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(Photo Pixabay Photoshopoholic)


Depuis plusieurs années maintenant, il est possible de trouver l’équivalent bio certifié, avec un large choix, de tous les produits cosmétiques, qu’il s’agisse de soins du visage, du corps, des cheveux ou de maquillage.

Tous les produits ? Non, car une famille de produits « résiste encore et toujours », pour paraphraser les aventures d’un célèbre petit guerrier gaulois : les vernis à ongles. Et ce pour des raisons qui restent, somme toute, assez simples.

 

Qu’est-ce qu’un vernis à ongles ?

 L’histoire du vernis à ongles semble aussi ancienne que celle de la volonté des femmes (et des hommes…) de s’embellir.

L’utilisation de produits pour se colorer les ongles est en effet attestée dans les grandes civilisations de l’Antiquité, par exemple en Egypte ou en Chine anciennes. A cette époque, on avait bien sûr principalement recours à des produits trouvés dans la nature, la chimie au sens strict n’existant pas : poudres de pétales de fleurs mélangées à de l’alun (sel d’aluminium et de potassium que l’on trouve sous forme de minéral dans la nature), henné, laques fabriquées en mélangeant de la gomme arabique (une sève végétale), du blanc d'œufs, de la gélatine (produit animal), de la cire d'abeille, etc. Dans les familles de haut rang, on utilisait même de l’or et de l’argent pour avoir des ongles colorés.


Les vernis à ongles, c’est tout simplement de la peinture, au sens strict, que l’on appliqué sur les ongles (Photo Pixabay Free-Photos).
  Si pendant des siècles on s’est cependant surtout contenté de polir les ongles, ce n’est qu’à la fin du premier quart du 20e siècle, que l’on commence à créer des vernis colorés « modernes », en s’inspirant des techniques développées pour la peinture des automobiles. Le premier vernis « industriel » fut ainsi commercialisé en 1932, aux Etats-Unis.

Car c’est bien cela le problème, en quelque sorte, des vernis à ongles : ce n’est rien moins que de la peinture appliquée sur les ongles pour les rendre « plus beaux ».

 

Or, qu’est-ce qu’une peinture ? Ce sont des pigments en suspension dans un solvant, solvant qui doit s’évaporer après l’application pour laisser la couleur, qui doit se fixer. Mais cela n’est pas aussi simple que cela… Avant son emploi, le produit doit en effet rester stable (la couleur ne doit pas se déposer au fond du contenant) et bien homogène, la couleur ne doit pas s’altérer (changer de teinte par oxydation ou autre) et le liquide (forme qui s’impose si on veut une application facile et uniforme) ne doit pas s’épaissir voire durcir (sécher) trop vite, surtout pendant son application, c’est-à-dire rester suffisamment plastique (malléable). Après cette application, la couleur déposée doit l’être de façon égale, présenter une bonne couvrance, rester bien entendu stable, la laque doit sécher aussi vite que possible et être résistante aux chocs et aux frottements, voire à l’abrasion.

 

La composition typique d’un vernis

Pour répondre à ce cahier des charges, un vernis est donc typiquement formulé à partir des composants suivants :

  • Des colorants (pigments) : on emploie en général (mais il y a aussi des colorants synthétiques) des pigments minéraux, comme l’oxyde de chrome (vert), le ferrocyanure ferrique (bleu), le dioxyde d'étain ou le dioxyde de titane (blancs), les oxydes de fer (du jaunâtre au noir en passant par les rouges et les bruns), l'outremer (bleu ou violet), le pyrophosphate de manganèse et d'ammonium (violet), etc. sans oublier le carmin (rouge, d’origine animale car extrait d’insectes) ;
  • Eventuellement des pigments opalescents ou pailletés : mica, oxychlorure de bismuth, poudre de perles naturelles, poudre d’aluminium…
  • Un solvant destiné à s’évaporer : acétate de butyle, acétate d'éthyle, acétone… ;
  • Un agent filmogène qui, comme son nom l’indique, va former le film épais qui va rester sur l’ongle : c’est en général un polymère (ce que l’on appelle « plastique » dans le langage courant), comme la nitrocellulose ;
  • Des polymères adhésifs (durcisseurs ou liants/collants) qui vont permettre l'adhérence de la nitrocellulose à la surface de l'ongle : par exemple formaldéhydes, colophane… ;
  • Des plastifiants : phtalate de dibutyle, camphre... ;
  • Des épaississants qui vont maintenir les pigments en suspension dans le produit avant emploi : ex. stearalkonium hectorite ;
  • Des diluants permettant d’avoir un mélange solvant/agent filmogène/plastifiant à la bonne viscosité : toluène, xylène…
  • Des agents thixotropes, dont le rôle est de rendre le vernis plus fluide quand on l’agite avant emploi. Exemple : bentonite, dérivé d'une argile (une argile colloïdale)
  • Des stabilisants dont le rôle est d’éviter la dégradation des pigments lorsqu’ils sont exposés à la lumière (filtre solaire). Exemples : octocrylène benzophénone-1.

