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Fin 2017, une nouvelle norme internationale, relative aux cosmétiques naturels et biologiques, référencée ISO 16128, est devenue applicable. Loin d’être une avancée en la matière, elle crée une réelle confusion, préjudiciable à toutes les marques pionnières qui font de la cosmétique naturelle et bio certifiée depuis des dizaines d’années… Pour les consommateurs, c’est un recul clair de la transparence.

 

La cosmétique naturelle et bio, une notion bien définie

Jusqu’à ce jour, devant la difficulté certaine que représente le « décryptage » de la liste des ingrédients d’un produit cosmétique (la fameuse « liste INCI »), la solution la plus aisée, pour savoir si un produit cosmétique est naturel voire bio, était de faire confiance à un des nombreux logos de conformité à un des nombreux cahiers des charges privés mis en place par les associations nationales de fabricants depuis 20 ans : Nature & Progrès (France, 1998), BDIH (Allemagne, 2001), Cosmébio (2002), Ecogarantie (Belgique, 2005), etc. Sans oublier les certifications internationales, à savoir NaTrue (née en 2006) et Cosmos (développée à partir de 2011 mais obligatoire depuis le 1er janvier 2017 pour les fabricants membres des associations ayant participé à son élaboration).

Légalement parlant, et même si en France (et en Europe), il n’existe pas de définition légale (c’est-à-dire inscrite dans la loi) de la cosmétique naturelle et/ou bio, en application des usages constatés de façon générale en matière de « pratiques commerciales loyales », il était possible d’alléguer qu’un cosmétique est naturel ou bio uniquement dans quelques cas précis, tels que stipulés dans les recommandations faites par l’ARPP[1] :

  • « Un produit cosmétique ne peut être qualifié de “naturel” que si le produit fini contient un minimum de 95 % d’ingrédients définis comme “naturels” ou “d’origine naturelle”, selon les règles en usage (par exemple : réglementation nationale ou communautaire, cahier des charges ou référentiels publiés) ».
  • « Un produit cosmétique ne peut être qualifié de “biologique” que s’il remplit au moins une des conditions suivantes :
  • il contient 100 % d’ingrédients certifiés issus de l’agriculture biologique ;
  • il a été certifié “biologique” par un organisme certificateur ;
  • il peut être justifié qu’il a été élaboré selon un cahier des charges publié, ayant un niveau d’exigence, en termes de composition et de teneur en ingrédients certifiés issus de l’agriculture biologique, équivalent au(x) niveau(x) d’exigence requis par les organismes certificateurs ».

[1] « Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité », autrefois « Bureau de vérification de la publicité ».

 


Une norme qui jette le trouble

Préparée depuis plusieurs années, une nouvelle norme ISO, largement critiquée par les acteurs historiques de la cosmétique naturelle et bio, est devenue applicable fin 2017. Elle établit des « lignes directrices relatives aux définitions techniques et aux critères applicables aux ingrédients et produits cosmétiques naturels et biologiques ».

Suite à sa publication, des produits contenant des ingrédients chimiques, polluants et/ou sujets à caution sur le plan de la santé, pourront légalement se revendiquer naturels voire bio. Phénoxyéthanol, parabènes, silicones ou encore dérivés d’animaux morts sont des exemples d’ingrédients controversés qu’elle autorise. Elle va ainsi, de toute évidence, créer une réelle confusion dans l’esprit des consommateurs, comme le montre déjà le terme de « label européen » employé par certains médias qui en ont parlé à l’automne 2017.

 

Une norme ISO n’est pas un label de certification

Car une norme ISO n’est pas un label de certification au sens strict, et elle n’est pas définie au niveau européen, mais bien mondial. L’ISO, acronyme désignant « l’Organisation Internationale de normalisation » (International Organization for Standardization en anglais est en effet, comme son nom l’indique, un organisme de normalisation international (regroupant des organisations nationales de normalisation de 165 pays, l’AFNOR pour la France). Elle rédige des normes dans les domaines industriels, économiques et commerciaux, qui permettent une harmonisation du cadre dans lequel des produits ou des services sont élaborés. Parmi les plus connues figurent par exemple les normes ISO 9001 (relative à l'assurance qualité), ou ISO 22000 (sécurité des aliments).

