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Sensibles à la lumière, les hydrolats doivent être conservés en flacons de verre sombre (Photo Pixabay xaviervandeputte0)

Elles sont régulièrement intégrées comme ingrédients dans des produits cosmétiques, vendues elles-mêmes comme cosmétiques, mais aussi parfois sous l’étiquette de produits alimentaires : les eaux florales font partie des produits que l’on croise souvent, mais qu’on ne connaît pas forcément très bien, d’autant plus qu’elles sont aussi appelées hydrolats, terme plus large.

 

Une définition officielle dans la Pharmacopée

La Pharmacopée, appelée Codex jusqu’en 1963, est « un ouvrage réglementaire destiné aux professionnels de santé qui définit les critères de pureté des matières premières ou des préparations entrant dans la fabrication des médicaments (à usage humain et vétérinaire) voire leur contenant, (ainsi que les méthodes d'analyses à utiliser pour en assurer leur contrôle » (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé).


Extrait de la 1re édition de la Pharmacopée (1818).

 

Si la première édition de la Pharmacopée française remonte à 1818, son édition actuelle (la 12e), datant de 2012, définit précisément les « eaux distillées végétales et eaux aromatisées végétales » :

« Les eaux distillées végétales sont obtenues par entraînement à la vapeur d’eau de diverses parties de plantes aromatiques ou non. Elles sont constituées par la phase aqueuse recondensée (ou hydrolat) et séparée de l’huile essentielle quand il y en a. Dans le cas particulier de l’utilisation de fleur comme matière première, on parle d’eaux distillées florales ou d’eaux florales.

Exemple d’eau distillée végétale : eau distillée de laurier-cerise.
Exemple d’eau distillée florale : eau distillée de rose, eau distillée de fleur d’oranger.

Les eaux aromatisées végétales sont obtenues à partir d’arômes d’origine végétale, soit par mise en solution dans de l’eau purifiée, soit par entraînement à la vapeur d’eau suivie d’une décantation et d’une filtration ».

 

Un coproduit de la fabrication des huiles essentielles

Les hydrolats, terme générique qui désigne donc non seulement les eaux distillées florales mais aussi toutes les eaux distillées végétales, sont ainsi le produit de la distillation à la vapeur de plantes ou de parties de plantes. Il faudrait en fait dire « co-produit de la distillation », car on les obtient, dans la plupart des cas, lors de la distillation destinée à produire les huiles essentielles. Ces hydrolats sont obtenus sous la forme d’un condensat lors du refroidissement de la vapeur qui se forme lors de la distillation, condensat qui peut lui-même être redistillé en plusieurs cycles pour augmenter la concentration en principes actifs.

Pour l’extraction des huiles essentielles des plantes par distillation à la vapeur en effet, les plantes ou parties de plantes sont mises dans un alambic, dans lequel de l’eau est chauffée jusqu’à l’ébullition, ce qui mène à la production de vapeur d’eau. Si les huiles essentielles sont insolubles dans l’eau (ce sont des huiles), elles sont par contre entraînées par la vapeur. Lorsque la vapeur produite traverse la couche des plantes mises dans l’alambic, elle se charge donc au passage en huiles essentielles. Au travers d’une canalisation, cette vapeur d’eau, phase gazeuse légère, s’élève puis passe dans une colonne de refroidissement ou réfrigérant. Le refroidissement est obtenu par une circulation d’eau (avec laquelle la vapeur n’est pas en contact, car elle reste dans la canalisation).   
Préparation d’eau de rose à Qamsar en Iran (Photo Wikimedia Commons Mohammed Akhlaghi, Tasnim News Agency).


La vapeur refroidie redevient liquide sous forme d’eau, étant alors récupérée dans un contenant de réception.
L’huile essentielle non soluble dans cette eau surnage à la surface, ce qui permet de la récupérer en laissant bien le liquide décanter. La phase aqueuse qui reste est l’hydrolat.

La même opération permet donc d’obtenir deux produits différents : l’huile essentielle et l’hydrolat, par exemple d’une part eau de rose et huile essentielle de rose avec des boutons ou des pétales de rose, ou huile essentielle de néroli et eau de fleur d’oranger avec des fleurs de bigaradier.

Mais on peut aussi distiller des plantes non aromatiques, qui ne donnent pas d’huile essentielle, et le procédé visant alors à obtenir directement un hydrolat. Comme exemples, on peut citer l’achillée, le bleuet, l’hamamélis, l’ortie, le plantain ou encore le tilleul.


