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(Image de la couverture de l’étude Pesti’Home / ANSES)

Quand on parle de pesticides, on pense avant tout à l’épandage de produits dans les champs par les agriculteurs, sujet mis dans la lumière des médias fin 2019 en raison du débat sur la « distance de sécurité » à appliquer à proximité des lieux habités. Mais on oublie que les familles sont elles-mêmes susceptibles d’employer à leur domicile des substances analogues, présentant les mêmes risques potentiels. L’étude Pesti’Home vient rappeler cette utilisation méconnue.

L’étude Pesti’Home

Qu’est-ce qu’un pesticide ? Tout simplement un produit chimique servant à traiter les champs contre les « mauvaises herbes » ? Et bien non, car une substance servant à détruire les mauvaises herbes, c’est un… herbicide. Un pesticide, cela sert à lutter contre les parasites (animaux ou certes végétaux) des cultures, le mot « peste » ne renvoyant pas ici à la maladie infectieuse et très contagieuse bien connue qui fit des ravages chez nous au Moyen Âge, mais est lié à l’anglais pest, signifiant « insecte / animal nuisible ».

Lancée à l’été 2014 par l’Anses - l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, placée sous la tutelle de différents ministères dont celui de la Santé – l’’étude Pesti’Home « a pour objectif de mieux connaître les utilisations domestiques des produits commercialisés destinés à éliminer les nuisibles dans la maison ainsi qu’à l’extérieur du domicile (…) appelés pesticides ».

Pour cette grande enquête, des foyers avaient été tirés au sort dans une base de sondage représentative de la population résidant en France, foyers avec lesquels des entretiens en « face à face » ont eu lieu. La participation s’est faite sur la base du volontariat, avec au final 1 507 foyers participants pour 5 400 produits identifiés. « Il s’agit de la première étude d’envergure nationale dans ce domaine. Les résultats obtenus éclairent sur les conditions réelles d’utilisation et de stockage, et permettront de mieux évaluer les expositions des populations aux pesticides ».

L’étude prenait en compte « les produits disponibles à la vente pour les particuliers : ceux utilisés pour protéger les plantes d’intérieur et d’extérieur, des produits biocides utilisés à la maison pour lutter contre les insectes, les rongeurs ou les parasites et moisissures du bois, et des médicaments antiparasitaires humains et vétérinaires contre les poux, les puces, les tiques, etc. »

Comme expliqué par l’Anses dans son document de présentation, les produits concernés par cette étude étaient plus précisément ceux utilisés dans les foyers…

pour lutter contre les nuisibles :

  • insectes volants (mouche, moustique, etc.) ou rampants (fourmi, punaise, etc.),
  • rongeurs (souris, rat, etc.),
  • parasites du bois (termite, capricorne, etc.),
  • acariens de poussières domestiques,
  • parasites de vos animaux domestiques (puce, tique, etc.),

pour traiter les plantes d’intérieur et d’extérieur contre :

  • les insectes,
  • les champignons,
  • les autres maladies.

pour débarrasser les espaces extérieurs (jardin et potager, balcon/terrasse, cour, piscine) :

  • des mousses,
  • des lichens,
  • des champignons,
  • des mauvaises herbes.

Entraient aussi dans le champ de l’étude : les répulsifs à appliquer sur la peau ou ceux destinés à traiter les textiles, comme les anti-moustiques ; les articles traités contre les acariens avant leur achat (oreillers, couettes, tapis, etc.).

L’étude portait à la fois sur les produits chimiques de synthèse et sur les produits d’origine naturelle. Les désinfectants n’étaient cependant pas inclus.

Les principaux enseignements de l’étude

Au mois d’octobre 2019, l’Anses a publié les principaux enseignements apportés par cette étude, le premier étant que 75 % des ménages ont utilisé au moins une fois un produit pesticide dans les 12 mois précédant la date de l’enquête.

