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Une prudence de plus en plus grande face aux polluants domestiques, une importance croissante donnée aux achats éthiques, une sensibilité exacerbée aux conditions de travail dans les pays lointains où sont fabriqués une grande partie des produits que nous consommons, la prise de conscience que le gaspillage des ressources de la planète ne peut plus durer : il n’en fallait pas plus pour que les vêtements, comme les aliments et les cosmétiques, commencent à être, eux aussi, au centre des préoccupations des consommateurs….

Bientôt un affichage environnemental pour les vêtements

100 milliards : c'est le nombre de vêtements vendus chaque année dans le monde. Un chiffre à mettre en regard du fait que l’’industrie de la mode et du textile représente le 2e secteur industriel et commercial le plus polluant. Comme l’a annoncé le ministère de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, secrétaire d’État auprès de la ministre, a réuni le 11 février 2020 des professionnels du secteur et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), « afin d’échanger sur l’élaboration et l’application d’un affichage environnemental sur leurs produits ». Le projet de cet affichage (étiquetage), qui permettra au consommateur d’identifier rapidement les produits les plus « responsables », s’inscrit dans la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 « relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ».

À l’instar du « Nutri-Score », de l’étiquette énergétique des produits électroménagers ou encore des rejets de CO2 pour les automobiles, cet affichage prendra la forme d’une note allant de A (la meilleure) à E (la moins bonne), associée ici à un logo en forme de planète bleue. Affichée sur le produit (ou disponible sur le site Internet de la marque), elle tiendra compte de neuf critères environnementaux : émissions des gaz à effet de serre, impact sur les ressources énergétiques, impact sur les ressources minérales, consommation d'eau, toxicité aquatique, acidité dans l'eau, pollution photochimique, impact sur la biodiversité et enfin eutrophisation, c’est-à-dire libération éventuelle dans les milieux aquatiques de certaines substances nutritives, comme les nitrates et phosphates, pouvant entraîner la prolifération de certaines algues et autres végétaux.

Pour l’instant, il ne s’agit que d’un affichage volontaire, accepté aussi bien par certaines marques que par des chaines de magasins ou de grande distribution généraliste. Mais à l’issue de 18 mois d’expérimentation, un décret devrait fixer définitivement les conditions de l'affichage obligatoire de cette note.

Environnemental, mais pas social !

Contrairement à ce qu’ont annoncé cependant certains médias, il ne s’agit pas d’un affichage « environnemental et social », mais uniquement environnemental, comme on le comprend avec la liste des neuf critères retenus. Nombreux sont donc ceux qui, avec raison, reprochent à ce système de ne pas prendre en compte les aspects sociaux et humains, c’est-à-dire entre autres tous les critères relatifs aux personnes entrant dans la chaîne de fabrication, depuis la production des matériaux, qu’il s’agisse de fibres naturelles ou non, jusqu’à la vente en passant par la transformation. Sont concernés ici non seulement les conditions de travail elles-mêmes, mais aussi les aspects commerciaux, comme l’achat équitable. Aucune obligation non plus en ce qui concerne les matériaux : une production « propre » parce que bien maîtrisée de fibres synthétique sera-t-elle ainsi mal notée ? Rien n’est moins sûr.

Les labels existants comme le GOTS (Global Organic Textile Standard), les certifications équitables comme World Fair Trade Organisation ou Fairtrade Coton, ou encore Fair Wear Foundation, Nordic Swan ou Oeko-Tex Standard 100 vont donc rester incontournables.

À peu près au même moment où était faite l’annonce de l’expérimentation sur cet affichage environnemental, la presse s’est également fait l’écho du lancement d’une application destinée à mesurer l’engagement des marques de vêtement dans les domaines de la santé, de l’environnement et de la protection des animaux. Quelques semaines plus tôt, une autre appli du même type avait également fait parler d’elle. Néanmoins, comme pour les applis alimentaires ou cosmétiques, ces applis « mode » sont loin d’être parfaites.

Leurs bases de données sont en effet construites, de façon collaborative principalement, sur les informations récoltées auprès des marques elles-mêmes, soit parce qu’elles ont répondu au questionnaire qui leur a été envoyé, soit sur la base de ce qui a pu être collecté sur leur site Internet, dans leur rapport RSE (responsabilité sociétale ou environnementale), etc. Les développeurs de ces applications n’ont en effet aucun moyen d’aller enquêter sur place, avec des équipes d’experts ou de certificateurs indépendants, dans les usines de fabrication ou sur les lieux de production (de culture) des matériaux naturels (coton, lin…) lorsqu’il y en a !

L’industrie textile peut être extrêmement polluante, avec un impact négatif aussi bien sur l’environnement que sur la santé des travailleurs (image LoggaWiggler via Pixabay).

Quelles solutions pour se vêtir plus « durable » ?

Le problème des applications, là aussi comme pour l’alimentaire ou pour la cosmétique, est qu’elles semblent devenir, pour leurs utilisateurs et utilisatrices, un genre de panacée qui rendrait la réflexion inutile, ce qui est bien loin d’être le cas. Réfléchir, s’informer, raisonner restent impératifs si on veut être un vrai « éco- et bio consommateur ».

