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Un gel désinfectant pour lutter contre le coronavirus ? Attention à la qualité (photomontage sur images geralt, Ri_Ya et iXimus via Pixabay).

Malgré le relâchement évident d’un (trop) grand nombre de Français au moment où ces lignes sont écrites (fin juin 2020), qui pensent visiblement que le risque d’épidémie a disparu, le coronavirus SARS-CoV-2 continue à circuler largement en France, comme dans d’autres pays. Dans l’attente d’un vaccin efficace et d’un traitement ciblé préventif, il ne reste que trois solutions efficaces pour lutter contre le Covid-19 : la distanciation physique, le port du masque quand cette distanciation n’est pas possible et la désinfection, notamment des mains.

L’hygiène des mains n’a pas été toujours été une évidence

Dès le début de la crise, face à ce nouveau virus totalement inconnu, une évidence s’est imposée : pour éviter qu’il soit transmis, outre le port du masque sur le visage (bouche et nez !), il fallait désinfecter. Désinfecter les objets, les surfaces et bien sûr les mains ayant pu être contaminés par des micro-gouttelettes susceptibles de contenir du virus actif.

La désinfection est connue pour être efficace sur la plupart des agents contaminants (bactéries, virus, moisissures…) depuis plusieurs générations. En l’occurrence, c’est au médecin accoucheur hongrois Ignace Philippe Semmelweis (1818-1865) que nous devons l’innovation majeure que fut, lorsqu’il exposa en mai 1847 l’importance absolue qu’il y avait à appliquer une hygiène stricte des mains lors des soins médicaux. Avant cette date, un médecin pouvait très bien, sans que cela ne choque personne, disséquer le corps d’une personne morte de maladie puis aller accoucher une femme sans s’être soigneusement lavé les mains !

Et si dans les siècles précédents on savait que les maladies pouvaient être contagieuses, contre les « miasmes » qui les transmettaient c’est-à-dire le « mauvais air » (croyait-on), on utilisait surtout des parfums et des fumigations de plantes.

Certes, il faudra attendre les travaux du Français Louis Pasteur et de l’Allemand Robert Koch, dans les années 1870, pour confirmer l’existence des microbes, puis les années 1880-1890 pour bien connaître les virus (dont on commença à supposer l’existence à l’époque de Semmelweis d’ailleurs). Mais à nos yeux, cela semble incroyable qu’avant la moitié du 19e siècle, on n’avait pas encore pris conscience de l’importance de l’hygiène en médecine !

L’alcool, un désinfectant globalement très efficace

La découverte de Semmelweis fait de lui le pionnier absolu de la lutte contre les fameuses maladies nosocomiales, ces infections que l’on peut attraper à l’hôpital, et de l’antisepsie, cette méthode permettant d'éliminer les micro-organismes au niveau des tissus vivants. Si le désinfectant qu’il préconisait était une solution d'hypochlorite de calcium (obtenu par réaction de chaux avec du chlore gazeux), un produit proche de l’eau de Javel (hypochlorite de sodium), on se tourna à partir des années 1870 vers le phénol, un alcool particulier et surtout, il se confirma dès la fin du 19e siècle que l’éthanol, l’alcool obtenu par la fermentation du sucre, était un antiseptique particulièrement efficace. De plus des études récentes ont montré que c’était un des plus rapides à agir.

Cet éthanol (alias alcool éthylique, mais aussi l’alcool isopropylique ou isopropanol, obtenu par synthèse), est actif sur les bactéries, y compris sur les très résistantes mycobactéries (comme le bacille de Koch, le microbe responsable de la tuberculose) et sur les champignons (l’action fongicide de l’alcool est très importante). Il est également efficace sur de nombreux virus dits « enveloppés », comme ceux du SIDA (HIV), de l’herpès, de la rage ou du Covid-19, le fameux Sars-CoV-2. Seule exception, les virus dits « nus », c’est-à-dire sans enveloppe, comme celui de l’hépatite A ou de la polio.

La seule limite de l’alcool est surtout par ailleurs son inefficacité contre les spores, ces formes de résistance de certaines bactéries, comme le très dangereux clostridium, responsable entre autres du botulisme ou du tétanos.

On s’est rapidement rendu compte que le pouvoir désinfectant de l'alcool est plus élevé lorsqu’il est mélangé à de l'eau (60 à 70 % d’alcool pour 40 à 30 % d’eau), la présence de cette eau favorisant entre autres la pénétration de l’alcool dans les cellules bactériennes, alors qu’à l’inverse l’alcool pur risque au contraire de provoquer l’apparition de spores résistantes chez les bactéries qui en sont capables. En général, on rajoute à cet alcool à usage désinfectant un agent dénaturant (exemple un amérisant), pour le rendre impropre à la consommation humaine. L’intérêt de l’alcool est aussi qu’outre sa propre action désinfectante, il est un solvant idéal pour d’autres actifs bactéricides ou virucides qu’on peut alors y ajouter. De plus, il s’évapore rapidement sur la peau après application, sans effet négatif.

Kreuz_und_Quer via Pixabay

SHA ? Gel hydro-alcoolique ?

C’est en 1965 qu’apparurent les premiers gels hydro-alcooliques, également appelés SHA, pour « solutions hydro-alcooliques », les deux dénominations étant parfaitement équivalentes il faut le noter.

L’usage de ces gels est strictement réservé à la désinfection des mains, l’avantage, par rapport à un savon, étant qu’ils peuvent être employés sans eau. Par contre, s’ils ont des propriétés bactéricides, virucides et fongicides, ils ne nettoient pas les saletés, contrairement au savon. C’est pour cela qu’ils ne doivent pas être utilisés sur des mains souillées (d’apparence propre), ni mouillées d’ailleurs, car cela diluerait l’alcool.

