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Légumes verts, riz complet et sauce au soja : une recette avec des ingrédients typiques de la macrobiotique
(image Vegan Feast Catering via Wikimedia Commons).

Comme pour tout individu humain, l’arbre généalogique de l’alimentation biologique est complexe et touffu, avec des ancêtres directs et des cousins appartenant à des branches parallèles, avec lesquelles elle partage des « gènes » communs. L’alimentation macrobiotique fait partie de cet « album de famille » de l’alimentation saine et biologique.

« Ce qui est relatif à une longue vie »

Le mot macrobiotique vient du grec ancien μακρóς [makrós] signifiant « grand » (comme dans « macromolécule ») associé à β?ος [bios] signifiant « vie » et au suffixe –ικ?ς [-ikós] qui veut dire « qui est relatif à, qui est propre à ». La macrobiotique est donc « ce qui est relatif à une grande (longue) vie ».

Le terme μακρ?βιος [makróbios] (longue vie) était déjà utilisé dans l’antiquité grecque. On le trouve par exemple dans le « Canon d'Hippocrate » (« Corpus Hippocraticum » en latin), recueil de textes anciens de médecine attribué comme son nom l’indique au médecin grec Hippocrate. D’autres auteurs grecs anciens, comme Aristote, qualifient de macrobiotique un mode de vie reposant sur une alimentation simple, garante d’une bonne santé et d’une longue vie. Plus récemment, il apparaît surtout en 1796 sous la plume du docteur Christoph Wilhelm Hufeland (1762-1836), médecin du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, ainsi que des célèbres écrivains allemands Goethe et Schiller, et ce dans son ouvrage « Die Kunst, das menschliche Leben zu verlängern » (« L’art de prolonger la vie de l’homme »), traduit en français dès 1798. A partir de la 4e édition, en 1805, le livre sera rebaptisé « Makrobiotik oder Die Kunst, das menschliche Leben zu verlängern »(« [La] Macrobiotique ou L’art de prolonger la vie de l’homme »). Mesures d’hygiène corporelle et d’alimentation ainsi qu’activités physiques et intellectuelles faisaient partie des préconisations de Hufeland.

Georges Cuvier, le célèbre anatomiste et zoologiste français (1769-1832) parle de « l'ingénieuse Macrobiotique de M. Hufeland » dans son « Rapport historique sur les progrès des sciences naturelles depuis 1789 et sur leur état actuel » paru en 1810. Hufeland est considéré aujourd’hui comme un précurseur de la médecine préventive anti-vieillissement.

« La macrobiotique ou l’art de prolonger la vie de l’homme » par le Dr Hufeland. A g. édition allemande de 1805, à dr. une édition française de 1838.

Les enseignements du « Docteur Légumes »

La macrobiotique moderne a cependant connu une expansion mondiale grâce à un japonais, Georges Ohsawa, de son vrai nom Yukikazu Sakurazawa (1893-1966), mais qui la développa lui-même à partir des préceptes d’un de ses compatriotes qui travailla avant lui. Né dans une famille très pauvre, atteint de tuberculose, maladie à l’époque souvent mortelle, Oshawa recouvra en effet la santé en suivant les enseignements de thérapeutique naturelle du Dr Sagen Ishizuka (1850-1909). Celle-ci, qui trouvait ses racines dans les anciennes traditions médicales extrême-orientales, était notamment basée sur une alimentation équilibrée, fondée sur un équilibre entre le Yin et le Yang, les deux composantes, opposées mais complémentaires, de la vie et du cosmos selon la philosophie chinoise.

A la fin des années 1890, époque à laquelle le Japon s’ouvrit à l’Occident - passant pour ainsi dire directement du Moyen Âge aux temps modernes - Sagen Ishizuka, qui était médecin de l’armée japonaise, développa une méthode de nutrition et de médecine certes inspirée des connaissances occidentales (chimie, biologie, biochimie), mais qui ne tournait néanmoins pas le dos aux traditions japonaises, au contraire. En 1907 fut fondée une association appelée Shoku-Yo-Kai (« association de la guérison par l’alimentation »), présidée par Ishizuka, dont le but fut de promouvoir et de défendre la médecine et la diététique japonaises contre l’influence grandissante des méthodes occidentales. Le régime alimentaire préconisé, pratiqué dans la clinique du Dr Ishizuka (surnommé parfois « Docteur Légumes » ou « Docteur Radis »), était basé entre autres sur les traditions locales, recommandant ainsi la consommation d’aliments non transformés (non raffinés), par exemple du riz brun (riz entier) avec très peu de produits laitiers ou animaux en général, et plutôt des légumes, dont des légumes de la mer (algues).

