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(Photo Pixabay pradippal)

Poulet tandoori ou biriany, tikka masala, currys, samoussas, lassi… Depuis bien longtemps, les Français ont pu découvrir l’univers de senteurs, de saveurs et de chaudes couleurs de la cuisine indienne, les restaurants indiens étant devenus presque aussi courants que leurs homologues chinois ou japonais. Aujourd’hui, cette découverte s’est étendue à l’Ayurvéda, une science millénaire holistique qui touche à la fois la nutrition, la cosmétique et, plus globalement, le bien-être et la santé.

 

« La connaissance de la vie »

En sanskrit, cette langue indienne très ancienne, utilisée encore aujourd’hui par certains érudits comme langue littéraire et comme langue liturgique (hindouisme, bouddhisme…), ayur signifie « vie », et veda « science », « connaissance ». Ayurvéda peut ainsi se traduire par « science (ou connaissance) de la vie ».

Le mot trouve son origine dans les védas, un ensemble de textes datant de l’époque dite védique, ainsi baptisée car c’est justement durant cette période que furent composés ces grands textes hindouistes encadrant dès lors non seulement la religion mais aussi la vie de tous les jours. Cette époque védique a débuté entre la fin de l’Âge du Bronze et le début de l’Âge du Fer indiens (autour de 1 500 ans avant notre ère).

1 500 av. J.-C., signifie donc que cette époque védique est vieille de 3 500 ans et quelques. Affirmer, comme on l’entend et le lit souvent (sans doute pour le valoriser encore plus) que l’Ayurvéda date de 5, 6 voire 7 ou 8 000 ans est donc (largement) exagéré et historiquement inexact, même si on peut supposer que ces textes védiques ont fort probablement « fixé » des traditions plus anciennes.

Mais surtout, prétendre que « ses premiers écrits datent de plus de 5 000 ans » (affirmation là aussi fréquente) est absolument faux, ne serait-ce que parce que les premières formes d’écriture (en Mésopotamie) datent de… 3 300 av. J.-C. Pour l’Inde, si on a retrouvé sur des sceaux des signes datés de 3 500 à 1 900 av. J.C., il n’est pas certain qu’il s’agisse d’une écriture au sens strict, car ces signes n’ont pas été déchiffrés. L'emploi de l'écriture n'est attesté en Inde qu’à partir du règne de l'empereur Ashoka, soit seulement vers… 270-230 avant Jésus-Christ !

  L’écriture indienne (brahmique) ne datant que du 3e siècle avant notre ère (ici un fragment de pilier avec un édit de l’empereur Ashoka, vers 238 avant J.C., image Wikimedia Commons), les textes ayurvédiques n’ont pas pu être écrits « il y a plus de 5 000 ans », avant l’invention de l’écriture d’ailleurs !

 

Les grands principes de l’Ayurvéda

Il y a quatre védas dans la tradition indienne, textes (sous forme d’hymnes ou poèmes) qui auraient été « révélés » aux sages par les dieux. Parmi ces védas, le quatrième est l’Atharva-Véda, qui contient des remèdes contre la maladie, la possession démoniaque, pour gagner l'amour d'autrui ou la richesse, etc. : incantations, rites et sorts, mais aussi préparations à base de plantes. A chacun de ces védas principaux se rattache un « véda subordonné », l'Ayurvéda étant celui de l'Atharva-Véda. Tourné spécifiquement vers la santé, l’Ayurvéda comporte plusieurs familles de textes qui recouvrent différentes branches de la médecine et de la chirurgie, avec 6 collections (ou « traités ») portant chacun le nom de leur auteur reconnu par la tradition.

 

L’Ayurvéda aborde à la fois les questions du diagnostic et de solutions des problèmes, solutions qui ne passent pas seulement par des traitements à base de plantes et de minéraux, mais aussi par des mesures diététiques et une hygiène de vie et adaptées. La pratique du yoga et de la méditation en fait également partie, de même que des cures de détoxification périodiques sont également préconisée en prévention, intégrant des massages à l’huile et des séances de sudation. La prévention est en effet une notion importante dans l’Ayurvéda.

Plantes et épices sont largement mises à contribution dans l’Ayurvéda (photo Pixabay skeeze).

