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(image Yanalya via Freepik).

Soucieux de notre santé, nous attendons que tous les produits que nous achetons et utilisons pour notre corps et son bien-être soient d’une qualité irréprochable, en particulier via une réglementation stricte devant constituer un garde-fou optimal face aux effets secondaires possibles et autres risques potentiels. Sont notamment concernés les médicaments, les cosmétiques, les compléments alimentaires… Mais qui connaît les dispositifs médicaux ? Et pour le sujet ici développé : qui sait que les protections hygiéniques ne sont encadrées chez nous par aucun texte règlementaire ? La vigilance s’impose donc.

Près de la moitié des habitants de la planète est concernée

Chaque mois, une petite moitié de la planète est concernée par un événement naturel qui vient se rappeler à son bon souvenir. Cette petite moitié, ce sont toutes les femmes en âge biologique de procréer. En France, elles sont plus de 20 millions à avoir ainsi leurs « règles menstruelles », appelées plus simplement « règles », pendant lesquelles 6 à 10 ml environ de sang sont excrétés chaque jour. L’expression « règles menstruelles » vient du mot synonyme « menstrues », d’usage vieilli, issu du mot latin menstrua, pluriel neutre de l'adjectif menstruus signifiant « mensuel », lui-même dérivé de mensis « mois ».

On sait que depuis l’Antiquité au moins, chez les Egyptiens, en Grèce, dans la Chine impériale, les femmes ont utilisé des accessoires pour absorber ce flux menstruel : tampons faits avec des herbes ou avec des bandes de coton, de lin ou de laine enroulés autour d'un morceau de bois ou encore, attachés avec des rubans, des bandages cousus main ou faits de vêtements usagés, ou des sacs en tissus contenant un matériau absorbant.

Au Moyen Âge en Occident, si parfois des bandages en lin ou en laine furent parfois employés, réutilisés après lavage, dans d’autres cas aucune protection particulière ne fut utilisée. Et comme les femmes ne portaient pas de sous-vêtement du type culotte, le sang s'écoulait librement, absorbé par un des multiples jupons.

Les premières serviettes hygiéniques, lavables, spécialement conçues à cet effet, apparurent dans le courant du 19e siècle : on les attachait par des boutons-pressions sur une « culotte menstruelle ». La fin du même siècle vit la création de protections hygiéniques industrielles jetables, qui connurent néanmoins peu de succès : promouvoir de tels accessoires touchant à l’intime était alors délicat.

Après la Première Guerre mondiale, s’inspirant des serviettes hygiéniques à base de bandes de gaze (utilisées normalement pour les pansements) et d’ouate que les infirmières militaires avaient imaginées, une entreprise américaine mit sur le marché les premières serviettes « modernes », bien qu’encore fixées avec des épingles. La bande adhésive ne fut rajoutée que durant les années 1960. Le tampon hygiénique apparut quant à lui dans les années 1920 aux USA, puis se généralisa après la Seconde Guerre mondiale.

Les deux grands types de protection existant aujourd’hui sont les héritiers directs de ces techniques plus ou moins anciennes. D’une part les protections externes comme le serviettes (lavables et réutilisables, ou jetables) ou les protège-slips (plus fins, pour les périodes de règles plus faibles), fixés à l’intérieur du slip, ou les culottes menstruelles, lavables. Et d’autre part les protections internes, comme les tampons, en général en viscose (appelée aussi rayonne, soie synthétique) et/ou coton, jetables, ou les éponges menstruelles (éponges naturelles ou synthétiques), réutilisables. Parmi les procédés internes, mentionnons aussi bien sûr les coupes menstruelles, connues depuis les années 1930, qui connaissent un certain regain d’intérêt depuis quelques années, surtout depuis qu’elles sont faites en silicone et plus en caoutchouc, cause régulière de problèmes d’allergie (car il contient du latex).

(Image Freepik)

Les protections jetables : un coût environnemental énorme

Les protections jetables, serviettes ou tampons, posent cependant un important problème environnemental. 20 millions de femmes françaises utilisant chaque mois en moyenne 24 protections, cela représente 480 millions de déchets par mois, près de 5,8 milliards par an ! En Inde, 2e pays le plus peuplé du monde (1,3 milliard d’habitants) après la Chine, le gouvernement a calculé que 113.000 tonnes de « déchets menstruels » sont produits chaque année.

Des déchets en général non biodégradables, comme la viscose ou le plastique des applicateurs ou du voile des serviettes, sans parler du problème du cœur absorbant en polymère des serviettes.