Schéma simplifié de la distillation à la vapeur d’eau (Image Wikimedia Commons Pnd26).
  Tout l’art de la distillation consiste, outre le choix des bonnes plantes et des bonnes parties de plantes (cueillies au moment de la journée ou à la saison où elles sont les plus riches en principes actifs), à bien maîtriser la durée, la température et la pression de la distillation.

Les hydrolats contiennent les ingrédients végétaux hydrosolubles, des acides organiques, quelques vitamines et oligo-éléments, ainsi que des traces d’huiles essentielles en suspension fine. Les hydrolats présentent des propriétés similaires à celles des huiles essentielles correspondantes, mais celles-ci sont en doses très réduites (0,2 à 0,4 % en moyenne, parfois jusqu’à 1 ou 2 %) et, dans certains cas, leurs effets diffrent légèrement de ceux des huiles essentielles. Il est difficile de quantifier précisément les molécules présentes dans l’hydrolat, en raison de leur concentration faible, à la limite de la sensibilité des techniques d’analyse.

 

Quelle utilisation ?

Les hydrolats sont utilisés depuis des siècles et même des millénaires, la Pharmacopée moderne n’ayant fait que codifier leur production pour un usage « normalisé ». Ils étaient ainsi déjà connus dans les civilisations anciennes de l’Inde ou de l’Egypte antique. A cette époque, leur usage était à la croisée du bien-être (usage parfumant ou aromatisant) et de la médecine, plus précisément de ces médecines traditionnelles que l’on qualifie aujourd’hui parfois de « médecines douces » ou « médecines alternatives ».

Leur avantage est que, même si leurs effets se rapprochent donc de ceux des huiles essentielles correspondantes, leur concentration inférieure en molécules actives permet de les utiliser plus largement sans souci, même chez des personnes sensibles, comme les jeunes enfants voire les femmes enceintes. Dans le domaine de l’aromathérapie, à laquelle il faut rattacher l’usage des hydrolats, on peut donc les qualifier de « version douce » ou « homéopathique ». Mais une allergie à une huile essentielle (ou à un de ses composants) est le signe que l’on sera également, en toute logique, allergique à l’hydrolat correspondant.

En aromathérapie, on peut les employer par voie orale, en les mélangeant à de l’eau, mais aussi en pulvérisation directe sur la peau ou encore en compresses. Leurs usages externes vont de la cicatrisation à la lutte contre les allergies ou les inflammations, l’eczéma ou le psoriasis. Par voie interne, à l’instar des huiles essentielles, ils sont utiles pour combattre la dépression, le stress, les émotions fortes, la nervosité, les problèmes intestinaux, détoxifier le foie ,etc. On peut aussi en utiliser comme soin buccal (plaque dentaire, inflammation des gencives…), en vaporisation sur les jambes lourdes ou, comme les huiles essentielles, dans l’eau du bain, notamment pour la détente. A chaque usage correspond bien sûr un ou plusieurs hydrolats précis.

 Il en est de même en cosmétique, où leurs bénéfices sont également très variés : principalement comme tonique visage sur la peau nettoyée avant l’application d’une crème (astringent, apaisant, décongestionnant, purifiant/antibactérien, sébo-régulateur, tenseur, rafraîchissant, hydratant, circulatoire en cas de rougeurs cutanées), mais aussi comme après-rasage, soin des yeux (compresses calmantes), soin des cheveux (pour éliminer les résidus de calcaire après un shampooing), etc. Ils sont utilisables tels quels, sachant qu’on peut aussi en ajouter dans un masque à l’argile par exemple (action purifiante ou calmante). Par contre, les eaux florales ne peuvent pas être utilisées comme eaux de toilette, leur concentration en molécules aromatiques étant trop faible pour cela : cela ferait un parfum qui ne « tient » pas.  
Le bleuet des champs donne une eau florale appréciée pour le soin des yeux (Photo Pixabay Kapa65).

 

Les fabricants de produits cosmétiques (bio surtout) ont bien compris tous les bienfaits des hydrolats en général et des eaux florales en particulier, et les intègrent de plus en plus dans leurs formules, notamment en remplacement de l’eau. L’eau de rose, de fleur d’oranger, de lavande, de bleuet ou d’hamamélis font partie des grands « classiques » en cosmétique.