La fabrication conventionnelle des vernis : de la chimie pure (Photo Pixabay voltamax).

 

Un cocktail détonnant

La lecture de ce type de compositions montre d’emblée où le bât blesse : les vernis sont de véritables « usines à gaz », dont la plus grande partie des ingrédients est issue de la pure chimie, minérale ou organique, avec tous les risques pour la santé que cela représente.

Nombre de ces ingrédients ont en effet été pointés du doigt pour leur dangerosité potentielle, à court (irritations ou allergies) ou moyen/long terme (toxicité aigüe ou chronique) :

  • Les formaldéhydes, utilisés comme durcisseurs, sont classés officiellement comme cancérigènes par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Ils sont aussi susceptibles de provoquer des problèmes respiratoires ;
  • La colophane, autre liant/collant/durcisseur, est irritante et allergisante pour les yeux, la peau et les voies respiratoires ;
  • Les phtalates (ex. DBP / dibutyl phtalate), employés comme plastifiants, sont entre autres connus pour être des perturbateurs endocriniens, étant par ailleurs aussi irritants et toxiques pour les reins ;
  • le camphre synthétique, également un plastifiant, et irritant des yeux et les voies respiratoires ;
  • Le toluène, utilisé comme solvant, est neurotoxique, irritant pour les voies respiratoires, les yeux et la peau, et peut provoquer des allergies cutanées et respiratoires ;
  • Le xylène, autre solvant, est aussi irritant pour les yeux, les voies respiratoires et la peau…

Il y a quelques années, une étude faite en Californie avait montré un taux particulièrement élevé d’affections graves (asthme chronique, dermatites, cancers du sein) parmi le personnel des salons de manucure… Le vernis à ongles est d’ailleurs considéré comme un « déchet dangereux » (hazardous waste) par certains organismes de réglementation, par exemple le département des travaux publics de Los Angeles !

 

« 5 free », « 6 free », « 7 free », « 8 free »… Qui dit mieux ?

Les marques de vernis étant devenues conscientes que les consommatrices sont de plus en plus méfiantes, se détournant même de leurs produits, on a vu fleurir depuis plusieurs années des vernis dans les formules desquels les fabricants ont enlevé petit à petit un certain nombre d’ingrédients qui font fuir ces consommatrices. Ces formules furent alors dites « 5 free » voire « 6 free » ou « 7 free » (c’est-à-dire « sans 5, 6, 7 ingrédients problématiques) selon le nombre de composants nocifs qu’elles ne contiennent pas : toluène, dibutyl-phtalate (ou DBP), formaldéhyde, résine de formaldéhyde, camphre, xylène, colophane…

Pendant longtemps, on est resté sur du « 6 free » ou « 7 free », certaines marques annonçant même du « 8 free » en y ajoutant le « sans parabènes » très « tendance », allégation totalement déplacée et peu respectueuse des utilisatrices, puisque de telles formulations avec des solvants chimiques ne nécessitent de toute façon aucun conservateur, aucun germe ne pouvant bien se développer dans des solvants chimiques !

Mais parce qu’un grand nombre marques (même « conventionnelles », bien sûr) est arrivé à ce niveau de « 7 free », la surenchère a continué.

