« Pourquoi devrions-nous nous arrêter de vivre juste pour sauver quelques vieux ? » (photomontage d’après Free-Photos et geralt via Pixabay).
Épidémie de Covid19, épidémie d’œillères ?
Depuis l’apparition de la pandémie de Covid19, l’expression « monde d’après » est sur toutes les lèvres. Innombrables sont ceux qui, bien intentionnés, proposent des solutions pour que le monde dans lequel nous vivons soit plus « sain » demain, au propre comme au figuré. Le problème est qu’avant de trouver les réponses efficaces pour y arriver, il faudrait peut-être nous remettre en question aujourd’hui.
De la relation entre une brosse à dents durable en bambou à tête interchangeable avec l’épidémie mondiale de Covid19
Avouons-le : le titre de ce paragraphe est très long, sachant que nous avons même eu envie de le mettre comme titre de cet article destiné à nous faire réfléchir, nous consommateurs réfléchis de produits bio, équitables et durables (un « nous » présupposé, car sinon, vous lecteur, vous ne seriez pas sur cette page). Bien que ce genre de titre très long fut plutôt d’usage au 17e ou au 18e siècle, il s’avère qu’il mérite bien d’être utilisé comme titre intermédiaire.
Il est donc question de brosse à dents… Depuis près d’un mois, l’auteur des présentes lignes utilise une brosse à dents en bambou et à tête interchangeable, produit évidemment bien plus écologique qu’une brosse classique en plastique issu de la pétrochimie. Nous sommes néanmoins conscient qu’il ne faut pas oublier que même si la tête interchangeable est aussi en bambou, matériau biodégradable et provenant d’une source hautement renouvelable, ses poils étant en bioplastique (« plastique biosourcé » étant ici le terme exact), cette tête n’est ni recyclable ni biodégradable. Car d’une part il n’existe à ce jour aucune filière capable de recycler de tels objets « multimatériaux » (bois de bambou et plastique biosourcé) grands de quelques centimètres à peine, et d’autre part parce que les poils en nylon (polyamide), bien qu’élaborés à partir de d'huile de ricin naturelle, ne sont absolument pas biodégradables, comme n’importe quel autre nylon d’origine pétrochimique. La tête finira donc à l’incinérateur après collecte des déchets. Mais comme dit, c’est déjà mieux qu’une brosse en plastique conventionnel faite à partir de matériaux non renouvelables, la conservation du manche permettant en plus de réduire les déchets.
Ceci constitue certes une digression par rapport à notre sujet principal, mais cela devait néanmoins être dit. Mais quel rapport avec le « monde d’après » et la pandémie de Covid19 ? Ne sommes-nous pas totalement hors sujet ?
Que nenni ! … comme on disait élégamment autrefois. Ce qu’il faut d’abord ajouter, c’est qu’avec une telle brosse à dents (ou d’autres objets écologiques et durables), nous faisons certes un pas vers un monde plus « propre », aidé par le fabricant qui a fait ce choix. Le problème est qu’à l’usage, cette brosse à dents est une véritable catastrophe : sans doute en raison du léger gonflement déformant dû à l’inévitable présence d’eau, au bout de quelques jours d’emploi à peine, la tête ne tenait plus dans son manche. Quelques mouvements de va-et-vient sur les dents et elle se détache, se retrouvant même dans la bouche si on frotte trop fort ! Soucieux de ne pas gaspiller, nous continuons à l’utiliser dans l’immédiat, en tenant le manche de quelques doigts de la main, et avec les autres nous agrippons fermement la tête…
À focaliser uniquement sur la durabilité de l’objet, sa praticité et sa convivialité d’emploi ont été visiblement oubliées. Nous n’en rachèterons plus !
Une brosse à dents durable mais qui a oublié de répondre au besoin primaire d’être utilisable… (photo Annuaire Vert).
