Nous en portons la preuve en nous, entre autres dans notre sang : nous sommes quotidiennement soumis à des produits potentiellement toxiques ! (image DarkoStojanovic via Pixabay).
Une évidence qui continue à être niée…
« Le glyphosate est moins cancérogène que la charcuterie ou la viande rouge » : c’est ce qu’a osé affirmer, au mois de mai 2019, Pierre Médevielle, sénateur UDI de la Haute-Garonne, un des quatre parlementaires en charge de la rédaction d'un rapport d'information parlementaire sur l'expertise des risques sanitaires et environnementaux en France et en Europe, alors même que l’évaluation de la dangerosité de cet herbicide n’était pas l’objet dudit rapport. Une position rejoignant l’affirmation contenue dans un texte publié en décembre 2018 sur le site du groupe Bayer, propriétaire de Monsanto qui fabrique ledit glyphosate : « Les 800 études scientifiques indépendantes et les conclusions des autorités réglementaires montrent que le glyphosate, quand il est utilisé selon les recommandations d’usage, est une substance sans danger pour la santé humaine : il n’augmente donc pas le risque de cancer et n’a pas de potentiel de perturbation endocrinienne supérieur à celui de la caféine, des vitamines, de certaines épices ou agrumes ».
Pourtant, si on ne se contente pas de reprendre les études (loin d’être, et pour cause, impartiales !) de la firme Monsanto, il existe aujourd’hui assez de preuves de la dangerosité à court, moyen ou long terme du glyphosate (voir notre article ici). Et il en va de même pour des milliers d’autres substances, plus ou moins nocives, utilisés en agriculture, dans l’industrie alimentaire, cosmétique ou autre. Un danger exacerbé par le risque du fameux « effet cocktail » provoqué par la présence concomitante dans environnement de substances qui, mélangées, provoquent encore plus de dégâts.
L’emploi des pesticides en agriculture est devenu, de façon largement justifiée, une préoccupation majeure (image barskefranck via Pixabay).
Des centaines de « pisseurs volontaires »
Comment peut-on croire un seul instant que ce que nous absorbons – en mangeant, en buvant, en respirant… - ne se retrouve pas dans notre corps ? C’est le cas des molécules bénéfiques (vitamines, minéraux et autres macro- et micronutriments, médicaments…) mais aussi de tous les composants à la nocivité avérée (par exemple les métaux lourds, issus de la pollution industrielle ou accidentelle, les cas les plus connus concernant le mercure à Minamata, au Japon, ou encore le plomb contenu dans les anciennes tuyauteries ou peintures, provoquant la maladie appelée saturnisme). Cette présence dans notre corps est facile à vérifier : il suffit de faire une analyse biologique, entre autres sur le sang ou les urines.
Pour rester justement sur l’exemple du glyphosate, une « Campagne glyphosate pour une agriculture sans pesticide » (www.campagneglyphosate.com) a été lancée en Ariège en juin 2018, essaimant depuis dans toute la France. Son principe ? Des volontaires – plusieurs centaines à ce jour – ont fait analyser leur urine, à la recherche de glyphosate ou d’AMPA (acide aminométhylphosphonique), une molécule « traçant » la présence de glyphosate, qui en est le premier produit de dégradation. Chez tous ces volontaires, sans exception, on a ainsi systématiquement retrouvé des résidus de glyphosate, à des teneurs allant de 0,1 à quasiment 4 nanogrammes de glyphosate par millilitre (ng/ml) – en moyenne 1 ng/ml - soit jusqu’à 40 fois la dose autorisée dans l'eau potable (0,1 ng/ml). En avril 2017, l’association Générations Futures avait obtenu les mêmes résultats sur les urines d’une trentaine de personnalités.
Point remarquable, même les urines des personnes ayant une bonne hygiène de vie, mangeant bio, contenaient des résidus de glyphosate, parfois parmi les valeurs les plus élevées. Une preuve, a priori, que le glyphosate pollue largement notre environnement….
Des critiques ont bien entendu été faites sur ces résultats. Certains ont en particulier affirmé que puisqu’on dosait l’AMPA, celui-ci ne provenait pas de la dégradation du glyphosate, mais de la dégradation de différents phosphonates utilisés comme agents détergents dans nombre de lessives et de produits de nettoyage… Ce qui n’est pas rassurant pour autant ! De façon plus rationnelle, certains analystes se demandent d’ailleurs si l’AMPA retrouvé dans les urines ne proviendrait pas à la fois du glyphosate et des détergents chimiques.
Des résidus de détergents jusque dans notre corps ? (image PhotoMIX-Company via Pixabay).
Les avis restent, pour être honnête, divisés sur le sujet. On peut notamment entendre que ce qui est dosé est la quantité que rejette notre corps, la plus importante, et non celle qui y reste (ce qui semble prouvé), ou encore que la comparaison avec la dose autorisée pour l’eau potable n’est pas pertinente, ce qui est a priori logique…
En tout état de cause, il est de toute façon parfaitement anormal de retrouver dans notre corps des substances qui ne lui sont pas naturelles, et dont la dangerosité au moins à long terme est avérée : il y a assez de personnes qui ont été exposées à de fortes doses à ce type de substances et qui ont développé des maladies.