Les 5 principes de base de la thérapeutique d’Ishizuka, grâce à laquelle il soigna de nombreux patients, étaient les suivants :

Un dessert vegan à la papaye et à la noix de coco
reproduisant le symbole du Yin et du Yang
(image Vegan Feast Catering via Wikimedia Commons).
  • La nourriture est le fondement de la vie, du caractère, de la constitution, du bonheur, de la santé ou de la maladie.
  • Le sodium et le potassium sont les principaux éléments antagonistes et complémentaires de l’alimentation. Ce sont eux qui déterminent le plus son caractère, c’est-à-dire sa « qualité Yin / Yang ». Le contenu en potassium et en sodium des aliments doit être équilibré.
  • Pour l’être humain, les graines sont les aliments de base.
  • Les aliments doivent être non raffinés, non transformés (entiers) et naturels.
  • Les aliments sont meilleurs s'ils sont cultivés localement et consommés en saison.

 

George Ohsawa, promoteur de la macrobiotique moderne

Guéri des ses problèmes de santé grâce aux enseignements de Sagen Ishizuka, Ohsawa rejoignit l’association Shoku-Yo-Kai dont il devint plus tard le président. Il approfondit la méthode Ishizuka, l’étendant à d’autres aspects de la vie et la baptisant du terme de macrobiotique utilisé au siècle précédent par Hufeland. Ayant déjà auparavant voyagé en Europe (il avait notamment séjourné en France et apprit le français, son pseudonyme Ohsawa étant probablement formé sur l’expression française « Oh, ça va », dans le sens de « je me porte bien »), il parcourut le monde pour faire connaître ses propres préceptes.

Georges Ohsawa (photo Internet, DR).

Si pour Ohsawa la diététique était au cœur du style de vie macrobiotique, il développa celle-ci comme une philosophie générale du fonctionnement de l’univers et de la vie, avec des principes relatifs aussi au sommeil, à la fatigue, à la façon de faire face aux nouvelles situations, aux relations avec les autres, à l’importance de la bonne humeur, à la précision de la pensée et des actions, etc. Pour lui, chaque maladie était causée par un déséquilibre du Yin et du Yang présents en chacun.

On notera cependant que, comme Ishizuka, Ohsawa ne pensait pas que les maladies sont provoquées par des microorganismes pathogènes du type bactéries ou virus, mais que c’est l’affaiblissement du système immunitaire qui en était la cause. Il ne croyait pas aux médicaments et aux interventions chirurgicales, qui n’empêchaient pas, selon lui, les maladies de revenir sous une autre forme. C’est pourquoi l’approche de guérison macrobiotique cherche à renforcer le système immunitaire plutôt qu’à lutter contre les agents pathogènes.

Voyageant donc à travers le monde, animant sans cesse des séminaires et faisant des conférences, Georges Oshawa écrivit environ 300 livres en japonais et 20 en français. Sa pensée continue à être diffusée par de nombreux auteurs et différents groupes et associations qui se sont formés dans plusieurs pays.

 

Les grands principes de l’alimentation macrobiotique

Dans la pratique, si on suit à la lettre les préceptes d’Ohsawa, adopter un régime macrobiotique est assez complexe, Ohsawa distinguant même 10 « niveaux » de sophistication différents, plus ou moins stricts en fonction des circonstances et de l’avancée dans la pratique.