Une marque annonce par exemple un « 10 free » (absence de benzophénone, camphre synthétique, colophane, formaldéhyde ou ses résines, métaux lourds, toluène, parabènes, phtalates, styrène, xylène). Mais si on y trouve des solvants « majoritairement d’origine végétale » (comme l’acétate de butyle), il y a toujours d’autres solvants synthétiques, ainsi que de la nitrocellulose (certes « d’origine végétale », mais produite par des procédés hautement chimique, avec un mélange d'acide nitrique et d'acide sulfurique : la nitrocellulose est un… explosif), du copolymer comme filmogène (d’origine totalement synthétique), du polyuréthane (un plastique bien connu) comme liant, des siloxanes (silicones), etc. Certes, un tel vernis évite les composants les plus décriés, mais cela est loin d’être un produit naturel.

Un autre vernis s’annonce même « 14 free », atteignant cette « performance » en comptant le « sans formaldéhyde et résine de formaldéhyde », comme 2 « sans », en y ajoutant « sans filtre solaire » (ex. benzophénone ou octocrylène), « sans colorants de synthèse », « sans colorants minéraux », « sans colorants d’origine animale » et « sans nickel »… Ses pigments sont d’origine végétale. Les colorants d’origine minérale (comme les oxydes de fer ou l’outremer) seraient donc devenus également « tabous »… Mais si l’élimination des substances (plus ou moins…) « douteuses » est poussée très loin, il reste dans la composition de la nitrocellulose, du polymer, etc.

Le problème est qu’avec de telles marques, qui certes font donc des efforts, la communication « dérape » très souvent, non de leur fait mais bien souvent des blogueuses qui en font la promotion ou des magasins en ligne (ou ayant pignon sur rue) qui les vendent, ou parfois de la presse féminine imprimée qui en parle… De telles marques sont plus à conseiller que celles qui n’ont fait aucun effort, mais dire - fait avéré, il suffit de « surfer » un peu sur le web pour s’en rendre compte – qu’elles sont « 100 % naturelles » voire « bio » est parfaitement trompeur. Utiliser par exemple des solvants « bio sourcés » ne signifie pas, par extension, que le vernis est bio (!), et y trouver des colorants d’origine végétale n’en fait pas non plus pour autant un « vernis végétal » (sic !). Parfois même, certains vendeurs affirment que les vernis sont certifiés Ecocert (parce que la marque l’est pour d’autres produits), alors que cela n’est pas le cas. Ceci n’est pas admissible ! Restons sérieux : de telles formules restent basées sur la chimie, même si de gros efforts dans le sens de l’amélioration de la santé et de la pollution ont été faits.

De telles dérives risquent de nous mener à des allégations qui dépassent le sérieux… Nous ne serons pas étonné de voir un jour (si ce n’est pas déjà fait) des vernis qui « friseront » le « 20 free », car « sans OGM », « sans gluten », « sans PEG », « sans BHA/BHT », « sans nanoparticules » ou « sans sulfates », tout aussi déplacées, pour des vernis, que le « sans parabènes ».

En clair, il faut donc faire confiance aux marques qui poussent au mieux l’élimination des ingrédients « douteux » normalement utilisés dans les vernis, mais se détourner de celles qui « forcent le trait », abusant de la sensibilité et des craintes des consommatrices… 

Tout en sachant que, malheureusement, plus on enlève d’ingrédients totalement chimiques, plus le vernis perd de ses qualités : tenue dans le temps, résistance aux chocs et à l’abrasion, brillance, choix des couleurs… Il n’y a malheureusement pas de miracle en la matière…

Conseil avec ce type de vernis : toujours les appliquer dans une pièce bien aérée, par précaution.
 
L’application des vernis avec des solvants, même si ce sont des solvants moins agressifs, doit toujours se faire dans un pièce bien aérée (Photo Pixabay Kriemer).