Et il ne faut pas oublier que ce n’est pas que la présence de glyphosate dans le corps qui est confirmée !
Une première « photographie » de l’imprégnation de notre corps par les polluants
Le 3 septembre 2019, l’Agence nationale de santé publique, également appelée « Santé publique France » - un organisme, placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé – a publié les conclusions d’un programme de « biosurveillance » mis en place pour mesurer la présence de polluants de l’environnement dans le corps humain : bisphénols, phtalates, parabènes, éthers de glycol, composés bromés et perfluorés... Près de 70 biomarqueurs ont ainsi été étudiés.
« Les travaux ont été menés sur un échantillon représentatif de la population générale [française] composée de 1104 enfants et 2503 adultes. Cette étude comprend des prélèvements biologiques (urines, sérum et cheveux) et l’administration d’un questionnaire sur les habitudes de vie, les consommations alimentaires, les caractéristiques des participants. L’analyse croisée des résultats des prélèvements et des questionnaires permet de quantifier la présence de ces polluants dans la population et mieux connaître les sources d’exposition (…). [Ces résultats] constituent le premier volet de cette grande étude de biosurveillance menée par Santé publique France. Ils seront suivis de deux autres volets sur les métaux et les pesticides ».
Les composés visés par ce premier volet « sont pour certains des perturbateurs endocriniens ou des cancérigènes, avérés ou suspectés ».
« Les principaux résultats de cette étude montrent que :
- Ces polluants sont présents dans l’organisme de l’ensemble des adultes et des enfants.
- Les niveaux d’imprégnation mesurés sont comparables à ceux d’autres études menées à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et au Canada à l’exception des retardateurs de flamme bromés, des bisphénols S et F et des parabènes.
- Des niveaux d’imprégnation plus élevés sont retrouvés chez les enfants. Plusieurs hypothèses issues de la littérature pourraient expliquer ces niveaux : des contacts cutanés et de type « main bouche » plus fréquents pour des produits du quotidien (jouets, peintures…) ; des expositions plus importantes liées par exemple à une exposition accrue aux poussières domestiques ou à un poids corporel plus faible par rapport à leurs apports alimentaires, comparativement aux adultes. »
« Les modes d’expositions sont cohérents avec ceux documentés dans d’autres études et avec les connaissances disponibles. Les résultats montrent notamment que :
- L’alimentation n’apparaît pas comme une source d’exposition exclusive à ces substances.
- L’utilisation de produits cosmétiques et de soins augmente les niveaux d’imprégnation des parabènes et des éthers de glycol.
- La fréquence de l’aération du logement a une influence sur les niveaux d’imprégnation des perfluorés et des retardateurs de flamme bromés : plus le logement est aéré, plus les niveaux d’imprégnation sont bas. »
L’alimentation n’est pas la source unique de notre exposition quotidienne aux polluants : les cosmétiques, entre autres, sont également concernés (image stux via Pixabay).
Comme l’a titré un grand quotidien régional, suite à cette publication, nous sommes donc « tous intoxiqués » ! Santé publique France termine son communiqué de presse en écrivant que « la répétition de ces études est nécessaire pour suivre dans le temps les évolutions des expositions de la population et contribuer à estimer l’impact des politiques publiques visant à réduire les expositions ». Il s’agit quand même d’un organisme officiel dépendant du ministère de la Santé qui dit cela !
Comment peut-on ne pas consommer bio ??!!
Comme dit en introduction, depuis des décennies, l’agriculture biologique et l’industrie des produits bio se bat contre les produits chimiques potentiellement nocifs pour la nature, les animaux et l’Homme. Les preuves démontrant qu’elle a montré la voie se font de plus en plus nombreuses, sans le moindre doute. C’est ce qu’il faut dire, affirmer, répéter sans arrêt. Posément, sans exagération ni déformation (tout argument exagéré ou incomplet ne pouvant être que contre-productif) et avec conviction. Dire le contraire serait être au même niveau que le réchauffement climatique est une illusion, une « fake news ».
Le bio a été initialement un mouvement quasi « philosophique », c’est-à-dire basé sur la prémonition qu’il ne devenait plus possible de continuer à exploiter et à polluer notre planète sans réfléchir. Si cet aspect « militant et engagé par principe » ne doit pas être oublié, il est cependant de plus en plus urgent de faire passer le message de façon rationnelle, les éléments probants et concrets ne manquant plus… Ce n’est pas avec des dogmes et des vérités assénées sans explication et sans discussion que l’on peut convaincre et faire avancer les choses, mais bien avec la raison et la rigueur
Nous devons tous être les ambassadeurs de ce message et les acteurs de cette mission.