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Au début de la crise sanitaire du coronavirus Covid19, lorsqu’il devint clair pour les foyers français que des mesures de confinement seraient mises en place, comme cela avait été le cas en Chine, les magasins furent pris d’assaut pour des « achats de précaution » voire, pour certaines personnes, par peur d’une pénurie. Parmi les achats de ces « produits de première nécessité », ce fut notamment le papier toilette qui vit ses rayons dévalisés. Une attitude montrant combien cet… « accessoire » d’hygiène est un indispensable de notre vie quotidienne.

Les Français, des consommateurs raisonnables

Si les longues semaines de confinement sont l’occasion d’entendre maintes fois, en sortant, la phrase « Papiers, s’il vous plaît » prononcée par les forces de l’ordre contrôlant la légitimité des déplacements extérieurs, tous les papas et les mamans ont souvent entendu, dans leur vie de parents, ce cri de désespoir, venant d’un « petit endroit… confiné », poussé par leur enfant : « Papiiiieeeer ! ». Dans la vie de tous les jours, le papier toilette, alias papier hygiénique, est autant indispensable que les papiers d’identité !

Si on sait que du papier toilette fut utilisé en Chine dès le 2e siècle avant notre ère, sous l’antiquité romaine et grecque, on se servait pour « ce que vous savez » d’éponges ou de linges mis ensuite dans un seau d’eau salée ou vinaigrée, de bâtons ou de morceaux de poterie. Pendant longtemps, les classes sociales élevées utilisèrent des serviettes en tissu, les gens du peuple avaient pour cela surtout des feuilles d’arbre, de l’herbe, du foin ou même de la terre. Le vrai papier toilette industriel, en feuilles, apparut en 1857 aux USA, mais ne connut pas de réel succès commercial. Il fallut attendre 1891 pour que soit inventé, toujours aux USA, le papier hygiénique tel que nous le connaissons, c’est-à-dire sous forme de rouleau, avec des perforations pour couper à la longueur désirée. En Europe, ce type de papier restant longtemps un produit de luxe, c’est à partir des années 1960 que son usage se répandit, en remplacement du papier journal utilisé jusqu'alors.

En 2018 (source Statista), les Français ont consommé 6,4 kg de papier toilette par personne, soit 71 rouleaux de 90 g. Ce qui n’est rien en comparaison des habitants des USA (12,7 kg et 141 rouleaux, soit 15 milliards par an pour l’ensemble de la population, de quoi faire 40 fois le tour de la Terre) et même des Allemands (12,1 kg et 134 rouleaux) ou des Britanniques (11,4 kg et 127 rouleaux).

(image Humusak via Pixabay)

Du papier… pas toujours hygiénique

Si nous ne sommes donc pas de très gros consommateurs de papier toilette, notre consommation de « papier pour la personne » ne s’arrête pas là. Cette catégorie englobe en effet aussi les mouchoirs en papier et les papiers de ménage (« essuie-tout »), sans oublier les serviettes et nappes en papier, d’où un important impact écologique. Au total, c’est environ 13 kg de papier pour la personne que nous utilisons, dont la moitié en papier toilette et 2 kg en essuie-tout. Quant aux mouchoirs jetables, chaque Français en utilise autour de 500 par an, soit un total annuel d’environ 33 milliards. Selon le WWF, au niveau mondial, c’est l’équivalent d’environ 270 000 arbres qui est jeté dans les égouts ou qui se retrouve dans les poubelles du monde entier.

Techniquement, le papier toilette, c’est en général de l’ouate de cellulose, une qualité qui permet de donner la douceur recherchée. Pour l’obtenir, deux types de matières premières sont utilisées, soit des copeaux de bois, soit du papier recyclé.

Dans le cas de la pâte de bois, pour obtenir ce papier particulier, les copeaux sont mélangés à de l’eau et parfois à des produits chimiques (soude et dioxyde de soufre dans le cas du procédé chimico-mécanique généralement employé pour le papier toilette). Avec le papier recyclé, on déchiquète le vieux papier pour le mélanger avec de l’eau et obtenir également une pâte. Celle-ci est ensuite lavée et traitée pour éliminer les traces de colle, de colorant et d’encre que le vieux papier contenait. Problème souligné par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) : le papier produit à partir de papier recyclé est susceptible de contenir des traces de bisphénol A, un perturbateur endocrinien, présent dans les encres d’imprimerie, ainsi que des traces d’huiles minérales provenant également de ces encres. Si on peut donc penser que le papier recyclé c’est mieux pour l’environnement (en Europe 40 % du papier toilette est fabriqué avec du papier recyclé, contre quasiment rien aux USA), cela ne veut pas dire qu’il est donc sans produit chimique.

De plus, parmi les produits chimiques que le papier toilette est susceptible de contenir, il y a aussi ceux utilisés pour blanchir le papier (hypochlorite de sodium, c’est-à-dire eau de Javel, ou dioxyde de chlore), ainsi que les éventuels colorants ou parfums et autres ingrédients pour améliorer sa douceur.

La composition du papier toilette « humide » (en fait des lingettes), présenté comme une « innovation » pour plus de confort et d’hygiène, est encore pire. Certains ingrédients sont certes les mêmes que ceux que l’on peut trouver en cosmétique certifiée (glycérine, aloe vera, huile d’amande, huile de coco… par contre pas forcément bio), mais d’autres ne sont pas très recommandables, comme le phénoxyéthanol, les PEG et d’autres ingrédients éthoxylés (exemple Sodium Coceth Sulfate). Ce qui n’empêche pas les produits concernés d’être affichés comme « sans parfum, sans parabène et sans alcool », ce qui n’est évidemment pas suffisant à notre sens.