« Les produits les plus utilisés sont les insecticides : 84 % des ménages ayant utilisé des pesticides ont employé des insecticides dans l’année. Ce sont principalement des biocides utilisés contre les insectes volants (40 % des ménages) et les insectes rampants (28 %), et des médicaments vétérinaires pour lutter contre les parasites des animaux de compagnie (61 % des ménages ayant un animal domestique). La moitié des utilisateurs d’insecticides en utilisent au moins 3 fois par an.

Viennent ensuite les herbicides et les produits contre les maladies des plantes d’extérieur, utilisés respectivement par 22 % et 20 % des foyers ayant un espace extérieur : jardin, terrasse, balcon. Les herbicides sont utilisés au moins 2 fois par an par la moitié des utilisateurs, tout comme les fongicides.

Enfin, les répulsifs cutanés humains, tels que les répulsifs contre les moustiques, utilisés par 12 % des utilisateurs à une fréquence importante : au moins 6 utilisations par an pour la moitié des ménages et plus de 25 fois par an pour un quart des ménages ».

Selon les principaux usages des produits et leurs fréquences, 3 profils-types d’utilisateurs ont été identifiés lors de l’enquête :

  • Les faibles utilisateurs de produits pesticides, qui traitent peu contre les nuisibles. Ce sont des ménages qui habitent dans des logements collectifs, en centre-ville, souvent dans la région Ile-de-France.
  • Les forts utilisateurs de ces produits : ils possèdent des animaux de compagnie qu’ils traitent contre les puces, les tiques, et/ou ont recours aux traitements contre les poux pour l’homme.
  • Les très forts utilisateurs de pesticides, qui ont plusieurs usages de différents types de produits, dans leur jardin, maison, piscine, et pour se protéger eux-mêmes des insectes.

(Infographie Pesti’Home / ANSES)

En fait, cela signifie que plus on est proche de la nature et plus on l’aime en général (présence de plantes vertes et/ou d’un jardin, d’animaux de compagnie dont on prend soin, vie à la campagne voire en périurbain avec des espaces verts, une piscine… d’où aussi plus d’insectes ou d’araignées…) plus on est exposé à des situations rendant l’utilisation de pesticides probable !

Une nécessité d’information

Les présentes lignes auront peut-être fait découvrir aux lecteurs que leur espace de vie est susceptible d’être contaminé par des pesticides et que cette situation n’est pas réservée à des personnes se promenant dans les champs, vivant à leur proximité immédiate, ou se nourrissant de produits alimentaires non bio, potentiellement traités aux pesticides les plus médiatisés.

Grâce à cette étude Pesti’Home, l’Anses a par ailleurs relevé que « les précautions d’emploi des pesticides à la maison, [ne sont] clairement pas assez connues et donc suivies. Par exemple, environ un tiers des ménages ne lit jamais les indications des emballages des anti-acariens et anti-rongeurs et un quart d’entre eux ne les lit jamais pour les produits contre les insectes volants et rampants. D’autre part, si les précautions d’emploi sont suivies par la majorité des ménages lorsqu’ils utilisent des produits pour traiter les plantes d’extérieur (70 %) ou des produits anti-poux (68 %), ils ne sont que 29 % à les respecter lors de l’utilisation de répulsifs, et 36 % pour les produits contre les insectes volants ».

« L’Anses souligne donc la nécessité de mieux informer le grand public sur les conditions d’utilisation des pesticides à domicile, tous produits et usages confondus. Il est indispensable de lire les recommandations figurant sur les emballages ou les notices et de les suivre attentivement, en veillant par exemple si c’est indiqué au port de gants ou à l’aération de la pièce où le produit a été utilisé. Pour les antiparasitaires vétérinaires vendus en pharmacie ou par les vétérinaires, l’Anses recommande aux professionnels de bien expliquer les conditions d’application figurant sur la notice ».