Des problèmes normaux… ou pas

Le problème environnemental posé par les protections hygiéniques n’est donc pas négligeable. Mais il s’y ajoute un réel problème de santé publique, qui n’est pas encore pris à sa juste mesure.

Comme le savent toutes les femmes, les règles s’accompagnent en général de désagréments divers. En premier lieu les douleurs au bas-ventre et au ventre (crampes, coliques et spasmes), qui peuvent irradier dans tout le bassin, voire le dos ou les cuisses. Celles-ci sont dues au fait que l’utérus doit se contracter pour évacuer les menstrues, composées de sang et de fragments de la muqueuse utérine. Mais il y a aussi, fréquemment, des migraines. Celles-ci sont provoquées par l’action des hormones qui entrent en action pour commander les règles et exercent aussi une contre-action secondaire au niveau du cerveau. Mentionnons aussi des troubles digestifs (nausées, vomissement, diarrhées). Face à ces problèmes, les femmes ne sont pas égales, la souffrance étant plus ou moins importante selon les personnes. Il est alors parfois difficile de lutter contre la nature, sauf à utiliser force médicaments.

 

Les règles sont un problème mensuel récurrent pour les femmes. Inutile de rajouter d’autres soucis avec l’emploi de protections hygiéniques présentant un risque pour la santé ou la nature (image Freepik).

Plus inquiétants sont les problèmes de santé que peuvent potentiellement poser la constitution même des protections hygiéniques.

Ainsi, au printemps 2016, 60 Millions de Consommateurs avait procédé à des analyses sur onze références de serviettes, protège-slips et tampons. Des traces de dioxines (polluants industriels) et de dérivés halogénés (sous-produits liés aux traitements des matières premières) avaient été retrouvées dans certains de ces produits. Des traces de pesticides organochlorés et pyréthrinoïdes (insecticides), mais aussi lindane avaient été également retrouvées.

En 2017, la DGCCRF (Répression des Fraudes) avait mené une enquête visant à contrôler la sécurité des produits d’hygiène féminine (6 tampons, 9 serviettes, 7 protège-slips et 5 coupes menstruelles). Les enquêteurs avaient procédé à des prélèvements, des analyses en laboratoire et à un recueil d’informations auprès des fabricants et distributeurs pour vérifier la composition des produits et leur mode de fabrication.

Résultat, des traces de substances potentiellement dangereuses pour diverses raisons : dioxines, furanes, EOX (chlorures d’halogènes : chlore, brome et iode) dans les 6 références de tampons. L’une d’elle contenait une trace d’AOX (composés organohalogénés absorbables) et une autre de phtalate. Pour les serviettes, des traces d’HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) avaient été détectées dans 6 références. Une serviette contenait des traces de phtalate et une autre serviette des traces d’AMPA, un métabolite (composé issu de la transformation) du glyphosate. Pour les protège-slips, des traces d’HAP furent observées dans 4 références. Une référence (parfumée) contenait des traces d’un allergène (le lilial) et une autre un résidu de pesticide (le lindane), interdit en France.

Néanmoins, la DGCCRF avait conclu que si « les méthodes analytiques mises en œuvre par les laboratoires [avaient permis] de mettre en évidence la présence de ces substances à des concentrations très faibles », elles n’avaient « pas détecté de danger grave et immédiat sur les produits testés ». Pas forcément rassurant.

En juin 2018, un autre rapport, publié par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) avait une nouvelle fois confirmé la présence de résidus « potentiellement toxiques » (sic) dans les protections féminines, provenant vraisemblablement de la « contamination des matières premières ou des procédés de fabrication » : dioxines, glyphosate et autres pesticides, composés aromatiques polycycliques, phtalates, résidus de chlore servant au blanchiment du coton... Des substances connues pour leurs effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, ou encore comme perturbateurs endocriniens. L’Anses s’était néanmoins voulue rassurante, concluant à « l’absence de risque sanitaire » en raison des « très faibles concentrations mesurées ».

Protections hygiéniques : pas d’obligation réglementaire

Le problème est que même si ces doses retrouvées sont faibles, il ne faut pas oublier que de telles substances sont également présentes ailleurs dans notre environnement, dans l’alimentation ou dans différents produits manufacturés (vêtements, textiles ménagers, atmosphère parfois…). Un possible effet cocktail ou cumulatif n’est donc pas à exclure. Le principe de précaution s’applique par conséquent : partout où on peut supprimer une exposition à ces produits chimiques, il faut le faire ! Sans oublier les protections dont les composants ne sont peut-être pas directement nocifs pour le corps mais peuvent l’environnement en fonction du matériau utilisé (applicateurs, voiles, cordons…).

