Alors que Londres 2012 avait montré la voie de l’exemplarité équitable, Paris néglige l’enjeu
Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, affichés très « responsables », étaient l’occasion de concrétiser un lien de solidarité entre athlètes, citoyens-consommateurs et producteurs pauvres des pays mêmes d’où viennent nombre de sportifs, et qui vont fournir les Jeux en fruits, café, thé, cacao, sucre,.. ou habiller les protagonistes de coton. C’est une occasion manquée.
Si l’ONG Max Havelaar France salue la volonté d’inclusion porté par le Comité d’Organisation, elle regrette l’absence de critères clairs et ambitieux pour intégrer des produits issus du commerce équitable dans l’approvisionnement. Un comparatif entre les précédents Jeux Olympiques montre qu’une autre voie était possible.
Partout dans le monde, le sujet d’une juste rémunération de ceux qui nous nourrissent est présent. En France, cet enjeu a marqué le début de l’année avec la crise agricole. Dans le monde, 75% des personnes qui souffrent de la faim sont des agriculteurs des pays en développement. Les valeurs de l’olympisme étaient une occasion de faire de la solidarité une norme.
D’autant, que malgré l’inflation, les Français continuent à consommer des produits équitables. La hausse de 4% du chiffre d’affaires des ventes générés par les produits labellisés Fairtrade / Max Havelaar France en 2023 en témoigne. Des collectivités ou encore des États portent des engagements forts : l’Italie a notamment rendu la banane et le cacao équitables obligatoires dans la commande publique ; la Ville de Paris affiche un objectif de 100% de cacao et bananes équitables d’ici 2026.
Malgré les efforts réalisés autour de l’inclusivité, de la sobriété ou encore pour privilégier l’approvisionnement français, la comparaison avec les Jeux Olympiques de Londres 2012 illustre l’absence d’ambition du Comité d’organisation des Jeux Olympiques pour Paris 2024 en matière de commerce équitable :
Paris 2024 : inclusif et durable, mais (trop) peu équitable
L’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024 a promis des jeux plus responsables et a décidé de mettre en avant l'inclusivité et la sobriété. En matière d’alimentation, l'accent a été mis sur l'approvisionnement en produits locaux, comme l’illustrent les nombreux engagements pour des catégories de produits 100% français (laitages, vin, céréales, viande, etc), favorisant le bien-être animal (100% oeufs issus d’élevage plein air) ou la pêche durable (100%). Si le commerce équitable est mentionné comme une option dans la « vision pour la restauration» aucun engagement chiffré n’a été pris, laissant ainsi le choix éthique important qu’il constitue lors d’un événement aussi symbolique à la discrétion des opérateurs économiques choisis pour restaurer les participants. A l’inverse, Londres 2012 avait choisi de faire de la certification équitable la norme obligatoire pour tous les produits venant des pays du Sud : cacao, café, sucre de canne, bananes…
Pour ce qui est plus spécifiquement des produits importés, la charte de Paris 2024 exige une certification, mais sans critères plus précis. A l’heure où l’Union européenne a engagé la lutte contre le greenwashing et souhaite améliorer la qualité des informations fournies aux consommateurs par les certifications, il aurait été souhaitable que les critères de Paris 2024 soient plus clairs, notamment pour empêcher la valorisation de démarches internes des entreprises qui ne sont pas suffisamment indépendantes.
Qu’attend-on pour défendre un textile plus éthique ?
Côté textile, le constat est similaire : à l’heure de la dénonciation de la fast fashion et de ses impacts, le COJO n’a imposé ni coton équitable ni normes éthiques pour habiller les athlètes et les 50 000 bénévoles. Une fabrication en France a certes été privilégiée, mais cela est loin de concerner les volumes les plus importants de produits textiles aux couleurs de Paris 2024. Il est important de rappeler les mauvaises conditions de travail et les salaires extrêmement bas qui caractérisent le secteur dans les principaux pays de fabrication (Bangladesh, Inde, Chine…). Et qu’il y a quelques mois à peine, la campagne Good Clothes, Fair Pay demandait à l’Union Européenne d’introduire une législation pour assurer des salaires vitaux aux personnes qui fabriquent nos vêtements et qui gagnent en moyenne deux fois moins que le salaire minimum vital. Après 12 mois de collecte et d’actions militantes, cette pétition européenne a recueilli la signature de plus de 240 000 citoyen·ne·s européen·ne·s, devenant la plus grande campagne citoyenne jamais menée sur le salaire vital pour les ouvrier·ère·s de la mode. Paris 2024 avait l’opportunité de montrer la voie.
« Alors que le Comité d’organisation des Jeux Olympiques de Paris a beaucoup fait pour rendre ces Jeux inclusifs et leur alimentation responsable, l’oubli de l’équitable fait tâche. Pourquoi apporter tant de soin à l’approvisionnement local, et négliger une attente majeure des Français : rémunérer justement ceux qui nous nourrissent ? Surtout s’agissant des filières lointaines et fragiles du café, du cacao, du coton, du sucre de canne… ? Beaucoup d’athlètes viennent de pays ruraux et pauvres : cette exigence d’équité aurait dû être une évidence par respect pour eux», regrette le directeur général de l’ONG Max Havelaar France, Blaise Desbordes.