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« Je veux être le maître du monde ! »

Lorsqu’Amazon a commencé son activité en 1995, au moment où Internet commençait tout juste sa folle croissance, cette société était une librairie en ligne. Puis d’autres produits sont apparus sur son site : produits culturels (musique et cinéma en CD et DVD), électronique, photo, informatique… Amazon est devenu ensuite une «marketplace», hébergeant des vendeurs indépendants qui paient une commission à l’entreprise américaine, enrichissant de plus en plus son patron milliardaire et ses actionnaires. Tout se vend sur Amazon ! Aujourd'hui, le site vend même des produits alimentaires : en France par exemple, des partenariats ont été passés avec le groupe Monoprix / Casino.

Mais si ce n’était que cela… Amazon a lancé un service de micro-travail, Amazon produit des films, Amazon a commercialisé un système permettant de déverrouiller sa porte à distance, Amazon a ouvert un supermarché alimentaire sans caisse aux USA, Amazon développe la livraison par drones, Amazon a lancé sa propre marque de smartphones (ce qui fut un échec), Amazon a mis en place un service de Cloud informatique réservé aux administrations du Gouvernement des USA, Amazon s’est lancé dans le service d’impression en 3D, Amazon vous écoute en vendant son espion, pardon, son assistant vocal Alexa, Amazon a déposé un brevet d’entrepôts aériens (dirigeables géants), Amazon se lance dans le fret aérien et maritime, Amazon noue des partenariats avec des marques de voitures pour les vendre… Et Jeff Bezos crée d’autres sociétés ou en rachète : il a racheté le journal américain Washington Post, a fondé la société Blue Origin pour proposer du tourisme spatial, et bien d’autres choses encore, se lance lui aussi dans la course des voitures autonomes sans chauffeur…

De plus en plus de multinationales rêvent de tout vendre, à tout le monde (image Mediamodifier via Pixabay)
Arrêtons-là et citons, dans le même esprit, les entreprises Google ou Uber qui ont des projets qui n’ont absolument plus rien à voir avec leur métier d’origine. À côté de ces sociétés, la World Company imaginée il y a quelques années par Les Guignols de l’Info sur la chaîne Canal+ fait presque figure d’amateur… Elles veulent être partout, chez tout le monde et à chaque moment de notre vie.

La Bio devient une affaire d’argent et de belles dividendes

Pour revenir au monde de la Bio, n’oublions pas surtout, dans « l’inventaire à la Prévert » d’Amazon évoqué ci-dessus, qu’en 2017 Amazon a également racheté Whole Foods, le géant des supermarchés et hypermarchés bio aux Etats-Unis. En France, parce que de plus en plus de consommateurs veulent des produits sûrs, sains et bons pour la planète, la Bio attire aussi les convoitises de super-groupes de la distribution conventionnelle : elles rachètent des chaînes de magasins bio, elles ouvrent leurs propres chaînes de magasin bio, elles rachètent des marques bio (alimentaires ou cosmétiques), elles lancent leurs propres marques bio. Il existe même des entreprises de la « chimie lourde » du pétrole (nous en connaissons au moins une en Allemagne), qui ont racheté des PME pionnières de la détergence naturelle et bio. À ce rythme-là, nous apprendrons bientôt – si ce n’est pas encore fait - que certains groupes pétroliers se diversifient dans l’élevage laitier bio, les bergeries bio du Larzac ou les champs de soja sans OGM, ou qu’un fabricant automobile se lance dans la cosmétique bio (certaines marques automobiles premium ont bien déjà cédé leur nom en franchise pour des parfums de luxe…). Qu’est-devenu l’esprit militant et visionnaire des pionniers de la Bio dans les années 1960 à 1980 ? Comment peut-on croire à l’engagement sincère dans la Bio de groupes de GMS qui en même temps licencient des milliers de collaborateurs, considérés visiblement comme une simple « variable d’ajustement » par les actionnaires ?

La grande distribution est un « ogre » prêt à dévorer tous les marchés intéressants (image corinnabarbara via Pixabay)

 Certes, un nombre important de fabricant de produits bio, alimentaires, cosmétiques, détergence, continuent à défendre autant que faire se peut les valeurs initiales de la Bio, rappelant que celle-ci ce n’est pas seulement du « sans pesticides », mais aussi des valeurs humaines, éthiques, sociales, environnementales, de respect des animaux et de la nature, de la biodiversité ? Mais à trop se battre contre un adversaire sans foi ni loi, ne finit-on pas, même de relativement loin, à lui ressembler un peu ? Les volumes de la bio « industrielle », fût-elle de qualité, sont-ils vraiment compatibles avec la qualité « hautement supérieure », sur tous les plans, de la Bio telles que nous la connaissons heureusement encore aujourd’hui ? Qu’en sera-t-il quand tout ou presque de la production sera devenu bio ? Ce n’est pas pour le court terme, mais quid de l’avenir à long terme ? La Bio doit-elle être partout, être tout et faire tout ? Doit-elle, elle aussi, nous promettre la Lune ?

Soignons notre jardin avant de chercher à conquérir la Lune

Dans ce fourmillement inquiétant de batailles autour de qui fera les plus beaux bénéfices en mettant du bio partout, de qui sera la World Organic Company de demain, nous avons notre mot à dire, que l’on soit détaillant ou consommateur, dès lors qu’on adhère aux valeurs historiques de la Bio.