La première chose dont il faut se rappeler est que les vêtements (et la plupart des autres tissus, ceux pour la maison notamment, linge de bain, draps, tissus d’ameublement…), contiennent un très grand nombre de produits chimiques : teintures, traitements assouplissants, hydrofuges (contre l’humidité) ou ignifuges (contre le feu), anti-transpirants, facilitant le repassage ou évitant au tissu de se froisser, etc. Et à y regarder de plus près, quand on arrive à avoir l’information, on découvre que parmi ces produits chimiques figurent des composés dont on connaît bien les inconvénients pour la santé, allant de « simples » allergies ou irritations à des atteintes plus sévères sur la santé (asthme, perturbateurs endocriniens, troubles neurologiques ou immunitaires…) : formaldéhyde, composés perfluorés, phtalates et même nanoparticules, etc. Certes, ces dernières ne traversent normalement pas une peau saine et sont présentes en quantité infinitésimales dans les tissus concernés, mais quid d’une peau lésée et de l’effet cocktail par association avec d’autres substances indésirables ?

Il faut donc privilégier les matières naturelles et renouvelables (coton, lin, chanvre, « cuir végétal », laine, etc.) issues de filières écologiques ou mieux bio, garanties par un écolabel du type de ceux évoqués plus haut. Et lorsqu’on achète un vêtement « non bio », en particulier ceux fabriqués avec des fibres synthétiques, il faut le laver plusieurs fois pour être sûr d’éliminer les derniers résidus de produits chimiques « libres » qu’il pourrait encore y avoir.

Certaines marques de vêtements se sont engagées, depuis plusieurs années, dans un processus visant à réduire au maximum l’emploi de produits « toxiques » dans leurs fabrications. C’est un sujet peu connu que suit de près l’association Greenpeace, qui donne des informations très utiles sur cette page.

Notons qu’on commence à voir apparaître de plus en plus de fibres synthétiques mais issues de sources renouvelables et/ou durables. C’est moins bien que des fibres totalement naturelles, mais c’est déjà mieux pour notre planète. Il existe par exemple de la fibre de « bioplastique » obtenue à partir de maïs ou de canne à sucre. D’autres fibres, comme le lyocell (ou tencel) peuvent être produits à partir de pulpe de bambou. Enfin, grâce aux filières de recyclage (malheureusement pas assez développées, de façon évidente), les bouteilles de plastique ou les pots de yaourt peuvent aussi devenir des fibres qui pourront être tissées et transformées en vêtements.

Bien entendu, dans un autre domaine, il faut privilégier les fabrications « locales », françaises d’abord, européennes ensuite, bien sûr dans la mesure où celles-ci respectent les conditions d’écologie et de durabilité évoquées plus haut. Nous possédons dans nos pays un réel savoir-faire « historique » en matière de textiles et de vêtements, qu’il faut soutenir par nos achats. En outre, il y a plus de chance que les droits des travailleurs soient réellement respectés, tout au moins en Europe occidentale, car cela n’est malheureusement pas toujours le cas, force est de le constater, dans certains pays d’Europe de l’Est.

Ne plus subir les « diktats » de la mode

Ces dernières années, on a vu le monde de la jeunesse se mobiliser avec force et conviction pour la défense de notre planète et du climat, ce qui est rassurant. Mais cela n’empêche cependant pas nombre de ces jeunes d’être des « accros » à Internet, aux smartphones et surtout aux réseaux sociaux, dont l’impact environnemental négatif (consommation d’énergie via les serveurs) commence à être mieux connu. Et en ouvrant leurs placards, on découvrira, chez beaucoup, une garde-robe qui pourrait vêtir une famille entière.

Mais il n’y a pas que la jeune génération : des personnes de toutes les tranches d’âge sont atteintes par le virus de la mode et de l’addiction aux marques. Être une « fashion victim » est quelque chose qui transcende les générations. Mais, honnêtement, est-il indispensable d’avoir parfois 10 ou 20 paires de chaussures, des dizaines de T-shirts, pulls, chemises ou chemisiers, pantalons, jupes, manteaux, vestes, voire sacs à main ? Est-il utile de changer de vêtement à chaque nouvelle tendance de printemps (ou d’été, automne et hiver) ou juste parce que c’est les soldes et que les prix sont « une vraie bonne affaire » ?

Certes, il est important de se sentir bien dans sa peau… en étant bien dans ses vêtements et donc de ne pas s’habiller comme si on avait vécu sur une île déserte pendant 10 ou 20 ans. Mais un vêtement ne se démode pas en un ou même deux ans, et ne se jette pas s’il n’est pas usé ou déchiré.

À acheter sans réfléchir, les armoires et placards finissent par déborder de vêtements qu’on ne met plus ou qu’on ne mettra peut-être encore qu’une seule fois… un jour ou un soir. Nous connaissons tous quelqu’un qui est dans ce cas !

C’est le cas de le dire : regardons-nous dans la glace et posons-nous les bonnes questions : avons-nous besoin d’autant de vêtements ou de chaussures ? Et même si nous sommes dans l’obligation de compléter/rénover notre garde-robe, ce qui peut être parfois le cas (enfants qui grandissent, kilos en plus ou en moins, nouveau métier obligeant à changer de look, taches, déchirures, usures et autres accidents textiles…), devons-nous vraiment nous précipiter pour aller acheter du neuf ?

Car il ne faut pas oublier les friperies, les bourses aux vêtements (parfois des bourses d’échange), les marchés aux puces de quartier, les recycleries, les boutiques solidaires et associatiaves et même Internet et certaines applications - c’est là leur bon côté… - qui sont autant de possibilités de trouver des vêtement récents, élégants, de qualité et à petit prix. Les spécialistes utiliseront ici le terme « d’économie circulaire »… Mais on peut aussi tout simplement parler de « bon sens ».

Se sentir bien dans sa peau (et dans ses vêtements…) ne nécessite certainement pas de faire de sa garde-robe le centre de ses préoccupations (image DanaTentis via Pixabay).


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