Outre l’avantage de ne pas avoir besoin d’eau, les gels hydro-alcooliques sont beaucoup mieux tolérés par la peau qu’un lavage fréquent avec de l'eau et un savon antiseptique. Et c’est beaucoup plus rapide : on les utilise par friction sur les mains, pendant 20 à 30 secondes, une minute au maximum, en frottant soigneusement le dessous et le dessus, sans oublier les espaces entre les doigts et le tour des doigts.

Typiquement, les gels contiennent de l’alcool et de l’eau bien sûr, mais aussi un émollient (adoucissant pour la peau : triéthanolamine, hydroxyurée ou encore, utilisable en bio, glycérine, alcool myristique, gel d’aloe vera) et parfois un autre actif antiseptique, en général de la chlorhexidine ou du triclosan, des actifs cependant controversés et interdits en bio. On trouve aussi du peroxyde d’hydrogène. Les gels ne sont pas agressifs pour les mains et très pratiques d’emploi en raison de la possibilité d’un usage nomade, où que l’on soit.

mirkosajkov via Pixabay

Tous les gels désinfectants ne sont pas virucides !

Si de nombreux gels désinfectants sont à la fois bactéricides, fongicides et virucides, il faut cependant rester prudent, car certains ne sont pas virucides, même si l’alcool est plus efficace contre de nombreux virus que d’autres autres actifs comme la povidone ou la chlorhexidine. Mais cette efficacité virucide dépend de la concentration effective en alcool dans le gel, sachant de plus qu’il ne faut pas utiliser ce gel, comme dit plus haut, sur des mains mouillées, au risque de trop diluer l’alcool.

La différence entre les gels juste bactériens (et également fongicides) et ceux qui sont en plus virucides est à la base liée à la concentration en alcool. Car on trouve des gels désinfectants ne contenant que 60 % d’alcool… Lors de la pénurie de ce type de produit au début de la crise du Covid-19, certains fabricants peu sérieux en ont même vendu qui contenaient à peine 27 % d’alcool, comme cette marque que la DGCCRF (le service des Fraudes) a fait retirer du marché en mai 2020 !

Pour être sûr de bien avoir un gel désinfectant également virucide, il existe deux possibilités.

La première est de vérifier la présence de la norme à laquelle le gel est conforme. Il en existe trois :

  • la norme EN1275, prouvant une efficacité contre les champignons (action fongicide)
  • la norme EN 1500, prouvant une efficacité contre les bactéries (action bactéricide)
  • la norme EN14476, prouvant une efficacité contre les virus.

Mais il existe en fait de très nombreuses autres normes, comme la EN 1276 pour un effet bactéricide sur les surfaces, la EN 1650 pour une activité fongicide sur les surfaces aussi, ou encore les EN 13610 et EN 14675 montrant une activité virucide également sur les surfaces seulement.

L’efficacité étant croissante, cela signifie qu’un gel conforme à la norme EN1040 est également efficace contre les champignons, et qu’un gel conforme à la norme EN14476 est également efficace contre les champignons et les bactéries.

Dans le cas présent, s’agissant de gels désinfectants pour les mains dont on recherche une activité contre le coronavirus SARS-CoV-2, responsable du Covid-19, il faut donc vérifier la présence de la mention de la norme EN 14476.

Cette norme garantit l’efficacité contre toute une palette de virus, parmi lesquels les virus grippaux (H1N1, H5N1, H3N2), les coronavirus (SRAS), le VIH (SIDA), les rotavirus (gastro-entérite), l’herpès, le poliovirus, l’adénovirus, etc.

Insistons ici : un coronavirus est un virus enveloppé, qu’il s’agisse du récent SARS-CoV-2 ou pas. D’autres coronavirus étaient déjà connus il y a plusieurs années, et le fait que sur l’étiquette d’un gel mis en vente il y a plusieurs années soit écrit que ce dernier est efficace contre le coronavirus n’est en rien la preuve (!!!???) que l’actuel coronavirus était déjà « prévu » et que donc ce dernier a été fabriqué en laboratoire !

Nous avons cependant parlé plus haut d’une autre façon de vérifier qu’un gel désinfectant est effectivement virucide. Car parfois, en particulier lors de l’apparition de la crise du Covid-19, la norme n’a pas été mentionnée sur l’étiquette, les autorités sanitaires en ayant autorisé la fabrication dans l’urgence sans prendre le temps de tester la conformité à la norme EN 14476.

Ces gels virucides devaient cependant être conformes à la formulation recommandée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé, WHO en anglais), correspondant à un mélange bien précis d’éthanol à 96 % (ou d’isopropanol à 75 %), de peroxyde d’hydrogène (alias eau oxygénée), de glycérine à 98 % (glycérine) et d’eau distillée (ou bouillie). Cela correspond à un teneur finale de 80 % d’éthanol en volume (V/V) ou de 75 % d’isopropanol en volume (V/V), avec néanmoins dans les deux cas une tolérance de ± 5 %. Exprimé en %, façon différente assez courante, cela signifie qu’un gel hydro-alcoolique à base d’éthanol doit afficher au minimum pour l’éthanol un minimum de 64 %.

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Pour une bonne activité virucide, hors mention de la norme EN 14476, le produit doit donc afficher un pourcentage d’alcool supérieur à 64 %. En l’absence de l’une de ces indications, norme EN 14476 ou pourcentage minimum de 64 % d’éthanol, même s’il y a écrit « biocide », « désinfectant » ou « antibactérien » (ce sont les virus que l’on veut détruire !), il ne faut pas utiliser un tel produit pour combattre le coronavirus !


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