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La pollution par le plastique, un vrai enjeu environnemental (image stux via Pixabay).

Début décembre, reprenant fort probablement mot pour mot, sans réfléchir comme souvent, une dépêche d’une agence de presse, plusieurs grands quotidiens ont publié un article titré « La fin du sac plastique attendra… 2040 ». Un titre fort mal à propos pour s’inquiéter que « La fin de l’emballage plastique à usage unique, ce n’est pas encore pour aujourd’hui. Et pas vraiment pour demain ». Sur le fond du problème faut-il effectivement crier au scandale ? La pollution au plastique est il est vrai un enjeu environnemental à résoudre d’urgence, mais il ne faut pas pour autant confondre vitesse et précipitation, comme dit le vieil adage.

Les sacs plastiques ?

Revenons d’abord rapidement sur le titre, fort mal choisi (la bonne culture générale étant malheureusement une denrée qui devient rare chez beaucoup de journalistes) de l’article paru dans ces quotidiens. Le sujet actuellement débattu n’est bien entendu pas exclusivement celui des « sacs plastiques », mais celui de « tous les emballages alimentaires, les flacons, bouteilles, ce qui est partout dans nos placards pour l’usage domestique et industriel », comme l’a souligné Laurence Maillart-Méhaignerie, députée LREM de l’Ille-et-Vilaine. C’est pour cela que l’Assemblée nationale a voté le 9 décembre 2019 un amendement donnant à la France un « objectif de fin de mise sur le marché des emballages plastique à usage unique d’ici 2040 ».

Concernant les sacs en plastique, rappelons que depuis le 1er juillet 2017, sont interdits tous ceux « non compostables, destinés à l’emballage de marchandises au point de vente autres que les sacs de caisse, notamment les sacs distribués en rayon, ainsi qu’aux emballages en plastique non biodégradables et non compostables, pour l’envoi de la presse et de la publicité (mise sous blister) ». En échange, les consommateurs doivent se voire « proposer des sacs en plastique réutilisables (…) ou des sacs en papier, en carton ou en tissu » (source : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf).

« La loi vise aussi bien les supermarchés que les marchés en plein air (brocantes et vide-greniers compris) ou les commerces de proximité (boulangerie, épicerie, pharmacie, station-service...) ». Les sacs en plastique utilisés par les bouchers, charcutiers, traiteurs, poissonniers, boulangers... « qui sont utilisés pour emballer une denrée alimentaire en vrac, c’est-à-dire les sacs qui sont directement en contact avec la denrée, ne sont pas considérés comme des sacs de caisse ».

Le sujet qui fait actuellement débat est donc celui de tous les emballages - alimentaires ou non en fait si on comprend bien, même si cela n’a pas été clairement exprimé (par exemple les contenants des cosmétiques ou des détergents) - qui sont aujourd’hui largement utilisés : barquettes, pots, tubes, bouteilles et autres flacons.

Solution efficace ou tonneau des Danaïdes ?

La pollution par les plastiques, notamment celle des océans, est un véritable fléau. Comme on peut le lire sur le site officiel de l’Unesco, « Les déchets plastiques causent la mort de plus d’un million d’oiseaux marins et de plus de 100 000 mammifères marins chaque année. Sous l’effet des courants marins, les plastiques et autres déchets peuvent se concentrer dans certaines zones appelées gyres océaniques [du mot grec gyros signifiant « rotation », c’est-à-dire des courants d’eau annulaires en rotation]. Il y a actuellement cinq gyres dans notre océan »… Ces gyres sont le fameux « 7e continent » de plastique qui inquiète les défenseurs de la planète et la plupart des scientifiques.

Faut-il pour cela interdire de toute urgence en France (et même dans l’Union européenne) les plastiques ? Et pas que ceux à usage unique d’ailleurs, la pollution n’étant pas que le fait de ceux-ci, mais d’autres plastiques aussi (produits cassés, par exemple). Le problème et qu’avec une telle interdiction somme toute « localisée » on serait, pour imager la chose, dans le cas du fameux « tonneau des Danaïdes ». Les Danaïdes, ces célèbres (mais mythiques) filles du roi grec Danaos qui furent condamnées à remplir éternellement une jarre percée (et non des tonneaux, d’ailleurs). En clair, supprimer le plastique jetable en France voire dans l’Union européenne ne résoudra pas le problème que cela pose au niveau mondial. Pourquoi ?

Pour la Méditerranée par exemple, qui n’est qu’une des mers ou océans du monde (la France ayant très peu de côtes sur le Pacifique et même, comparé à d’autres pays, sur l’Atlantique), le graphique suivant ci-après réalisé par le WWF montre que notre pays est à l’origine de 10 000 tonnes de plastique rejetées dans cette mer. Certes, c’est 10 000 tonnes de trop, mais cela représente seulement… 1,75 % des 570 000 tonnes rejetées ! Le premier responsable est en effet l’Egypte, qui avec 250 000 tonnes en représente 43,9 % ! Le second pollueur est la Turquie (110 000 tonnes soit 19,3 %). Ces deux pays rejettent ensemble près des 2/3 du plastique qui pollue la Méditerranée. La France fabrique peut-être 15,1 % du plastique concerné (37,81 Mio tonnes produites au total), mais elle ne représente que 1,4 % des 6,57 Mio tonnes de déchets plastiques mal gérés.

