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Prochainement débattue dans le huis-clos d’une Commission mixte paritaire largement acquise à sa cause, la loi portée par le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, censée « lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur », est un coup de poignard dans le dos des millions de Français·es qui subiront l’impact d’une telle loi sur leur santé.

C’est aussi une immense trahison de la majorité silencieuse du monde agricole. Derrière ce texte se cachent des mesures taillées pour moins de 2 % des élevages industriels et quelques filières dépendantes des pesticides, quand la majorité des agriculteurs·trices attend depuis trop longtemps des actes concrets pour des revenus dignes.

Témoignage – Régis, agriculteur (Terre de Liens)

    « On vit une injustice terrible. En ce moment, alors qu’on laisse penser aux citoyen·nes que l’agro-écologie et l’agriculture biologique sont soutenues et se développent, c’est tout le contraire sur le terrain. L’agriculture industrielle n’a jamais été aussi soutenue par les pouvoirs publics. Alors que les élevages industriels de lait, de porcs et de volailles n’ont jamais été aussi rentables, l’agriculture biologique subit une baisse des aides publiques. La loi Duplomb ignore les agriculteurs biologiques, mais pire, elle va renforcer un modèle agricole destructeur de l’environnement et dangereux pour la santé. En tant que paysan bio on se sent abandonné par les politiques, on nous impose des normes impossibles à appliquer en élevage plein air. Le fossé se creuse entre l'aspiration des citoyens pour des élevages en plein air et l’agrandissement continue des élevages industriels dans les campagnes. On nous répète sans cesse qu’il ne faut pas opposer les modèles agricoles mais l’agriculture industrielle est un ogre qui s’accapare toutes les terres et bientôt il n’y aura plus de place pour nous. »

Régis, agriculteur Terre de Liens

Une loi taillée pour l’agriculture industrielle

L’agriculture est aujourd’hui l’un des secteurs les plus inégalitaires : les 10 % les plus riches ont un niveau de vie 4,5 fois supérieur aux 10 % les plus modestes. Les derniers chiffres de la Commission des comptes de l’agriculture (décembre 2024) sont sans appel : l’agriculture ne paie plus, sauf pour quelques-uns soutenus à coups d’aides massives. Et c’est encore eux que vient servir la loi Duplomb : une fuite en avant agro-industrielle, au mépris de toutes les alertes scientifiques et sanitaires.
Derrière l’écran de fumée des « contraintes » dénoncées par le syndicat majoritaire, ce texte facilite l’installation et l’agrandissement des fermes-usines (article 3) et rouvre la porte à des pesticides dangereux. Pendant ce temps, aucune réponse n’est apportée aux vrais défis : 21 % des agriculteurs s’inquiètent du changement climatique, 96 % des agriculteurs·trices ne citent pas les restrictions sur les pesticides comme un problème. Les mesures pour une juste rémunération, elles, attendent toujours — comme Égalim 4, abandonnée en silence.

Commission mixte paritaire : un débat plié d’avance

Le texte, imposé à l’Assemblée via un 49.3 déguisé au service de l’agro-industrie, est désormais entre les mains d’une commission mixte paritaire (CMP) déséquilibrée : 7 sénateurs de droite, dont Laurent Duplomb lui-même, jugent un texte qu’ils ont coécrit ; côté Assemblée, les forces de gauche sont minoritaires dans une chambre où le gouvernement Macron vote désormais avec l’extrême droite. Cette alliance inédite consacre un tournant trumpien de la politique agricole : faits scientifiques balayés, alertes ignorées, et vision identitaire de « l’agriculteur vertueux par nature » érigée en dogme.

Terre de Liens appelle à un sursaut citoyen et agricole pour que cette loi ne s’applique pas dans nos campagnes. Alors que la loi Duplomb favorise l’agrandissement des fermes-usines, l’accord de libre-échange UE-Mercosur pourrait être signé dans le même temps. Deux chocs qui vont continuer à accélérer la diminution du nombre d’agriculteurs·trices en France, menacer la souveraineté alimentaire, et marginaliser celles et ceux qui font le choix de préserver les sols, l’eau, et la santé de tous·tes.

 


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