La même démarche irréfléchie concerne les trottinettes électriques, ces nouveaux moyens de mobilité « douce » et « durable »… Mais durable seulement sur le papier, comme il faut le constater : leur durée de vie est très limitée, leur recyclage encore flou, plus le problème des batteries qu’il faut régulièrement remplacer, sans parler des matériaux non renouvelables nécessaires à leur fabrication. À ces défauts, il faut rajouter le chaos indescriptible dans la circulation urbaine, en raison de la proportion (peut-être minoritaire mais suffisamment gênante) de ses utilisateurs qui font n’importe quoi (comme certains cyclistes d’ailleurs), considérant qu’ils ont tous les droits sur la route (ou sur les trottoirs !). De plus en plus de municipalités reconnaissent que la prolifération des « engins individuels de mobilité » a entraîné une anarchie qui devient très critique sur le plan de la sécurité. Ici encore, à trop focaliser sur l’aspect écologique à court terme (moins d’émission de carbone à l’usage), on oublie de regarder les autres conséquences, à court mais aussi long terme.
On pourrait citer d’autres exemples, comme celui de la voiture électrique. Le « car bashing » est devenu une véritable ritournelle, s’agissant des véhicules à combustion thermique (c’est-à-dire roulant à l’essence ou au diesel). On se « précipite » donc vers les voitures à batteries électriques, alors même que de nombreux experts lancent déjà un cri d’alarme sur la pollution à venir provoquée par les batteries usagées ainsi que sur une nouvelle dépendance économique de l’étranger… Ce ne sera plus les pays producteurs de pétrole, mais ceux (celui… la Chine) qui font tout pour s’accaparer les ressources nécessaires à la fabrication desdites batteries (comme le lithium). De plus, les extrapolations montrent que si tout le parc automobile passait à l’électrique, la capacité de production d’électricité en France sera vite dépassée. Focaliser à court terme sur les moteurs électriques, comme avec des œillères, n’est donc pas forcément la seule et unique solution. Beaucoup reprochent avec raison qu’on rejette trop vite les moteurs à combustion thermique, un principe qui a encore de l’avenir si on se tourne vers un autre carburant, l’hydrogène, dont les rejets se limitent à de l’eau après combustion ! Certains points restent à résoudre, comme une production durable de cet hydrogène, mais ce n’est pas en restant focalisé sur les moteurs électriques actuels qu’on y arrivera…
Nous vivons de plus en plus dans un monde où beaucoup portent des œillères, refusant de voir plus loin que leur intérêt personnel ou le court terme (image Bernhard Staerck via Pixabay).
« Non mais allô quoi ? »
Mais quel rapport avec le coronavirus, nous direz-vous ? Nous y venons. Autre anecdote personnelle : très récemment, un de nos meilleurs amis nous a raconté combien il avait été choqué lorsque sa fille, brillante étudiante en école de commerce, lui avait répondu, quand il lui expliquait qu’il était vraiment important de réduire pendant un bon moment les échanges sociaux : « On ne va pas s’arrêter de vivre pour sauver quelques vieux ! ». Une façon de penser, chez un nombre croissant de jeunes, qu’un journaliste a justement souligné quelques jours plus tard dans un journal télévisé.
Et nous voilà revenus à notre brosse à dents en bambous et à nos trottinettes électriques : une vision avec des œillères, à court terme, que l’on peut même qualifier dans certains cas d’égoïste. On ne pense qu’à soi, pas au bien commun. Cela est peut-être une banalité que de le dire, mais nous vivons de plus en plus dans un monde où l’individualisme est roi : « Moi d’abord ! » et « Tout m’est dû ».
Quoi qu’on en dise, à ce jour, la meilleure des protections reste la distanciation physique, le lavage des mains régulier (comme pour beaucoup de maladies, pensons par exemple à la « gastro » !) et surtout le port du masque. Un port du masque qui (stop aux rumeurs loufoques et conspirationnistes), n’est pas un complot de fabricants, n’empêche pas l’oxygène de passer, ne nous fait pas respirer le gaz carbonique et autres contre-vérités scientifiques absolues, faciles à vérifier si on s’informe ailleurs que sur les réseaux (a)sociaux.
Quand on voit toutes ces personnes agglutinées dans des soirées privées, lors de « rave parties » sauvages, dans des rassemblements festifs après un match de football ou tout simplement dans des bars, sans aucune distance, sans le moindre masque, il y a de quoi halluciner. Entendu dans un reportage télévisé, dit par une personne s’amusant entre amis le long du canal Saint-Martin à Paris le 11 mai au soir : « J’ai passé deux mois dans mon appartement, c’est sympa de reprendre un peu l’air, de changer de quartier ».
