations en cadmium, un métal lourd toxique pour les reins, étaient 48 % inférieures dans le bio » et « D’après la dernière étude de la Répression des Fraude (DGCCRF), les traces de pesticides accidentelles ou frauduleuses concernent moins de 4 % des aliments bio ».

 Pour les laits analysés, les PCB et dioxines dénoncés sont présents à des taux « heureusement très au-dessous des teneurs maximales définies par le règlement européen » et « le lait bio offre des avantages indéniables (...) : une teneur plus élevée en micronutriments essentiels ».

Pour les dioxines, furanes et PCB également dénoncés dans (certains) œufs : « Ces taux restent bien en deçà des limites fixées par la réglementation » et « Aucun des œufs ne contenait d’antibiotiques, ne serait-ce que sous la forme de traces ».

Pour les huiles dont certaines contenaient des phtalates et autres plastifiants, le magazine se contente de dire qu’il s’agit de « quantités non négligeables », sans cependant affirmer qu’elles dépassent les normes.

Le pire de la caricature est sans doute atteint avec la page consacrée aux conditions de vie des salariés agricoles « proches de l’esclavage » : « Profitant de l’afflux d’immigrés clandestins, certains cultivateurs italiens et espagnols les exploitent et les logent dans des taudis (…). Pour se désaltérer, ils puisent dans des bidons ayant contenu des produits phytosanitaires »…. L’article mélangeant par ailleurs allégrement culture bio et non bio ! Loin de nous l’idée de nier cet état de fait, parfaitement scandaleux. Mais pour un cas de ce genre, combien de cas de relations humaines respectueuses, surtout à l’heure où de plus en plus de marques bio ont de vrais engagements éthiques, solidaires et équitables ? Il faut dénoncer ces pratiques dignes d’un autre temps et les combattre partout où elles existent. Mais pourquoi le mettre spécifiquement en avant à propos de la Bio ?

  

Des conditions de vie proches de l’esclavage pour des ouvriers agricoles vivant dans des taudis : qui peut croire un seul instant que c’est une généralité dans la Bio ? (image Santiago via Wikimedia Commons).

Arrêtons-là, car malheureusement, pour la plupart des produits (et des pratiques) « analysés » par le magazine, celui-ci ne voit en général que le verre à moitié vide, et non le verre à moitié plein, focalisant en gros titre sur les inévitables « brebis galeuses » plutôt que de louer la majorité des acteurs, en particulier les pionniers qui se battent depuis des années pour une bio riche de valeurs.

Scandale : le sucre bio est sucré !

Le magazine dénonce aussi que les produits bio ne sont pas forcément mieux équilibrés sur le plan nutritionnel. Scoop : le sucre bio est du sucre et une matière grasse bio est une matière grasse ! Qui a dit que le cahier des charges de l’agriculture et de la transformation biologique était un engagement en matière diététique et nutritionnelle ? Sauf erreur, c’est à chacun de faire ses propres choix pour son alimentation : les obligations auxquelles les fabricants doivent se plier permettent de s’informer en connaissance de cause. D’ailleurs, toutes les études montrent justement que la grande majorité des consommateurs bio ont un mode de vie plus sain, sans excès ni dérive alimentaire abusive. Faut-il interdire les pâtes à tartiner au chocolat, les biscuits, les cookies et autres confiseries bio sous prétexte qu’elles ne sont pas de facto moins caloriques que leurs équivalents conventionnels ? On marche sur la tête. D’autant plus que les fabricants/transformateurs bio n’ont pas attendu pour pratiquer une information transparente sur la composition de leurs produits, beaucoup utilisant l’affichage Nutri-Score qui n’est pourtant que volontaire.

Pourquoi des polluants dans certains produits bio ?

Pour revenir sur les polluants retrouvés dans (certains) produits bio par le magazine, en particulier ceux du type dioxines et PCB, il est clair - le magazine le reconnaît - que cela n’est pas du fait des producteurs bio, mais provient de la pollution environnementale globale. Le tort de la Bio selon la publicaiton ? Laisser les animaux à l’air libre, au lieu de les confiner en intérieur comme le fait le conventionnel. Ce qui n’empêche pas, quelques pages plus loin, le magazine de dénoncer (à propos de la viande), que « le bien-être animal [est] la dernière roue du carrosse » de la Bio, mais (!) avec comme citation de conclusion : « Un accès à l’extérieur [à l’extérieur !], un élevage de taille limitée…. On rêve de ces conditions pour tous les animaux aujourd’hui élevés en intensif ». Cherchez l’erreur…

Passons le fait que généraliser, sur la base de quelques analyses, est un raccourci assez surprenant : il est évident que s’il y avait moyen de faire ces analyses dans toutes les régions de production, on constaterait que nombre d’entre elles, éloignées des sources de pollution industrielles, sont beaucoup moins voire pas du tout concernées, en montagne par exemple ou dans des zones rurales sans industrie lourde.

La Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) a fort justement réagi à ce reproche, soulignant : « Alors que le label bio impose aux paysans et paysannes des exigences fortes de production, leurs animaux, leurs fruits, leurs légumes sont exposés à la pollution qui nous entoure, plus que des animaux élevés en batterie ou des fruits et légumes hors sol. La lutte contre la pollution de l'air, des sols et de l'eau doit devenir une priorité du gouvernement pour nous assurer à tous un environnement sain et durable. Ce n'est pas aux paysans et paysannes biologiques de faire les frais de la pollution générée par d'autres, le principe pollueur-payeur doit s'appliquer ».

Ce n’est certainement pas la bio qui est à l’origine de la pollution des sols : au contraire, elle participe à sa réduction (image Juergen PM via Pixabay).

La Bio de qualité existe !

On l’aura compris, à nos yeux ce dossier est caricatural. Il met en avant certaines choses, oubliant leurs tenants et aboutissants, titre sur les faiblesses (réelles) qui existent parfois, mélange aussi « torchons et serviettes », oubliant que nombre des reproches faits ici à la Bio sont au moins (voire bien plus !) applicables à l’agriculture et à l’industrie conventionnelles. Comme si le but de ce « dossier » était de trouver à tout prix des reproches à faire à la Bio…

Oui, il y a des dérives vers du bio « pas cher » et « pas qualitatif ». Les grands groupes de l’industrie conventionnelle, cela n’est un secret pour personne, veulent leur « part du gâteau » de ce marché bio qui affiche une croissance dynamique. Et parmi ces acteurs, certains sont prêts à des compromissions bien loin des valeurs initiales de la Bio.

Mais faut-il pour autant « jeter bébé avec l’eau du bain » ? Certainement pas. Il existe, et il existera encore longtemps, des producteurs et des transformateurs qui entretiennent et bonifient ces valeurs initiales. Les marques correspondantes sont bien souvent (mais on en trouve aussi, heureusement, en grande distribution) dans le circuit des magasins bio spécialisés. Leur histoire, qu’elle soit récente ou ancienne, parle pour eux, de même que leurs engagement, de plus en plus larges, identifiés par exemple par des certifications du type Bioentreprisedurable® et Biopartenaire® ou encore Demeter, Nature & Progrès et Bio Cohérence.

Continuons à consommer bio et à encourager les acteurs engagés de cette filière à croître, pour les aider à résister aux « appétits » de ceux qui n’y voient qu’un moyen de gagner toujours plus d’argent (voir notre autre article ici). Et sachons faire le tri entre informations constructives et dénigrement médiatique loin d’être toujours justifié.

 


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