Tableau extrait du rapport WWF 2019 « Stop the flood of plastic: How Mediterranean countries can save their sea ».

Pour tarir le flux de la pollution plastique dans la Méditerranée (sans parler des autres mers et océans), ce n’est pas en fermant le « robinet » français ou même européen que nous y arriverons. Même si les plages française sont pour certaines loin d’être propres, pour s’en rendre compte il suffit de regarder des photos des côtes et plages dans certains pays d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie, notamment le sous-continent indien, pour qui la « chasse au plastique » est loin d’être la première préoccupation urgente.

Ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas faire d’efforts de notre côté en matière d’usage du plastique et de mesures pour éviter la pollution qu’il provoque, bien sûr.

Attention aux risques sanitaires

Certains préconisent la généralisation au plus vite du vrac (alimentaire) pour résoudre les problèmes environnementaux liés à l’utilisation du plastique à usage unique. Nous parlons sur cette page des avantages mais aussi inconvénients de la vente en vrac.

Mais parmi les risques potentiels liés à l’achat des produits en vrac figure le risque hygiénique (microbiologique). Car actuellement, les produits les plus vendus sont des produits secs, globalement peu sensibles (ou en tout cas moins sensibles) à la dégradation microbiologique. Mais les produits humides ou les liquides alimentaires (lait, jus de fruits…) sont autrement plus sensibles à la prolifération de germes, avec potentiellement des atteintes grave à la santé en cas de problème. Ce n’est pas pour rien que beaucoup de ces produits sont pasteurisés, conservés sous atmosphère inerte (azote) et/ou à conserver a frais, et seulement quelques jours…

Acheter de tels produits en quantités « individuelles », conditionnés à l’unité chez le marchand, oblige à avoir des contenants réutilisables parfaitement nettoyés, quasiment stériles, sauf à consommer ces produits dans un laps de temps très court. Rares sont les consommateurs qui ont acheté un jour au poids un plat préparé chez le traiteur, ou de la charcuterie, même des fruits et légumes, et qui, régulièrement, ne jettent pas leur achat au bout de quelques jours, car « oublié » un peu trop longtemps au réfrigérateur. Entre augmentation du gaspillage alimentaire et retour des toxi-infections alimentaires (qui ont quasi disparu grâce à la technologie des emballages individuels… jetables), nous ne serons pas forcément gagnants. Il faut impérativement le rappeler ici.

Car il ne sera pas possible de remplacer le plastique des contenants par du carton, incompatible avec l’humidité des produits : les aliments ne se conserveront pas ! Le verre ? Cela signifie que le recyclage doit être systématique, idéalement avec des points de collecte pour retourner les contenants spécifiquement à chaque fabricant, sans parler du surcoût (le plastique étant peu onéreux), du problème du poids des emballages, de leur stockage chez le fabricant (qui prend inévitablement plus de place) etc. Et même si la production du verre a fait bien des progrès, elle est énormément consommatrice d’énergie et son empreinte carbone reste élevée.

Voilà ce qu’en dit une ferme produisant ses propres yaourts, qui a fait le choix de pots en polypropylène, considérant ce choix comme le « moins mauvais » :

« Nous n'utilisons pas de pots en verre [car] contrairement aux idées reçues, le verre, bien que 100 % recyclable, n’en est pas moins polluant ! Sa fabrication est extrêmement énergivore : il faut chauffer le four à 1 565° Celsius pour créer du verre en fusion, le refroidir puis le couper en sections pour le placer en machines de fabrication afin de le fondre pour qu’il prenne forme. Le cuire de nouveau (…). Une fois vide [utilisé et recyclé], le contenant en verre est jeté dans les containers de tri, puis brisé, réduit à l'état de calcin avant d'être refondu dans un four à 1 500°C afin de redevenir une nouvelle bouteille, un nouveau petit pot... Son empreinte carbone est donc élevée. Au stade du transport : il faut beaucoup plus de camions pour transporter du verre que pour un nombre équivalent de produits emballés en carton ou polypropylène/PET car le verre est bien plus lourd (…). Autres points non négligeables à prendre en compte quant à l’utilisation du verre dans une structure telle que la nôtre : le verre est un matériau lourd et coupant s’il se casse. Sa manipulation (porter les colis, tirer les palettes,…) implique des efforts physiques et des positions de travail qui nous exposent à plus de risques d’accidents du travail (troubles musculo-squelettiques, lombalgies, …). Les pots en verre ne sont pas empilables. Il nous faudrait par conséquent un espace de stockage beaucoup plus grand. Pourquoi nous n'utilisons pas de pots en carton ? Aujourd’hui, les pots dits en carton qui servent pour conditionner des produits laitiers ne sont pas 100 % carton, et ce pour plusieurs bonnes raisons : le simple carton ne supporterait pas l’humidité des produits, et, entre autres, il serait impossible d’y faire tenir des opercules. Aussi ces pots sont forcément bi-matières en carton + paraffine ou polyéthylène, soit des emballages qui, aujourd'hui, ne sont pas recyclés et ceci est valable pour toute la France. Même si vous les mettez dans les containers de tri, ils sont d’office incinérés ou enfouis en fonction des secteurs géographiques (…). Voilà pourquoi nous refusons d’utiliser des pots bi-matières et avons fait le choix de pots mono-matière en polypropylène 100 % recyclables et recyclés à hauteur du nombre de pots et seaux que vous, clients, nous rapportez. Vous l'avez compris, à vous de jouer ! ».