Mais une norme ISO n’est donc pas « label » d’Etat officiel ni une obligation légale : c’est une « procédure par laquelle une tierce partie donne une assurance écrite qu'un produit, un processus ou un service est conforme aux exigences spécifiées dans un référentiel ». Par tierce partie, on entend, comme pour les cahiers des charges privés évoqués plus haut, un organisme certificateur. Mais celui-ci ne doit pas être forcément agréé officiellement (« accrédité ») comme le souligne l’ISO elle-même : « L'accréditation n'est pas obligatoire, un organisme qui n'est pas accrédité peut être parfaitement fiable ».

Le fait qu’une norme ISO soit cependant un standard international permettra maintenant aux marques conventionnelles - sans être en contradiction avec les usages acceptés et donc en infraction - d’afficher des produits comme étant de la cosmétique naturelle ou biologique, sans passer par ces cahiers des charges pionniers… et leur rigueur élevée.

 

Du « naturel »…. pas si naturel que cela

Car pour commencer, cette norme « redéfinit » la notion d’ingrédient naturel, considérant par exemple comme naturels l’alcool dénaturé chimiquement, des ingrédients issus d’OGM voire certains silicones lorsqu’ils sont majoritairement issus de la silice. Autre problème, parmi d’autres, et contrairement aux cahiers des charges « historiques » de la bio, elle n’impose aucun pourcentage minimal d’ingrédients naturels ou bio dans le produit fini. Elle permet aussi l’emploi, pour un produit fini qui pourra malgré cela être qualifié de naturel, de 5 % d’ingrédients d’origine totalement non naturelle, du moment qu’ils sont autorisés de façon générale en cosmétique.

Pour ne mentionner que des ingrédients connus du grand public, cela signifie que des produits conformes à cette norme pourront contenir du phénoxyéthanol, des parabènes, des phtalates ou n’importe quel ingrédient cosmétique issu de la chimie du pétrole. Enfin, nombre de contrôles reposeront sur la simple base de la déclaration des fournisseurs d’ingrédients, sans aucune certification externe par un tiers sur les matières premières ou le produit fini, comme c’est le cas avec les cahiers des charges de la cosmétique bio et naturelle : seules les procédures seront certifiées.

 

Les cahiers des charges « pionniers », seules garanties

Cette norme est donc une véritable porte ouverte au « green washing », ce terme qui désigne le fait de faire passer pour écologique (« vert ») un produit qui en fait ne l’est pas… et surtout de surfer sur l’attente par les consommateurs de produits plus naturels et donc plus sains, raison pour laquelle les fabricants de cosmétique conventionnelle ont, de toute évidence, mis sur pied cette norme ISO 16128.

La conclusion ? Pour tous ceux qui cherchent des cosmétiques naturels et bio, seuls les cahiers des charges privés « historiques » restent une réelle garantie, qu’il s’agisse de Cosmos (Cosmébio, BDIH, Soil Association, ICEA…), mais aussi de NaTrue, Nature & Progrès, Demeter, voire l’USDA Organic américain, etc. Tout le reste ne sera donc sans doute, dans la plupart des cas, que du « green washing », fût-il officialisé par cette norme ISO 16128. Et malheureusement, dans le doute – car il existe des produits non certifiés mais dont la composition est cependant irréprochable - l’utilisateur sera toujours contraint de lire la composition détaillée (liste INCI), à la recherche des ingrédients controversés. Une tâche relativement facile lorsque ces ingrédients ont été médiatisés, mais plus délicate dans bien des cas.

 

La définition de la cosmétique naturelle et bio selon l’ISO est loin d’être celle des cahiers des charges privés existants.
Comparaison par exemple ici avec Cosmos (infographie Cosmébio).


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