 

 

Comme on le voit, l’Ayurvéda est en fait une médecine holistique au sens strict du terme, c’est-à-dire que son approche est globale, chaque détail faisant partie d’un tout. Il prend en compte aussi bien le corps que l’esprit et l’état émotionnel, dans le but de rétablir l’équilibre et l’harmonie, et donc la santé. En Inde et au Sri-Lanka, l’Ayurvéda est enseigné à l’université et il faut être normalement titulaire d’un diplôme (que l’on obtient après plus de 5 ans d’études) pour pouvoir exercer comme médecin ayurvédique.

 

De l’importance des doshas

Selon les principes de l’Ayurvéda, puisque l’homme fait partie de la nature, notre corps est composé des mêmes cinq grands éléments qui composent cette nature, appelés mahabhutas : l’espace éthérique (« le champ originel »), l’air, le feu, l’eau et la terre. Ces éléments sont associés entre eux pour former les énergies de base du vivant, appelées doshas, au nombre de trois : le vata (air + éther) que l’on peut assimiler à l’énergie cinétique, le pitta (feu + eau) qui est l’énergie de transformation et le kapha (terre + eau), qui est l'énergie de cohésion.

 

Ces trois doshas sont présents en même temps dans chaque personne, mais dans des proportions différentes et avec toujours un ou deux doshas prédominants. C’est cet équilibre de doshas qui rend chaque individu différent et unique, tant sur le plan psychologique (et comportemental) que physique. Les problèmes de santé ou de bien-être qui nous affectent proviennent d’un déséquilibre de nos doshas, le but de l’Ayurvéda étant alors de les rééquilibrer.

Beauté indienne…. (photo Pixabay Tanuj_handa).

 

En cosmétique par exemple, cet équilibre particulier et individuel des doshas a aussi une influence sur notre peau. Les personnes à dominance vata ont plutôt une peau sèche, rêche, à pores fins, etc. Celles à dominance pitta ont une peau sensible et réactive, tendant aux rougeurs et à la couperose, avec parfois des taches de rousseur, etc. Enfin, les peaux à dominante kapha sont plutôt grasses, à pores dilatés, tendant aux impuretés cutanées. D’où la nécessité d’avoir une réponse adaptée, sachant que tous les ingrédients utilisés dans l’Ayurvéda ont un tropisme (« visent spécifiquement ») précis envers tel ou tel dosha, avec une action aussi bien sur le physique (santé de la peau mais aussi du corps) que sur le psychologique, tout étant donc lié comme on l’a vu. Par exemple, concernant des ingrédients végétaux bien connus, pour les peaux de type vata : huile d’avocat, girofle, gingembre, fenouil, basilic, etc. Pour les peaux de type pitta : rose, lavande, menthe, jasmin, valériane des Indes (nard), coriandre, cannelle, curcuma, etc. Et pour les peaux de type kapha : ciste, citron, sauge, romarin, neem, etc.

 

L’approche ayurvédique de la beauté

Soigner sa beauté par l’Ayurvéda ne se limite cependant pas à une simple liste d’ingrédients ciblés, ce qui ne serait en soi pas original. La beauté n’est d’ailleurs pas qu’une question de peau saine et équilibrée : c’est quelque chose de complexe, par ailleurs aussi source de confiance en soi et même de fierté, qui est associé avec un équilibre global du corps et de l’esprit. Par exemple, à propos de la nécessité évoquée plus haut d’éliminer les toxines, pour les médecins ayurvédiques, celles-ci sont à la fois à l’origine des maladies et de l’absence de beauté. En fait, dans la tradition ayurvédique, la beauté repose sur trois piliers : roopam, la beauté extérieure que l’on voit (peau, cheveux…), mais qui reflète aussi la bonne santé (que l’on atteint par une nutrition et un mode de vie équilibrés) ; gunam, la beauté intérieure (joie, compassion, amour et sagesse) et vayastyag, la « beauté qui dure » qui fait que l’on se sent ou que l’on paraît plus jeune que son âge biologique. C’est pourquoi l’Ayurvéda ne focalise pas uniquement sur les produits cosmétiques pour atteindre la vraie beauté.

La consommation de certaines plantes médicinales (infusions notamment, mais aussi d’épices bonnes pour la santé dans l’alimentation), une diète saine et équilibrée, de bonnes habitudes de vie, un sommeil suffisant et de qualité, le management du stress (par la méditation, le yoga, l’écoute de musique relaxante…) ou la stimulation d’émotions positives (rire, nouvelles expériences…) font ainsi partie d’un « programme beauté » ayurvédique.

