Autrefois simple désagrément domestique estival, le moustique est devenu une véritable préoccupation de santé publique, depuis que le moustique-tigre, vecteur potentiel de maladies graves, est apparu sous nos latitudes. Conséquence, l’inquiétude gagne et les ventes de produits anti-moustiques explosent au début de la saison estivale.
A la recherche de méthodes « naturelles »… et efficaces
Les consommateurs étant de plus en plus informés sur les dangers potentiels des nombreux « polluants domestiques » éventuels auxquels ils sont exposés (via les cosmétiques, les parfums d’ambiance, les lessives, les produits ménagers…) ils sont aussi de plus en plus nombreux, pour se protéger contre les moustiques, à vouloir se tourner vers des « solutions naturelles » susceptibles de préserver à la fois leur santé et l’environnement.
L’offre de produits vantés comme étant à la fois efficaces et inoffensifs s’est diversifiée. On trouve ainsi par exemple des applications pour smartphones qui permettraient à ces derniers d’émettre des ultrasons qui feraient fuir les moustiques. Inefficacité totale garantie ! Autre produit plébiscité (… par ses vendeurs !), le bracelet (ou le patch) imprégné d’un produit répulsif qui ferait également fuir les moustiques. Efficacité garantie… au niveau du bracelet, mais pas quelques centimètres plus loin sur le corps ! Pour atteindre une (relative) efficacité, il faudrait en mettre aux pieds, aux poignets, aux bras, voire au cou... en fait sur tout le corps. De toute façon, le bracelet ne diffuse pas éternellement le produit dont il est sensé être imprégné.
Certains se tournent donc vers les bonnes vieilles recettes traditionnelles, dont l’huile de citronnelle. Les préconisations vont de l’emploi de bougies parfumées à la citronnelle à la pulvérisation de quelques goutes d’huile essentielles sur la taie d’oreiller, en passant par l’utilisation de diffuseurs à huile essentielle voire de la citronnelle (Cymbopogon citratus) plantée en pot et posée à des endroits « stratégiques ».
Il est cependant reconnu que l’efficacité des bougies parfumées est limitée dans le temps et dans l’espace (quelques dizaines de cm autour de la bougie…), le brassage de l’air diluant rapidement les molécules actives diffusées (principalement citronnellol et géraniol). C’est encore pire avec de simples pots de citronnelle posés sur un rebord de fenêtre : comment sauraient-ils diffuser suffisamment de molécules pour une efficacité dans la pièce correspondante, dans laquelle le simple mouvement des personnes, d’une pièce à l’autre, brasse l’air ? (sauf éventuellement dans une chambre fermée, la nuit). Et en extérieur, c’est encore pire, un simple filet de vent diluant aussi les effets.
Seule le géranium rosat (à g. photo Wikimedia Commons B.navez) est capable de repousser les moustiques, à ne pas confondre avec le géranium des balcons (à dr., photo Pixabay JACLOU-DL).
Feuilles de l’eucalyptus citronné (Corymbia citriodora) dont on tire une huile essentielle active contre les moustiques (Photo Wikimedia Commons Geekstreet). |
L’autre point est qu’en fait l’huile essentielle citronnée la plus efficace n’est pas la citronnelle. Le géranium rosat est par exemple plus adapté. Mais là aussi, quelques plants sur un rebord de fenêtre ne suffiront sans doute pas : c’est bien de l’emploi d’huile essentielle dont on parle. Et surtout, ne vous contentez pas de « mettre des jardinières de géraniums au balcon », comme on le lit souvent… Car le géranium des balcons habituel est souvent du Pelargonium hederaefolium, alors que le géranium rosat efficace contre les moustiques est botaniquement du Pelargonium graveolens. Certes on peut aussi en planter (il est originaire d’Afrique du Sud, comme beaucoup de géraniums - qui sont en fait des pélargoniums – étant en particulier cultivé à La Réunion pour la production d’huile essentielle), mais il ne faut pas se tromper d’espèce et se précipiter en jardinerie sur n’importe quel géranium ! |
En fait, l’huile essentielle citronnée la plus efficace est celle de l’eucalyptus citronné (Corymbia citriodora auparavant Eucalyptus citriodora), que l’on peut, de fait, mettre sur un mouchoir près de soi ou sur son oreiller, utiliser dans un diffuseur, etc. Mais il est difficile d’en planter dans son jardin ou d’en mettre à ses fenêtres, puisqu’il s’agit d’un arbre de 50 m de haut poussant dans l’hémisphère sud, notamment dans l’est de l’Australie. Rappelons qu’il ne faut jamais mettre de l’huile essentielle directement sur la peau, car cela peut provoquer des réactions cutanées, dont des allergies.