Sympa ? « Non mais allô quoi ? » Combien de personnes n’ont pas compris que ce virus tue. Il tue des personnes de tous âges, des enfants et des adolescents (même si c’est plus rare) aussi bien que des seniors et des personnes dans la force de l’âge. Et même s’il ne tue pas toutes les personnes atteintes, des milliers se sont retrouvées en réanimation, intubées, en coma artificiel, et des dizaines de milliers en hospitalisation « simple », avec des conséquences plus ou moins directes et longues sur leur vie familiale, leur emploi, leur santé à long terme. Le Covid19, ce n’est pas le rhume des foins, et les chiffres de décès annoncés chaque jour, même s’ils ont baissé à l’automne 2020, ce ne sont pas des statistiques virtuelles : ce sont des vies brisées, des familles en deuil !
Pour beaucoup, la satisfaction individuelle passe avant l’intérêt commun : est-ce si « vital » de boire un verre ensemble quand des milliers de personnes meurent ? (image Free-Photos via Pixabay).
Pensons bio, pensons collectif et solidaire !
Si vous consultez notre site et lisez cet article c’est que vous êtes un consommateur de produits bio. La Bio, ce n’est pas que des produits « sains », bons pour la planète : c’est aussi une éthique, ce sont des valeurs, dont celles de l’écoute et de la solidarité.
Dans un tel contexte, pour rester fidèle à ces valeurs, il ne faut pas porter des œillères, ne pas écouter ceux qui propagent des fausses nouvelles par simple envie de se différencier, ou encore pour critiquer « par principe » le pouvoir en place, fût-il critiquable. Et il ne faut pas se dire : « Je ne suis pas concerné ». Et à propos de nos dirigeants, si on est forcé de constater que leur discours est souvent confus, voire contradictoire depuis le début de la pandémie, la sagesse est de se demander si tous ceux qui critiquent ont vraiment la solution. La réponse est très certainement négative. À la décharge de nos dirigeants, il faut rappeler une déclaration, courant septembre 2020 sur France Info, du Dr Jean-François Mattei, président du conseil d'administration de l'Académie nationale de médecine. Celui-ci a rappelé que nous sommes en guerre contre une maladie, contre un virus, et que par définition un ennemi est rarement prévisible, obligeant parfois à changer de stratégie du jour au lendemain pour pouvoir s’adapter à ses attaques, car c’est au fil du temps que l’on apprend de lui. Une parole de bon sens, même si elle n’excuse pas tous les écarts de nos politiques.
Pour revenir sur le port du masque, nous avons été effaré de voir régulièrement des « Français moyens » interviewés dire : « Moi, je ne crois pas que cela serve à quelque chose ! ». Ils ne « croient » pas ? Avec quelle expertise, quelle compétence ? Sont-ils médecins, virologues, épidémiologistes ? Ont-ils une expérience pratique de terrain ? Qu’ils aillent demander, sur place dans les hôpitaux, ce qu’en dit le personnel médical. Pourquoi nier l’évidence ?
Courant septembre 2020 également, un autre médecin a déclaré à la radio : « Certains disent que le masque ne sert à rien et n’en portent pas. Moi, je fais partie de la majorité qui dit que c’est utile. Qui a raison ? Si ce sont eux qui ont tort et que personne ne porte de masque, il n’y aura des morts. Mais si c’est moi qui ai tort et que tout le monde porte quand même un masque, il n’y aura aucune conséquence. Donc portons un masque ».
Il faut en permanence penser aux autres, penser collectif, penser bien commun, car nous vivons en société, pas comme des ermites isolés. Où est l’esprit de solidarité, envers les soignants, envers les producteurs de proximité, envers ses voisins, dont on a tant parlé pendant le confinement du printemps 2020 ? Oublié tout cela chez beaucoup, de toutes évidence !
Cette philosophie de penser, qui va si bien avec les valeurs de la Bio, doit s’appliquer à tous les moments du quotidien : si je prends une décision qui est bonne pour moi, est-elle aussi bonne pour les autres, pour la majorité ? Et si c’est le cas, ai-je vraiment le droit de la prendre quand même ? La réponse semble évidente.
On se souviendra sans doute qu’un homme politique bien connu avait déclaré en 2003 que « quand il se rasait le matin, il lui arrivait de penser à sa candidature à l’élection présidentielle ». Notre souhait : que tous les matins, quand vous vous brosserez les dents, vous pensiez à notre brosse à dents en bambou à tête interchangeable et à cet article.