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Des centres villes dévastés par des casseurs qui vont jusqu’à incendier un immeuble occupé par des familles ; des boucheries maculées de sang par des « antispécistes » ; une enseignante menacée avec une arme (fût-elle factice) par un de ses élèves pendant qu’un autre, hilare, filme ; des cimetières juifs profanés ; des élus menacés de mort, leur domicile muré ou incendié ; des pompiers ou des médecins de nuit cibles de jets de pierre voire de coups de feu… Quelle rapport avec la Bio ? Il est bien plus grand qu’on ne le pense, dans notre monde d’aujourd’hui.

Une violence devenue omniprésente

 Continuons notre « inventaire à la Prévert » : un camp de Roms attaqué et détruit par des hommes armés ; des journalistes menacés de mort ; une jeune femme noire objet d’odieuses insultes racistes proférées par des gilets jaunes sur un rond-point ; d’autres gilets jaunes approuvant et comprenant (?!) la violence des casseurs ; des patrons de grandes entreprises qui quittent celles-ci avec des « parachutes dorés » financiers aux montants indécents, même lorsqu’ils laissent leur société exsangue ; une bande de jeunes qui attaque une caserne de CRS (« optimisme », si on peut dire, ou bien naïveté incommensurable ?) ; des policiers gravement brûlés dans l’incendie de leur voiture ; des têtes des porc posées devant des mosquées ; un SMS « Yes, la meuf is dead » qui aurait été envoyé par une proche du gouvernement pour confirmer la mort de Simone Veil ; des stocks d’associations caritatives cambriolés ; un couple de jeunes femmes se tenant la main violemment agressé par une bande d’adolescentes homophobes ; de véritables criminels qui molestent voire blessent (ou tuent) des gens croisés dans la rue, soi-disant parce qu’ils les ont « regardé de travers »…. 

Des supporters de foot qui, dans les stades, crient et chantent des injures racistes, xénophobes ou homophobes contre des joueurs sur le terrain ; des hommes et femmes politiques, de tous bords, qui confondent argent public et compte personnel ; plusieurs personnes qui, à visage découvert devant des caméras (!), traitent un philosophe bien connu de « grosse m*rd* sioniste » et de « sale race » ; les objets en métal des cimetières volés pour les fondre et les revendre ; une militante vegan qui se réjouit de la mort d’un boucher lors de l’attaque terroriste de Trèbes avec ces mots : « Ben quoi, ça vous choque un assassin qui se fait tuer par un terroriste ? Pas moi, j'ai zéro compassion pour lui, il y a quand même une justice » ; le champion de France de VTT servant de cible, lors d’une séance d’entrainement, à des tireurs embusqués trouvant cela sans doute « amusant » ; des commentaires haineux, racistes, homophobes diffusés sans limite, à la moindre occasion, sur les réseaux soi-disant « sociaux » (asociaux plutôt)…

Sans parler des fake news (« infox » en bon français) les plus invraisemblables, diffusées sans l’ombre d’un début de minimum de vérification et surtout de réflexion, simplement dans le but d’attiser la haine et de justifier la violence, fût-elle uniquement verbale.

 

Les « fake news », une violence faite à l’intelligence (image Freepik).

 Arrêtons-là cette énumération qui pourrait être bien plus longue. Chaque jour, en ouvrant le journal ou en écoutant les informations, on ne peut que constater qu’un nombre incroyablement élevé de personnes n’a plus aucun respect, plus aucune morale et plus aucune éthique, à tous les niveaux de la société. Egoïsme, mépris de l’autre et enfin violence semblent être considérés comme normaux par certains de nos concitoyens. Le pire est le fait que nombre de ces actes soient légalement répréhensibles, passibles parfois de prison ferme, n’empêche visiblement pas leurs auteurs de les commettre malgré tout, souvent au vu et au su de tout le monde. Inconscience ou tout simplement preuve justement de leur absence totale de morale et de leur « m’enfoutisme », pour parler crûment ?

 Certes la société humaine a malheureusement toujours laissé germer des graines de haine et certes aussi, chaque jour nous livre également, heureusement, son lot de personnes à l’engagement, à l’abnégation et au dévouement remarquables (quand ce n’est pas un réel héroïsme) : pompiers, personnel soignant, policiers, enseignants, serviteurs de l’Etat divers, patrons, employés et surtout citoyens anonymes. D’autant plus que les médias se font beaucoup moins l’écho de tous les faits et actes positifs qui se déroulent dans l’ombre et la discrétion : « Les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne ».

Mais force est de constater que de nos jours, la parole et les actes de haine se libèrent de plus en plus, notamment amplifiés par l’immédiateté de l’information et par l’anonymat des réseaux (a)sociaux. Quand les personnes concernées se retrouvent (parfois) devant les tribunaux, leurs explications sont souvent confuses, quand ce n’est pas saugrenues ou abracadabrantesques : leur défense mérite en général d’être inscrite dans un véritable catalogue de la bêtise humaine. La lecture de la rubrique judiciaire est extrêmement instructive pour les sociologues et les historiens du temps présent.

 

Oui, mais la Bio dans tout ça ?