Les huiles végétales sont un ingrédient important dans les préparations et les soins ayurvédiques. Ici un bol suspendu pour un soin shirodhara (huile coulant sur le front). Photo Pixabay guvo59.

   

 

Sur un plan plus purement « cosmétique », dès lors qu’on s’intéresse à la cosmétique ayurvédique - et parce que, comme évoqué plus haut, les produits ayurvédiques font plus que cibler un simple type de peau - il est donc important, en amont, de connaître son ou ses doshas dominants. Pour ce faire, on peut se fier aux tests disponibles dans certains ouvrages ou même en ligne, le mieux étant bien sûr de s’adresser à un spécialiste sérieux de l’Ayurvéda, car nombreux sont les facteurs qui peuvent influencer sur les déséquilibres, à commencer par les saisons.

Mais attention : surfant sur la mode actuelle de l’Ayurvéda, on a vu fleurir nombre de marques de cosmétiques, nouvellement créées ou importées de l’étranger (même d’Inde ou du Sri Lanka) contenant des ingrédients qui relèvent clairement de la « pire » des cosmétiques conventionnelles. Purement chimiques, de tels ingrédients sont rejetés par tous les cahiers des charges de cosmétique naturelle et bio présents en Europe, par exemple Acrylate Crosspolymer, PEG-12 Dimethicone, Disodium EDTA, Ethylhexyl Methoxycinnamate, Hydrolyzed Collagen, Octocrylene, Phenoxyethanol, Polyquaternium-10, Sodium Laureth Sulfate, etc. Bien loin de l’esprit de « pureté » et « d’équilibre » qui doit prévaloir avec une réelle approche ayurvédique.

À l’instar don c des produits vegan qui sont loin d’être toujours 100 % sur base naturelle, il est clair qu’en matière de cosmétique ayurvédique il convient aussi de trier le bon grain de l’ivraie, en ne faisant confiance qu’à la cosmétique ayurvédique certifiée bio en parallèle (Ecocert, Cosmébio, BDIH, Demeter…) ou au minimum avec la mention Slow Cosmetic® ou la présence d’un « certificat Ayurvéda » dont il conviendra de vérifier la valeur réelle.

 

La diététique ayurvédique

En matière d’alimentation, l’Ayurvéda recommande de ne manger que si l’on a faim, et de ne le faire que si le précédent repas a été digéré. Le repas principal doit être pris en milieu de journée, car c’est à ce moment-là que la digestion fonctionne le mieux. Il ne faut jamais manger debout, ni lorsqu’on est pressé ou stressé, et ne pas consommer en excès jusqu’à entière satiété. Il faut consommer une nourriture adaptée à sa propre constitution (doshas), à la saison et à l’endroit où se trouve.

 

Chaque repas doit systématiquement apporter les six saveurs ayurvédiques (rasa) : sucré, aigre, salé, épicé, amer et acidulé (ou astringent), en connaissant leur impact positif ou négatif sur les doshas individuels afin de les combiner au mieux. Mais il n’y a pas de réelles recommandations générales, car chaque individu est unique. Les prescriptions diététiques sont donc établies selon le type ayurvédique de chacun et tiennent compte des rythmes naturels tels que les six saisons indiennes et les différentes heures du jour qui influencent également les doshas.

L’alimentation n ‘est qu’un élément parmi d’autres dans la démarche ayurvédique (photo Pixabay PublicDomainPictures).

 

L’eau ne doit jamais être bue froide, mais soit chaude (constitutions vata et kapha) soit tiède (pitta), la consommation de thé, tisanes et autres infusions étant à privilégier.

Enfin, il est très important de ne pas s’opposer aux besoins naturels : défécation et miction bien sûr, mais aussi, gaz intestinaux, éructations (rôts) ou encore bâillements et pleurs doivent pouvoir s’exprimer librement.

Comme dit plus haut, l’Ayurvéda est une approche extrêmement complète de la vie quotidienne. C’est une réelle philosophie qui impacte directement celui qui le pratique, ouvrant de nouveaux horizons pour un meilleur bien-être et une meilleure santé.


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