 

Globalement, les grandes règles de l’alimentation macrobiotique sont les suivantes, les proportions indiquées variant selon les niveaux de sophistication évoqués :

  • 40 à 60 % de céréales entières bien mâchées, en en particulier du riz brun
  • 25 à 30 % de légumes verts
  • 5 à 10 % de haricots et autres légumineuses
  • 5 % de soupe au miso
  • 5 % de légumes de la mer
  • 5 à 10 % de d’aliments transformés naturellement ou selon des procédés naturels

Le sel de mer, seul ou en miso (préparations traditionnelles fermentées à base de riz, de soja, d’orge…), la sauce au soja, les umeboshi (prunes macérées au sel) ou le gomasio (condiment à base de sésame grillé et de sel marin), ainsi que le thé, généralement du thé bancha (thé vert), sont également des aliments traditionnels en macrobiotique. Le poisson et fruits de mer, les graines et les noix, les huiles et graisses de graines et de noix oléagineuses, les assaisonnements, les édulcorants et les fruits peuvent être consommés occasionnellement, deux à trois fois par semaine (le sucre est d’ailleurs considéré comme préjudiciable à l’organisme, contrairement au sel). 

Les « légumes de la mer » sont un grand classique du régime macrobiotique : ici de l’algue nori séchée
(photo Pixabay F_A).

Mis à part un peu de thé, la consommation de liquides (boissons) est limitée. Le produits d’origine animale, à condition qu’ils aient été obtenus avec des procédés naturels, peuvent être consommés si nécessaire pendant des phases de transition ou en fonction des besoins individuels. Mais le régime macrobiotique est essentiellement végétarien, la viande étant considérée comme difficile à digérer et susceptible de provoquer l’apparition de toxines dans le corps ainsi qu’une acidification de l'organisme. Même les produits laitiers sont considérés comme dangereux et donc à éviter.

Les produits stimulants comme le café , le thé noir, les épices fortes ou l'alcool sont aussi à éviter, de même que les aliments transformés industriellement, ceux en conserve et surgelés.

Les ustensiles de cuisine doivent être en matériaux naturels (bois, verre…), le plastique ou le cuivre étant à proscrire, de même que les revêtements anti-adhésifs, la cuisson au four à micro-ondes ou électrique.

La macrobiotique, une approche complémentaire

L’approche macrobiotique porte en elle des éléments qui ne peuvent que bénéficier à une bonne hygiène alimentaire. Mais parfois, certaines des affirmations qu’a pu faire Ohsawa ne résistent malheureusement pas à l’analyse scientifique. Ainsi, il affirmait que le corps humain est capable de fabriquer lui-même sa propre vitamine C si celle-ci n’est pas apportée par l’alimentation, alors que cela est en contradiction totale avec ce que la science a démontré.

Par ailleurs, de nombreuses études épidémiologiques (enquêtes avec analyses des paramètres biologiques faites sur des populations) ont montré que, malheureusement aussi, un régime macrobiotique strict pouvait conduire à des carences, surtout chez les enfants, avec de possibles ralentissements de croissance : teneur plus faible en vitamine B12, calcium et magnésium dans le lait maternel ; carences potentielles en calcium, fer et vitamines D, B2 et B12, ainsi qu’en lipides... Pour ces raisons, pour beaucoup de médecins et de nutritionnistes, le régime macrobiotique strict pose plus de problèmes qu’il n’en résout, et est considéré comme totalement inapproprié pour les nourrissons et les enfants en bas âge.

Comme souvent, ce sont les excès qui sont néfastes, dans les deux sens. Mais si on prend en considération les grandes lignes de l’alimentation macrobiotique, celles-ci recèlent des vérités que l’on retrouve dans d’autres approches modernes d’une nutrition saine, comme éviter les aliments industriels trop transformés ou privilégier les produits non raffinés et surtout certains aliments végétaux (céréales entières, légumineuses...). De plus, la cuisine macrobiotique est largement inspirée de la tradition japonaise, ce qui est une source potentielle certaine de découvertes gustatives et donc d’innovations culinaires.

Pour ces raisons, se plonger de temps à autres dans les recettes macrobiotiques et en pratiquer les règles pour varier et enrichir son hygiène de vie alimentaire, en parallèle (en alternance) d’un régime flexitarien voire végétalien, bien entendu avec des ingrédients de qualité (… c’est-à-dire bio !) est une voie que l’on ne peut que suggérer.

 


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