À notre sens, on ne peut pas mieux expliquer les choses !

Quelles solutions alternatives ?

Il n’en reste pas moins que les plastiques à usage unique actuels, jetables, posent un réel problème. Partout où cela est possible, il faut les supprimer, ce qui passe par leur interdiction, comme l’Union européenne a commencé à le faire (pailles, touillettes, gobelets, couverts, sacs de caisse, contenants alimentaires en polystyrène expansé, cotons tiges, tiges de ballon, etc.). Pour tous les produits pour lesquels la vente en vrac ne pose pas de souci hygiénique, il faut en promouvoir et stimuler l’achat. Pour les liquides vendus en bouteilles plastique, il faut revenir autant que possible au verre, avec la remise en place de circuits de consigne, etc.

Revenir à la vieille tradition de la consigne du verre : une incontestable solution d’avenir (image frigilianatone via Pixabay).

Pour le plastique, là où il reste plus ou moins incontournable, il faut utiliser uniquement des plastiques recyclables et en simplifier le recyclage. D’ailleurs, pourquoi laisser sur le produit le « point vert » (flèches entremêlées) qui signifie simplement que l’entreprise paie sa « taxe écoemballage » (de toute façon obligatoire en Europe !), qui sert financer la collecte, le tri et le recyclage des emballages qu’elle met sur le marché, dont le montant est calculé selon le poids, le matériau et le nombre d’éléments de l’emballage concerné ? La plupart des consommateurs ne l’ont toujours pas compris !

Pourquoi ne pas systématiser plutôt, sur la face principale des produits, le logo avec les flèches en triangle avec le code chiffré des produits indiquant le type de plastique et donc sa recyclabilité ? Qui, en l’absence d’indication faite par le fabricant, n’a jamais été confronté à la question « Et ce plastique, poubelle des déchets ou poubelle des matériaux recyclables ? ». Ce serait un bon début, avec la mise en place de filières sérieuses de recyclage et une information claire des consommateurs !

Enfin, avant de bannir définitivement l’usage du plastique, suivons de près l’arrivée des nouveaux plastiques (réellement) biodégradables voire compostables. L’industrie de la bio (alimentaire et cosmétique) montre de plus en plus la voie (mais aussi des entreprises conventionnelles qui, sincèrement ou non, veulent se donner bonne conscience).

Nombreux sont en effet déjà les plastiques biosourcés : à base de PLA (acide polylactique) issu d’amidon de maïs, de PA 11 (polyamide 11) provenant d’huile de ricin, d’éthanol issu de canne à sucre, intégrant éventuellement d’autres matériaux pour une meilleure tenue (par exemple du carbonate de calcium provenant de coquilles vides de fruits de mer ou tout simplement de craie minérale), etc. Et nous ne sommes sans doute qu’au début des possibilités des plastiques biosourcés.

Salade conditionnée dans un emballage en bioplastique (acétate de cellulose : image Christian Gahle, nova-Institut GmbH via Wikimedia Commons).

Avant de condamner définitivement et sans appel le plastique, par réaction « épidermique » de principe, réfléchissons posément, que l’on soit consommateur ou professionnel. C’est le plastique issu du pétrole qu’il faut bannir, en privilégiant soit des solutions alternatives (verre par exemple) lorsqu’elles présentent réellement des avantages (en gardant en mémoire l’écueil, en alimentaire, mais aussi en cosmétique, du risque sanitaire), soit de nouveaux matériaux du type bioplastiques. En étant aussi des consommateurs responsables, en triant et recyclant. Et surtout bien sûr, en ne jetant pas n’importe quoi n’importe où, ne serait-ce qu’un emballage de bonbon ou un cellophane d’un paquet de cigarettes, sans parler des mégots. Mais ceci est un autre sujet.

Si déjà nous commençons par ça, nous ferons un grand pas, à notre niveau. Et en réduisant (supprimant) la production de plastique issu du pétrole, nous agirons aussi, lentement mais sûrement, au niveau planétaire.


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