Comment choisir ?

Un papier est dit recyclé s’il est fabriqué avec au minimum 50 % de fibres de cellulose (cela peut aller jusqu’à100 %) provenant du recyclage des papiers et cartons. Sa fabrication économise les forêts, l’eau et l’énergie. Même s’il n’est donc pas potentiellement totalement exempt de traces de certaines substances chimiques, il reste la solution écologique. Mais dans ce cas, il faut idéalement privilégier les produits qui arborent le logo FSC-Recyclé, qui garantit que le produit labellisé est fabriqué à partir de 100 % de fibres recyclées (dont un minimum de 85% est issu de la post-consommation).

Sinon, il y a aussi l’option du papier issu à 100 % de bois, ce qui doit être confirmé par le logo FSC 100 %, signifiant que la totalité des fibres provient de forêts gérées durablement.

Comme la pâte à papier est naturellement colorée en raison de la nature même du bois, au lieu d’utiliser un procédé de blanchissement au chlore, les papiers écologiques sont blanchis avec un actif sans risques et non polluant, l’eau oxygénée. Dans ce cas, cela donne au papier ainsi obtenu le droit à la dénomination TCF (Totally Chlorine Free, « entièrement sans composé chloré »). Mais cela ne vaut que s’il est fabriqué à partir de fibres vierges de bois. Dans le cas de papier recyclé, comme on ne peut pas garantir que les matières réutilisées étaient sans chlore, si ce papier recyclé est non blanchi au chlore voire non blanchi du tout, c’est la dénomination PCF (Processed Chlorine Free recycled, recyclé et fabriqué sans dérivé de chlore) qui s’applique.

La présence de l’Écolabel européen garantit quant à elle, entre autres, outre l'utilisation de fibres recyclées ou vierges provenant de forêts gérées durablement, la réduction des risques pour la santé humaine, des dommages à l'environnement et des risques liés à l'utilisation de substances chimiques dangereuses.

Outre l’absence de blanchissement au chlore, pour être écologique, le papier toilette ne doit pas, bien sûr, contenir de colorants, parfums ou assouplissants. Tous ces ingrédients présents dans les papiers conventionnels sont la cause de désagréments vécus par nombre d’utilisateurs, surtout avec le papier toilette appliqué sur les zones intimes très sensibles (mais on pourrait aussi parler du nez, pour les mouchoirs).

Certes ces papiers ne sont souvent pas aussi blancs (bien que l’on puisse donc blanchir sans chlore) et parfois un peu moins doux au toucher. Mais les techniques ont évolué et les fabricants proposent aujourd’hui des produits néanmoins doux, très résistants et absorbants. En n’oubliant pas un dernier argument : les rouleaux de papier écologique sont souvent bien plus serrés qu’en conventionnel et ce sont ainsi des produits qui durent plus longtemps.

Certaines marques poussent encore plus loin leur engagement, garantissant un approvisionnement local, en France, du papier recyclé, ou que le film emballant les packs de rouleaux est en plastique bio-sourcé biodégradable, etc. Une marque précise par exemple que son papier toilette est élaboré à partir de papiers recyclés non blanchis mais surtout ne provenant pas de papier journal. Il existe même une jeune société française qui propose du papier toilette fabriqué à partir de bambou certifié FSC, matière première aisément renouvelable, le bambou poussant très rapidement. Avec un autre avantage, à savoir que la fibre du bambou donne un papier au toucher très doux tout en étant résistant.

Il suffit donc de bien regarder les mentions figurant sur l’emballage pour savoir ce que l’on achète, et choisir le meilleur.

Ne jetons pas n’importe quoi dans la cuvette

Un autre inconvénient du « papier humide » cité plus haut, c’est que ces lingettes ne sont pas biodégradables à court terme. Il ne faut donc pas les jeter dans la cuvette des WC, même lorsque le fabricant affirme qu’on peut le faire ! En effet, dans les faits, elles ne se dégradent en général qu’au bout de 90 jours et à condition qu’elles soient mises dans un bac à compost. Jetées dans vos toilettes, elles peuvent boucher vos canalisations au niveau du siphon et, plus loin, obstruer les grilles qui protègent le circuit des eaux usées en amont des stations d’épuration, grilles sur lesquelles vont s’agglomérer alors d’autres déchets et, au final, boucher le système, avec parfois des conséquences catastrophiques, comme les refoulements d’égout.

(image Communauté d'Orléans Val de Loire, DR)

Il ne faut donc pas jeter dans les toilettes les lingettes de « papier toilette humide » (ni celles à d’autres usages, comme les lingettes démaquillantes ou celles pour bébés), ni évidemment les serviettes ou les tampons hygiéniques, pas plus que la litière pour les chats (elle aussi régulièrement affichée comme étant « biodégradable ») comme le font certaines personnes.

Idem pour les tubes de carton supports des rouleaux sur lesquels est écrit « fait de la même matière que le papier toilette » et « le seul tube recyclable, compostable et jetable dans les toilettes » parce que « biodégradable ». Comme les lingettes, ce type de tube présente le très grand risque de boucher vos toilettes et le circuit des eaux usées.

La seule chose qu’on peut jeter, c’est bien le papier toilette, car prévu pour se dégrader rapidement.

Rouleaux de papier « jetables dans le toilettes » (photo Annuaire Vert). Le logo de la marque a été flouté.


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