Normalement, lorsqu’on connaît les substances qu’on souhaite éviter, il suffit de regarder la liste des composants figurant sur l’emballage. C’est très facile par exemple avec un cosmétique, pour lequel la réglementation européenne rend obligatoire la liste complète des ingrédients, la fameuse « liste INCI ». Mais le problème, avec les protections hygiéniques, c’est qu’il n’existe en France ni règlementation ni norme particulière applicable, tant pour leur composition que pour l’étiquetage (liste complète des composants). Comme pour de simples mouchoirs en papier ou du papier toilette, ces protections sont considérées comme des produits de consommation courante. L’Anses, dans son rapport susmentionné, a récemment affirmé soutenir « notamment, dans le cadre du règlement REACh, un projet de restriction des substances CMR [cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques] dans les produits d’hygiène féminine ».

La situation est ainsi totalement différente, par exemple, de celle des Etats-Unis ou du Canada, où ces produits sont classés « dispositifs médicaux ». Cette classe de produits est méconnue du grand public, au point que nous avons pu lire sur un forum un internaute s’étonner, après avoir vu certaine serviettes classées « dispositif médical » (serviettes pour incontinence ?)  : « En quoi des fibres et de la cellulose sont un "dispositif médical" ??? », parlant même… « d’entourloupe ».

Certes, la catégorie des dispositifs médicaux est complexe avec « plus de 20.000 types de produits, allant des consommables à usage unique ou réutilisables (pansements, compresses…), aux implants (prothèses mammaires, stimulateurs cardiaques…) en passant par les équipements (lits médicaux…), les réactifs et automates de biologie médicale » (ANSM). L’avantage de cette catégorie, dont l’utilisation est susceptible de poser des problèmes liés directement ou indirectement à la santé, est d’encadrer leur fabrication et d’obliger à des contrôles. Une telle classification serait une avancée certaine pour les protections hygiéniques, tout le contraire d‘une « entourloupe », bien sûr.

La seule solution consiste à voir si au minimum, de manière volontaire, le fabricant a indiqué la composition des produits sur l’emballage. Et si non, l’exiger du service consommateurs !

 

En l’absence de liste obligatoire de composants, la seule solution consiste souvent à l’exiger des fabricants (image Freepik).

 Concernant les serviettes, pour un bon respect de la santé, il faut éviter : pour le voile de surface l’utilisation de polypropylène, polyester, polyéthylène, polyoléfine... ; pour le cœur absorbant de polymères (susceptible entre autres de provoquer des allergies) : polyoléfine, polyester, polyéthylène, super-absorbant (SAP)… ; pour la couche inférieure (au contact de la lingerie) : polyoléfine, polypropylène, papier siliconé… et l’absence de parfum (présence possible d’allergènes). Pour les tampons : pour l’applicateur tout plastique issu de la pétrochimie ; pour les fibres absorbantes : rayonne ou viscose (d’origine synthétique) ; pour le voile au contact du corps : polyéthylène, polypropylène, polyester… ; pour le cordon de retrait : polypropylène, polyester… et également l’absence de parfum.

Sans oublier les emballages individuels ou les boîtes des produits qui peuvent également être en plastique, à éviter également.

L’idéal est bien évidemment de préférer des protections hygiéniques certifiées bio (bien vérifier la présence d’un logo sur chaque référence, pas seulement la certification bio du coton). Dans ce cas, on aura la certitude que par exemple le voile de surface des serviettes sera en coton bio, de même par exemple que leur cœur absorbant (qui peut être aussi en cellulose), et que la couche inférieure sera en biopolymère (par exemple amidon de maïs). Pour les tampons, dans ce cas, les fibres absorbantes seront aussi en coton bio, de même que le cordon, et l’applicateur sera en biopolymère (par exemple issu de canne à sucre), etc.

Le coton bio présente entre autres la garantie d’avoir été produit sans pesticides, blanchi non pas au chlore mais au peroxyde d’hydrogène, un produit inoffensif ne laissant aucun résidu. C’est une exigence minimale pour les protections hygiéniques jetables.

Les coupes menstruelles sont un autre sujet, qui mérite d’être développé séparément.

 

L’emploi de coton bio est une exigence minimale, mais la certification bio du produit fini est l’idéal (image bobbycrim via Pixabay).


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