 

Les vernis à l’eau

Depuis quelques temps déjà, on a aussi vu apparaître de plus en plus de « vernis à l’eau », donc beaucoup destinés aux enfants. Cela signifie qu’ils sont sans solvants chimiques, l’eau servant de solvant. Ils sont a priori sans composants réellement allergisants, ce qui est un point très positif, mais le reste de leur composition est toujours basé sur la chimie, notamment des copolymères acryliques, voire des polyuréthanes (autre matière plastique), des silicones, des polymers, etc. et même des phtalates ! Et surtout, comme il y a de l’eau et pas des solvants chimiques qui empêcheraient le développement de bactéries et autres germes, on peut y trouver des conservateurs (ex. phénoxyéthanol). Le reproche qui leur est fait est d’avoir un séchage pouvant être trop long (plusieurs heures parfois pour une dureté parfaite), leur tenue dans le temps étant aussi souvent critiquée (ils sont d’ailleurs parfois « pelables », façon positive de présenter le fait qu’ils s’enlèvent facilement). Un des problèmes principaux est qu’ils ne résistent pas à l’eau chaude, voire à la chaleur tout court. A l’inverse, certains sont plutôt difficiles à enlever. Ils sont donc loin de faire l’unanimité.

Donc, pourquoi pas, mais il faut bien réfléchir à l’usage qu’on veut en faire et si possible les tester avant achat (problème de la résistance aux chocs et à l’usure). En n’oubliant pas d’étudier de près leur composition, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible quand on achète en ligne (alors que leur affichage est pourtant une obligation légale !).

 

Pourquoi pas de vernis certifié bio ?

Non, tous les vernis à ongles présentés comme « naturels » voire « bio » ne le sont pas, loin de là. C’est un abus de langage qui n’est pas admissible. « Bio », cela signifie bénéficier d’une certification reconnue en cosmétique (Cosmébio, BDIH, Cosmos, NaTrue, etc.). La plupart des ingrédients utilisés dans ces vernis soi-disant naturels ne sont tout simplement pas certifiables, comme on l’aura compris.

En 2011, un vernis à ongles certifié Cosmébio avait été mis sur le marché, avec une formule brevetée dont les composants principaux étaient l’alcool, le shellac (ou gomme-laque, un ingrédient cependant non vegan) et des acétates. Il fut cependant retiré du marché au bout de quelques mois à peine, le problème venant visiblement d’une difficulté extrême à l’enlever…

Trois ans plus tard, la situation a cependant changé. Deux marques, allemandes, on présenté en même temps, début 2014, les premiers vernis réellement certifiés, en l’occurrence Demeter (biodynamie) pour l’une et BDIH/NaTrue pour la seconde.

La première est une petite marque à la diffusion restreinte, surtout en France. La composition des vernis se base sur de l’alcool (comme solvant), du shellac (comme résine), des huiles et des cires végétales et des colorants minéraux (oxydes de fer, dioxyde de titane, ultramarine). La gamme de coloris est cependant relativement réduite (bien que déjà intéressante et variée) et la tenue des vernis ne peut rivaliser avec du « chimique ». Mais le résultat est sympathique avec souvent un look « naturel » qui convient bien à l’esprit de l’approche de la marque.

La composition des vernis de la seconde marque - très ancienne dans le monde de la cosmétique bio et naturelle, bien connue pour ses cosmétiques certifiés – est analogue bien que plus complexe : alcool bio, shellac, eau et lactate d’éthyle (un dérivé de l’acide lactique) comme solvants, talc, silice, glycérine, maltodextrine, colorants minéraux, etc. Nous pouvons confirmer qu’ils sèchent rapidement, mais que leur résistance est également inférieure à celles des vernis sur base tout ou partie chimique. Et là aussi, point logique en l’absence de pigments synthétiques, la gamme de coloris est réduite, plus encore que celle précédemment évoquée. Mais leur composition « propre » bien que non vegan (présence de shellac) est aussi faite pour rassurer. A vous de juger leur rapport qualité/écologie…


(Photo Pixabay Bru-nO)
  Ces vernis, bien qu’appartenant donc à une marque connue sont cependant peu diffusés. Comme pour l’autre marque allemande, ils sont une alternative intéressante pour celles qui recherchent un bon compromis. En attendant de nouvelles innovations ! Bref, mesdames les utilisatrices de vernis bio, restez vigilantes, à la fois sur les allégations faites par les marques (en regardant de près la liste des ingrédients) et sur l’avancée des technique !

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