Les répulsifs cutanés
A part une moustiquaire (au-dessus d’un lit ou aux portes et fenêtres), la meilleure façon de se protéger reste donc les répulsifs que l’on met sur la peau (ou sur les vêtements). Bien qu’appliqués sur la peau et souvent formulés, quand il s’agit de produits à base naturelle, à partir d’huiles végétales et d’huiles essentielles et testés sous contrôle dermatologique, il faut noter qu’il ne s’agit pas de produits cosmétiques. Les anti-moustiques appartiennent à la catégorie des « biocides », qui comporte deux familles : d’une part celle des insecticides, produits destinés à tuer les moustiques mais qui ne sont pas appliqués sur la peau, et d’autre part celles des répulsifs, qui peuvent entrer en contact avec la peau. Le but de ces derniers est, comme leur nom l’indique, d’éloigner les insectes (moustiques en l’occurrence), appliqués de façon directe (lotion, crème, pulvérisation par spray) ou indirecte (pulvérisation) sur les vêtements.
Bien que le mot « biocide » sous-entend que normalement le produit concerné est létal (c’est-à-dire que dans le cas présent il tue les insectes), les répulsifs font bien partie de cette catégorie, qui est soumise à une réglementation spécifique très stricte. Car rares sont les actifs et les produits réellement performants, à tel point que le règlement européen sur les biocides répulsifs (n°528/2012) exige, pour que les produits puissent se prévaloir d’une telle action, que deux conditions soient impérativement réunies : la première est qu’ils doivent contenir des substances actives approuvées à cet effet après évaluation officielle au niveau européen de leur efficacité et de leur innocuité, et la seconde que le produit lui-même doit avoir prouvé son efficacité et son absence de risques pour la santé humaine, animale ou pour l’environnement.
Le problème est qu’à ce jour toutes les substances actives comme biocides n’ont pas encore été évaluées officiellement, en particulier la plupart des substances actives présentes dans les produits anti-moustiques. Pour pouvoir être commercialisé et utilisé en tant que tel, un produit anti-moustiques doit donc contenir obligatoirement une des substances chimiques actives qui sont listées sur le site internet de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), au nombre de quatre seulement.
Dans l’ordre décroissant généralement constaté de leur efficacité à dosage égal (sachant qu’aucun répulsif n’est efficace à 100 %), la première est le DEET, mis au point par l’armée américaine pour protéger les soldats dans les zones tropicales. S’il est sans doute la substance la plus efficace contre les moustiques (entre autres), il affiche aussi un risque de toxicité avérée pour le système nerveux des mammifères, à dose élevée bien sûr, ce qui amène certains chercheurs à déconseiller son emploi chez les femmes enceintes et les enfants. Vient ensuite le KBR3023 ou icaridine/picaridine, dérivé de la pipéridine, substance que l’on trouve par exemple dans le poivre noir. |
La liste des principes actifs chimiques ou d’origine naturelle autorisés pour pouvoir alléguer une action anti-moustique est extrêmement réduite (Photo Pixabay mosquito1). |
Il est considéré comme peu toxique s’il est inhalé, mais peut provoquer des irritations cutanées chez les personnes sensibles. Le troisième est l’IR335, composé synthétisé à partir d’acides aminés (alanine et β-alanine), qui ne présente pas de toxicité connue et est bien toléré sur la peau.