En alimentaire, on pense en premier lieu à des spécialités d’Afrique du Nord ou du Proche-Orient, qui utilisent traditionnellement l’eau de fleur d’oranger ou l’eau de rose dans leurs pâtisseries et d’autres plats (loukoum, mchekek, makrout, corne de gazelle, katayef, bouscoutou…). Mais les eaux florales sont aussi connues par exemple dans la cuisine indienne. Il suffit de surfer un peu sur Internet pour découvrir combien de nombreuses eaux florales peuvent être mises à profit pour rehausser les plats salés ou sucrés, les vinaigrettes, les sauces, les smoothies et autres jus de fruits et de légumes (et même du vin…), en surprenant les papilles, tout en facilitant parfois la digestion : basilic, cannelle, lavande, marjolaine, mélisse, origan, romarin, sarriette, sauge, thym, verveine, etc. !

 

Attention à leur conservation et à leur qualité

Les hydrolats sont aussi sensibles à la lumière, à la chaleur et à l’oxydation de l’air, raison pour laquelle ils sont d’une part proposés en général flacons de verre sombre, qui doivent d’autre part être idéalement conservés au frais, toujours refermés après usage. Le verre bleu est préconisé, car il bloque les UV. Mais étant constitués principalement d’eau et de molécules d’origine végétales, ils sont facilement contaminés par des germes (moisissures en particulier). Pour cette raison, ils sont parfois additionnés d’alcool (ou, en cosmétique bio, de conservateurs agréés, du type alcool benzylique ou acide déhydroacétique), ce qui permet d’obtenir une durée de conservation plus longue, sinon limitée à quelques mois voire quelques semaines à peine. Il faut bien vérifier la date d’utilisation optimale inscrite sur l’étiquette (12 à 24 mois souvent), et une fois ouverts, leur durée de vie ne dépasse pas 2 à 3 mois. Dès qu’une odeur suspecte (inhabituelle et/ou désagréable) apparaît, il ne faut plus utiliser le produit, de même que lorsqu’on constate la présence d’un voile blanc, signe d’une détérioration de la qualité microbiologique.

Il va de soi qu’il faut privilégier les hydrolats certifiés bio, encore mieux lorsqu’ils sont purs et sans conservateurs, ce qui est en général le cas des hydrolats en qualité alimentaire (mais ce qui en réduit la durée de vie). A ce propos, il faut savoir que certains hydrolats sont certifiés selon le cahier des charges alimentaire bio (logo AB ou « feuille verte » européenne), alors que d’autres, enregistrés comme produit cosmétique (ce qui fait d’ailleurs que la TVA appliquée est de 20 % et non de 5,5 % comme avec un produit alimentaire), sont certifiés selon un cahier des charges de cosmétique naturelle et bio (Cosmébio, Cosmos, NaTrue…).

Légalement, un produit ne peut pas être à la fois classé alimentaire et cosmétique. Mais il va de soi qu’un hydrolat en qualité alimentaire peut aussi être utilisé à des fins cosmétiques. Par contre, un hydrolat cosmétique peut donc contenir des conservateurs. Certes, en cosmétique bio, les conservateurs généralement employés (alcool benzylique et acide déhydroacétique) sont également autorisés en alimentaire (sous les références respectives E1519 et E265), mais pas aux mêmes doses. Et un hydrolat cosmétique non certifié bio est susceptible de contenir d’autres types de conservateurs. Par principe, il ne faut donc pas faire un usage alimentaire d’un hydrolat cosmétique.

On préfèrera si possible les marques qui ont un minimum « d’envergure commerciale » et d’expérience sur le marché. Car nonobstant les efforts certains et sympathiques que peuvent faire de petits producteurs artisanaux, les risques qualitatifs, microbiologiques surtout, sont plus élevés dans le cas d’une production artisanale.

 
Les utilisations alimentaires des hydrolats sont innombrables, les smoothies étant un exemple parmi d’autres (Photo Pixabay Ben02387787).
  Enfin - et nous renvoyons pour cela à la définition de la Pharmacopée au début de cet article – il faut être vigilant à la dénomination des produits. Seuls les vrais hydrolats (et eaux florales) sont dignes d’attention. Il ne faut pas les confondre avec les eaux végétales aromatisées, fabriquées avec des arômes végétaux mis en solution dans de l’eau ou par distillation d’huiles essentielles.

La composition de ces produits n’a rien à voir avec les vrais hydrolats.

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