fermer

La DGCCRF (Répression des Fraudes) s’intéresse fort logiquement à tous les services et produits rencontrent un certain succès auprès des Français. Car qui dit succès dit souvent abus de la part de certains prestataires ou vendeurs. Il est donc logique que les médecines alternatives n’échappent pas à leur « radar ».

68 % des praticiens pris en défaut

La mission de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) « consiste à assurer la régulation concurrentielle des marchés ; la protection économique des consommateurs et la sécurité des consommateurs ». Ces dernières années, elle s’est particulièrement intéressée aux nouveaux modes de consommation, comme l’alimentation bio et les cosmétiques bio, mais aussi les médecines alternatives.

Dans ce terme - mais aussi ceux de « médecines douces »  « non conventionnelles » ou « complémentaires » - la DGCCRF inclut l’hypnose, l’acupuncture, la réflexologie ou encore l’aromathérapie « pour soulager certains maux du quotidien ».

En décembre 2019, elle a rendu public les résultats d’une enquête réalisée auprès de 675 praticiens au cours de l’année 2018 : naturopathes, aromathérapeutes, hypnothérapeutes, acupuncteurs, auriculothérapeutes et réflexologues. Cette enquête visait à contrôler « la loyauté des pratiques commerciales et le respect de leurs obligations » par ces praticiens, les contrôles portant « sur le respect des règles en matière d’information, sur les tarifs et sur la nature des prestations proposées ».

La DGCCRF voulait notamment vérifier si les prestations étaient dispensées par des professionnels qualifiés, si les allégations sur leurs effets sont justifiées et si le patient dispose de toute l’information nécessaire lorsqu’il décide d’avoir recours à ces pratiques.

Les résultats de cette enquête ont malheureusement montré que « plus des deux tiers [68 %] des 675 praticiens contrôlés présentaient au moins un manquement, majoritairement des défauts d’information, mais aussi dans certains cas des pratiques commerciales trompeuses voire présentant des risques pour les patients ».

En clair, 460 praticiens étaient en infraction, avec pour conséquence l’envoi de 407 avertissements, 43 injonctions de mise en conformité, 8 procès-verbaux (4 pénaux et 4 administratifs) et même 15 transmissions aux autorités judiciaires de cas potentiels d’exercice illégal de la médecine ou d’usurpation de titres.

(image succo via Pixabay)

Des infractions dans de nombreux domaines

Les contrôles des professionnels se sont majoritairement déroulés de manière inopinée et ont démontré une méconnaissance générale de la réglementation (pratiques commerciales déloyales, exercice illégal de la médecine et information du consommateur insuffisante).

La DCCRF a notamment constaté des allégations thérapeutiques ou « de santé », non justifiées, sur les compétences des professionnels. Certains soulignent ainsi qu’ils « participent à la guérison », « soulagent la douleur », « traitent les maladies graves » ou utilisent abusivement des termes médicaux tels que « consultations » ou « patient », qui doivent être réservées au corps médical, car prêtant sinon à confusion.

Il a été entre autres relevé que beaucoup d’hypnothérapeutes utilisent les termes « hypnose médicale », alors que cette pratique, utilisée pour réduire la douleur ou à des fins d’anesthésie, est un acte médical réservé à des professionnels de santé. De telles allégations sont interdites en l’absence de qualification médicale des professionnels et « présentent également des risques pour la santé des patients qui pourraient se détourner des soins reconnus lorsque les pratiques "non conventionnelles" leur sont présentées comme alternatives et non seulement comme complémentaires aux soins conventionnels ». D’autres professionnels revendiquent leur efficacité ,comme « arrêter de fumer en 1h, résultat immédiat », sans être en mesure d’en apporter la démonstration.

En matière de qualification, la DGCCRF a aussi constaté que « l’imagination des professionnels est particulièrement développée : emploi des termes "diplômé", "certifié", "agréé" sans posséder de diplôme d’État, de certification ni d’agrément officiel, usage du qualificatif "naturopathe" sans avoir suivi la formation requise, ou du terme "psychothérapeute" par un " psychopraticien" non qualifié ».

(image KaiMiano via Pixabay)

Les cas potentiels d’exercice illégal de la médecine concernaient principalement des acupuncteurs, mais aussi des auriculothérapeutes et des professionnels exerçant l’hydrothérapie du côlon.

Les sites Internet de ces professionnels (certains vendant parfois des produits) ont aussi été vérifiés. Y ont été relevés « l’emploi d’allégations thérapeutiques ou l’usage inapproprié voire trompeur de mentions valorisantes, la présence de clauses abusives et illicites dans les conditions générales de vente (CGV), l’absence d’information relative à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation ou des mentions légales incomplètes ». Sur les lieux d’exercice des praticiens, il est apparu que l’information des consommateurs est « tout aussi défaillante ».

En effet, « l’affichage des prix des prestations varie beaucoup selon que les professionnels ont été sensibilisés à cette obligation lors de leur formation (ce qui est relativement rare). Dans certains cas, aucune note n’est remise avant paiement de la prestation alors qu’il s’agit d’une obligation dès lors que le montant est supérieur à 25 €. Dans d’autres cas, cette note ne comporte pas toutes les mentions obligatoires. Néanmoins, les professionnels s’y astreignent de plus en plus afin de faciliter la prise en charge, par certaines mutuelles, de la prestation ».