Enfin, le PMDRBO4 est une molécule analogue au principe actif contenu dans l’extrait de l’huile essentielle d’eucalyptus citronné, qui présente de bonnes caractéristiques d’efficacité et de sécurité.
Les huiles essentielles
L’ECHA autorise également une allégation de répulsif anti-moustiques pour quelques rares huiles essentielles (ou leurs extraits) dont l’efficacité a été officiellement confirmée : huile essentielle (HE) de menthe, HE de lavande, citronellal, extrait de margousier, géraniol, lavandin oil (extrait de Lavandula hybrida), Citriodiol® et extrait de Chrysanthenum cinerariaefolium. Le Citriodiol®, à l’odeur proche de celle du menthol, est le nom déposé pour la molécule pure extraite de l'huile essentielle des feuilles d’eucalyptus citronné mentionné plus haut (Corymbia citriodora).
Les produits qui contiennent uniquement d’autres HE (de citronnelle, de tea tree, de neem, de géranium, d’eucalyptus citronné, de lemongrass, d’ylang-ylang, de menthe poivrée) ou d’autres composants (linalol) n’ont normalement pas le droit de revendiquer une activité anti-moustiques.
L’étiquetage des anti-moustiques doit préciser obligatoirement l’identité et la concentration de la substance active, ainsi que, entre autres, le numéro du lot, la date de péremption dans des conditions normales de conservation, les instructions d'emploi et enfin le délai nécessaire pour l'apparition de l'effet biocide et sa durée d'action. Tout produit ne respectant pas ces obligations n ‘est pas légal à la vente, de même que sont interdites (aussi bien sur l’étiquette dans les publicités) les mentions du type « produit biocide à faible risque », « non toxique », « ne nuit pas à la santé », « naturel », « respectueux de l’environnement », « respectueux des animaux » ou toute autre indication similaire. Les produits biocides étant soumis à la règlementation relative aux substances et mélanges dangereux, ils doivent, le cas échéant, présenter des mentions d’avertissement, de danger et des pictogrammes suivant leur composition (par ex. concernant les femmes enceintes ou les enfants).
Faire le bon choix
Si on veut minimiser les risques de santé, il faut bien sûr éviter bien sûr les produits à base de DEET et privilégier le Citriodiol®, le seul dérivé d'un composé naturel actif pouvant être utilisé comme répulsif à insectes aux États-Unis et en Europe. Ce Citriodiol® ne présente pas de danger particulier et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC, principale agence gouvernementale américaine en matière de protection de la santé publique et de sécurité publique) l’ont reconnu comme étant le seul dérivé de substance naturelle permettant de repousser les moustiques porteurs du dangereux virus du Nil occidental.
Il faut aussi savoir que l’efficacité et la durée d’action des répulsifs anti-moustiques varient beaucoup selon leur concentration en actifs. Il faut donc idéalement privilégier les marques qui ont fait des tests d’efficacité. Enfin, comme une grande partie des piqûres de moustiques se fait à travers les vêtements, il faut également préconiser l’emploi de sprays anti-moustiques pour textiles, bien sûr basés aussi sur des substances naturelles reconnues, comme le Citriodiol® ou le géraniol.
Le moustique-tigre est le vecteur potentiel de maladies graves (Photo Pixabay Wikilmages). |
Pour minimiser le risque d’être attaqué par les moustiques, comme ceux-ci sont entre autres attirés par la transpiration (à cause de l’urée et de l’acide lactique que la sueur contient), il est conseillé de prendre régulièrement une douche, de rafraîchir à l’eau claire du lavabo les zones de transpiration intense (aisselles ou pieds par exemple). Rester à l’ombre limitera aussi la transpiration. Enfin, certains composants des parfums attirant les moustiques, on évitera de se parfumer. |