La première chose à faire est de faire confiance aux marques, alimentaires, cosmétiques et autres, certifiées bien sûr, qui ont fait du bio depuis leurs débuts (que cela soit il y a 30 ans, 10 ans ou 2 ans…) et qui affichent clairement leurs valeurs, leur authenticité et surtout leur indépendance des grands groupes nationaux, internationaux et surtout « touche à tout ».
Pour cela, les sites Internet de ces marques sont la première chose à aller visiter. Aucune marque ne se permettra d’affirmer ne pas appartenir à un groupe ou à une multinationale alors que cela n’est pas le cas. Attention par contre, à l’inverse, à ce qui se lit sur certains blogs et autres réseaux sociaux : depuis des années circulent des rumeurs, en général totalement infondées, qui colportent des informations totalement fausses, jamais vérifiées. Nous connaissons des marques bio réellement engagées, depuis des années, sur lesquelles on peut trouver, en quelques clics, des bruits qui relèvent même parfois de la diffamation.

Mais surtout, et c’est une caractéristique des temps actuels, il existe de plus en plus de « petites marques », certaines toutes récentes, d’autres plus anciennes, qui n’ont qu’une notoriété limitée, ne dépassant pas le cadre de leur région voire de leur micro-région.
Ces entreprises sont très souvent de réelles « pépites » de qualité et d’engagement bio, mais n’ont pas les moyens de le faire savoir. Elles n’ont d’ailleurs parfois pas envie de croître outre mesure, leur statut de petit « franc-tireur » du marché leur convenant parfaitement. Ces entreprises sont souvent focalisées sur un seul type de produit ou une seule famille de produits, n’étant pas des « touche à tout ». Elles ont un savoir-faire précis et travaillent de façon quasiment artisanale. Au point que leurs conditionnements et leurs packagings relèvent parfois du « fait main » et ne sont pas toujours ni très modernes ni très esthétiques. Mais qu’importe, c’est la qualité intrinsèque du produit qui compte.

Mais un peu de croissance, ou de sécurisation de l’activité, ne nuit jamais et avoir plus de clients ou un peu plus de points de vente ne leur déplaît pas. Là aussi, Internet est un outil extraordinaire pour découvrir ces « pépites », de même que les salons bio régionaux, les marchés ou encore les petites annonces des magazines spécialisés dans la bio, le naturel ou les modes de vie plus durables. Sans oublier les… offices du tourisme, qui disposent souvent, parfois en ligne, de listes d’artisans locaux, de maraîchers ou d’exploitations agricoles faisant de la vente directe de produits semi-transformés ou transformés.

Les marchés de proximité sont un endroit idéal pour découvrir des petits transformateurs locaux (image Fotoworkshop4You via Pixabay)

Dès lors que l’on cherche des produits plus « personnalisés », c’est-à-dire, quand on est un consommateur, autre chose que ceux que l’on trouve partout, faits pour le plus grand nombre, ces marques méritent qu’on s’y attarde. Même chose lorsqu’on a un magasin et qu’on essaie de se démarquer de la concurrence. Surtout quand il s’agit de la concurrence de la grande distribution qui elle, de toute façon, cherche les « gros volumes » et les marques capables de livrer au minimum au niveau régional.

Prêts pour du « tourisme d’approvisionnement » ?

Bien entendu, au-delà de la qualité des produits qu’il faut tester, d’autres paramètres sont à vérifier. On peut être un petit fabricant passionné, mais la compétence n’est pas toujours au rendez-vous, sans parler, nous l’avons régulièrement rencontré, d’une certaine légèreté dans le respect de quelques critères (« Ah oui, ça on ne l’a pas fait, mais ce n’est pas si grave, non ? »).

La première chose est donc de vérifier la conformité des produits. Cela est facile lorsqu’il s’agit de produits préemballés, cas qui nous intéresse surtout ici : l’étiquetage doit être clair, complet, conforme à la réglementation. Par contre, il est vrai que cela ne dit rien sur les conditions dans lesquelles les produits sont élaborés… Combien de fois voit-on des reportages télévisés dans lesquels nous sont présentées des personnes qui ont « décidé de changer de vie » et élaborent et conditionnent des produits, alimentaires ou cosmétiques, dans leur cuisine ou dans une annexe de leur domicile, sans la moindre précaution : ni blouse blanche, ni charlotte ou autre équipement d’hygiène, écharpe autour du cou… Les cosmétiques ou les conserves sont fabriqués à côté de la cafetière familiale ou d’un bric-à-brac hétéroclite.

Quelle est la meilleure solution pour vérifier tout cela ? Faire un peu de « tourisme d’approvisionnement », d’autant plus qu’il est probable qu’on trouve de telles micro-entreprises dans notre environnement proche. En clair, si elles sont sérieuses, elles seront ravies de montrer leur façon de travailler et de vous accueillir dans leurs locaux. A condition qu’on les prévienne à l’avance bien sûr, question de principe et aussi pour être sûr qu’il y ait quelqu’un quand on y va (surtout si on a fait une ou deux heures de route) ou qu’on ne tombe simplement pas à un moment inopportun, la ou les personnes pouvant être occupées à des tâches essentielles.

À l’heure où les grosses entreprises de la bio veulent tout faire et tout avoir, ces très petites entreprises de la bio, qui ne cherchent pas à conquérir la Lune, sont une réelle bouffée d’oxygène. Elles méritent qu’on aille à leur rencontre, pour mettre leurs créations, authentiques et engagées, dans nos cuisines ou nos salles de bain, voire dans nos rayons si on possède un magasin.


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