Quant à l’étiquetage des produits vendus, particulièrement par des aromathérapeutes, il « n’est pas complet, notamment en matière d’information sur les prix et la composition de ces produits ».

(image kerdkanno via Pixabay)

Enfin, dans certains cas, « à l’issue de la "consultation", les consommateurs sont invités à commander des produits en ligne et à saisir un code leur permettant de bénéficier de réductions mais également d’identifier le professionnel "apporteur d’affaire". Une partie du chiffre d’affaires réalisé peut être reversée [par les fabricants des produits] aux prescripteurs en numéraire ou sous forme de chèques-cadeaux ». Autre infraction, « certains professionnels collectent et conservent des données personnelles sensibles de leurs clients : coordonnées, profession, bilans de santé et troubles dans des logiciels dédiés. Aucun d’entre eux n’a pourtant pris les mesures destinées à protéger ces données, certains les transmettant même directement aux entreprises [les fabricants avec lesquels ces praticiens collaborent] intéressées via les plateformes en ligne qu’elles mettent à leur disposition. Des signalements ont été effectués auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) à la suite de ces constatations »

Comment se protéger ?

Le bien-fondé de ces « médecines alternatives », qui pour la plupart ont fait leurs preuves, n’est pas à remettre en cause. D’ailleurs, de plus en plus, le corps médical conventionnel y a aussi recours, reconnaissant ses bénéfices dans de nombreux cas.

Le problème est que souvent, les personnes qui les utilisent sont en souffrance, non seulement physique mais aussi morale, déçues notamment (pas toujours de façon injustifiée…) par la médecine conventionnelle. Et comme souvent dans de tels cas, comme dans tous les domaines économiques (réparations, vente de produits et prestations), il y a toujours – la nature humaine étant ainsi faite – des professionnels qui malheureusement essaient d’en profiter. Mais s’agissant ici de domaines touchant à la santé, les risques peuvent être très importants, et pas seulement pour le portefeuille !

Le premier réflexe à adopter est de se renseigner sur la ou les formations dont le praticien que l’on envisage de consulter a bénéficié. Il faut prendre le temps de vérifier si ces formations sont dispensées par des écoles ayant « pignon sur rue », existant depuis longtemps, et même si certains de leurs élèves (ou dirigeants) n’ont pas fait l’objet de poursuites, ce qui a parfois été le cas (cela est facile à vérifier via Internet, avec quelques mots-clés bien choisis).

La DGCCRF relève que « même si leur activité n’est pas officiellement reconnue par le ministère des Solidarités et de la Santé, ces professionnels tendent progressivement à se structurer. Pour le secteur de la naturopathie, "l’Organisation de la Médecine Naturelle et de l’Éducation Sanitaire" (OMNES) est ainsi la principale association représentative et la "Fédération française des Écoles de naturopathie" (FÉNA) encadre un réseau d’écoles privées ». Il ne faut pas hésiter à vérifier si la formation reçue par le praticien a été dispensée par une école faisant partie de tels réseaux.

Dans tous les cas, surtout si on souffre d’une maladie grave et qu’on suit un traitement conventionnel, il ne faut jamais arrêter ce traitement sans réfléchir et encore moins brusquement. Et tout simplement, il ne faut pas « prendre pour argent comptant » les promesses par trop « miraculeuses » que pourrait faire un praticien de médecine alternative, même si on est en souffrance et en recherche d’une solution pour mettre – enfin – fin aux problèmes de santé que l’on a. Car les miracles sont malheureusement très rares, alors que les charlatans existent bien, en plus des praticiens qui veulent certes faire bien, mais auxquels manquent parfois certaines compétences.

Juste une anecdote : il y a quelques années, nous étions en train de discuter avec la propriétaire d’un magasin bio. À côté de nous, un naturopathe avec lequel elle travaillait conseillait une cliente, une dame assez âgée. Celle-ci lui demanda si elle pouvait prendre tel médicament, qu’elle nomma, en même temps que les compléments alimentaires que le naturopathe était en train de lui recommander. La réponse de celui-ci nous a sidéré : « Je ne connais pas ce médicament, mais arrêtez de le prendre ». Tout simplement effarant ! Imaginez les risques pour cette dame, s’il s’agissait d’un médicament pour le cœur ou pour un diabète grave ! Il va de soi que nous nous sommes permis de nous insinuer dans la conversation, poliment mais fermement, pour que cette dame continue « quand même » à prendre ledit médicament.

Finalement, quand on veut avoir recours à une « thérapie » alternative, pourquoi ne pas en parler à son médecin ? Comme dit plus haut, ceux-ci y sont de plus en plus ouverts et peuvent ainsi, le cas échéant, confirmer les bienfaits de telle ou telle pratique complémentaire.

(image artisano via Pixabay)

 


Inscrivez-vous à notre newsletter

Recevez tous les 15 jours en avant-première une revue de presse de nos articles et vidéos & des infos sur les derniers produits ajoutés