Les résultats des interviews faites dans les foyers participants ont également montré «  que les utilisateurs ne savent pas suffisamment comment se débarrasser des produits ». Par exemple, 60 % des ménages jettent leurs produits inutilisés à la poubelle et seulement 31 % les déposent à la déchetterie ou à l’endroit prévu par la mairie, la communauté de communes ou d’agglomération. Certains utilisateurs vident même les restes de produits dans leur évier. Et plus d’un quart des ménages avaient dans leur stock au moins un produit de protection des plantes interdit à la vente, dont la liste a d’ailleurs augmenté depuis l’époque de l’enquête.

(Infographie Pesti’Home / ANSES)

Les solutions naturelles

Vous consommez des aliments bio et utilisez des cosmétiques certifiés ? C’est bien ! Mais pour bénéficier d’un environnement sain, il ne faut donc pas oublier les autres sources potentielles de produits chimiques dangereux. Cette étude Pesti’Home présente l’avantage certain de les mettre en lumière, même si, malheureusement, sa médiatisation n’a pas été très importante, sa publication ayant eu lieu à un moment où l’actualité politique et sociale française était très chargée.

Que faire dans la pratique ? Tout simplement aller étudier de près les rayons jardin et animaux des magasins bio, pas assez connus. Les grandes chaînes de jardinerie et les magasins spécialisés pour les animaux de compagnie proposent également de plus en plus de produits basés sur des solutions naturelles.

Pour traiter les parasites externes des chiens et chats, il existe par exemple de nombreuses préparations à base d’actifs végétaux, parfois même bio, à base d’huiles essentielles ou d’extraits, souvent le géraniol. Il existe aussi des acaricides pour traiter les tissus (draps, couvertures, rideaux, oreillers, canapés, coussins, tapis et moquettes, peluches…) présentant une bonne sécurité, car également basés sur des actifs végétaux. Idem pour les répulsifs (moustiques, araignées, tiques…) contre les insectes voire des insecticides (mouches, guêpes..) ou acaricides. Concernant la lutte contre les moustiques par exemple, il faut relire notre article ici.

De nombreuses marques disponibles en magasins bio se sont spécialisées dans ces domaines, certaines avec de longues années d’expérience. Privilégiez les fabricants français, surtout ceux qui font l’effort de publier la liste complète des ingrédients, ce qui n’est pas obligatoire pour tous les types de produits (shampooings pour chats et chiens par exemple).

Si beaucoup d’huiles essentielles sont efficaces comme répulsifs voire comme pesticides stricto sensu, leur emploi n’est jamais anodin, il faut le rappeler. Nous ne pouvons donc que conseiller de faire plutôt confiance à des marques expérimentées ayant « pignon sur rue », comme on dit couramment. Mais toujours en lisant bien les conseils d’utilisation et d’élimination des emballages et restes de produits.

Concernant le jardin, il existe aussi de nombreuses solutions naturelles, comme le phosphate ferrique contre les limaces et des escargots mais qui est sans danger pour les autres animaux sauvages ou domestiques, des fongicides à base d'hydroxyde de cuivre contre les champignons et moisissures, des produits à base de savon noir naturel contre les acariens et les petits insectes (pucerons, mouches blanches, cochenilles…), les pièges à phéromones contre certains insectes, les coccinelles et larves (de chrysopes ou de syrphes) contre les pucerons, les méthodes traditionnelles comme le purin d’orties ou de sureau, etc.

De plus en plus de « jardiniers bio » retrouvent aussi les méthodes d’antan, comme l’association de plantes entre elles, la rotation des cultures, le paillage naturel… qui sont autant de méthodes permettant à la fois de lutter contre certains nuisibles et contre les mauvaises herbes.

En fait, précipitez-vous sur les ouvrages qui expliquent les méthodes employées en agriculture et jardinage biodynamique ainsi qu’en permaculture.

Et pour commencer, téléchargez déjà gratuitement le Petit guide santé du jardinage de l’Association Santé Environnement France.

L’alimentation et la beauté bio c’est bien, mais prendre soin du jardin et de nos amies les bêtes au naturel, c’est encore mieux pour la santé de tout le monde et de l’environnement ! (images congerdesign et oritslama via Pixabay).


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