 

Les sociologues justement, de même que les philosophes et les politiques, peuvent discourir de longues heures sur les causes de cette déliquescence du « vivre ensemble ». Car les raisons sont d’évidence multiples, de même que les responsabilités, la première revenant malgré tout, quoi qu’on en dise, à la personne qui commet ces violences. Car quand on en vient à agresser un médecin ou des pompiers, professions dont le but est de sauver des vies, à mettre le feu au stock de l’association Emmaüs ou à cambrioler les Restos du cœur, aucune excuse n’est valable. Rien n’excuse notamment la violence, sauf lorsqu’on doit défendre sa propre vie ou celle de ses proches contre les extrêmes les plus violentes : qui reprocherait par exemple à ceux qui ont pris les armes contre les Nazis de l’avoir fait ?

 Les notions de respect et de dialogue semblent vraiment disparaître de plus en plus. Pour les propos et les positions les plus agressives et extrémistes, c’est souvent le « droit à la liberté d’expression » qui est rétorqué. Mais rappelons que « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». L’origine de cette citation n’est pas connue, mais on la retrouve, formulée différemment, dans l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

 Quid donc de la Bio dans tout cela ? Quel rapport ? C’est que, au-delà de ses critères factuels originels (absence d’utilisation de produits chimiques, respect de la nature et de l’environnement, bien-être animal…), la Bio a inscrit depuis longtemps les mots « valeurs » et « éthique » dans son credo. Est-elle une « île refuge » dans notre société qui perd ses repères ? Nous aimerions le croire et partager cette idée. Mais cela n’est pas toujours le cas… Car ce texte nous a été inspiré par l’anecdote suivante.

 

La Bio, ce ne sont pas seulement des produits « sans… » : c’est aussi - normalement – le partage d’un ensemble de valeurs éthiques (image Freepik).

 Depuis près de 20 ans, au mois de février, l’auteur de ces lignes se rend chaque année plusieurs jours à Nuremberg en Allemagne, pour visiter le salon Biofach, sans doute le plus grand salon professionnel du monde consacré aux produits naturels et bio. Nous logeons toujours dans un sympathique hôtel familial à quelques encablures de la ville. Arrivé la veille, disposant de quelques heures de temps libre, nous en avons profité cette année pour travailler sur l’ordinateur dans notre chambre. Un peu plus tard, arrivée d’autres clients, avec un peu (beaucoup) de bruit dans le couloir. Mais bientôt, ce bruit se transforma en agitation continue, avec discussions fortes, cris, rires se diffusant pendant des dizaines de minutes sur tout l’étage, provenant d’une des chambres. Puis, le bruit se fit encore plus fort, les personnes responsables de ce tumulte continuant leur « discussion » dans le couloir. Nous sommes alors sorti, pour leur demander poliment d’être plus silencieux, s’agissant d’un hôtel où les pensionnaires souhaitent soit se reposer, soit travailler dans le calme.

Une des personnes du groupe nous demanda alors si nous étions le patron de l’établissement, ce à quoi nous avons bien sûr répondu que nous étions un des clients. On nous rétorqua alors que nous n’avions rien à dire, et que si nous n’étions pas content, nous n’avions qu’à le dire à la direction de l’hôtel. Le groupe se calma ensuite quelque peu, et quitta l’étage.

 Plus tard dans la soirée, croisant le patron, que nous connaissons très bien depuis toutes ces années, celui-ci nous apprit que ces personnes étaient allées se plaindre auprès de lui parce que… nous avions demandé de faire le calme et de respecter les autres clients. Il admit bien entendu que la réclamation faite par ces personnes était le monde à l’envers, et qu’il leur avait alors expliqué qu’elles n’auraient pas eu de remarque de ma part si elles avaient respecté la quiétude que les autres clients sont en droit d’attendre. Il nous apprit surtout que ces personnes, originaires de Croatie, étaient venues comme nous pour le salon Biofach. Et de fait, nos pas nous ayant mené le lendemain dans un des halls où étaient présentes un grand nombre de représentations nationales officielles, nous avons retrouvé ces personnes, tout sourire, sur le stand de la Croatie, expliquant sans doute à qui voulait l’entendre toutes les valeurs d’éthique et de respect défendues par la Bio dans leur pays. De belles paroles visiblement à mille lieues de ce que sont elles-mêmes ces personnes au fond d’elle-même. 

Là aussi nous pourrions faire un « inventaire à la Prévert » à partir d’autres expériences personnelles : gérant franchisé d’un magasin d’une enseigne bio très connue exploitant ses employés à tel point que l’un d’entre eux, son propre neveu, est allé devant les Prud’hommes ; collaboratrice d’une marque réputée de cosmétique bio licenciée, juste avant l’expiration de sa période d’essai, car elle avait annoncée qu’elle était enceinte ; patron d’une entreprise bio très connue dont la phrase préférée était « Virez-le (virez-la) tout de suite ! » dès qu’un collaborateur ou une collaboratrice, pourtant compétent(e) mettait le doigt sur un point critique nécessitant une réelle amélioration ; employés sous-payés traités sans le moindre ménagement dans une chaîne de magasins, avec pour résultat une rotation permanente du personnel ; lot de matières premières conventionnelles mélangé à un lot bio pour faire des économies ; acheteurs bio mettant leurs fournisseurs sous pression (… financière : prix d’achat) comme le fait classiquement la grande distribution…

Nous l’admettons, ce sont des cas ponctuels qui sont loin d’être la règle, mais pour le monde de la Bio, ils sont extrêmement choquants et même inadmissibles

« Celui qui ne sait pas sourire, ne doit pas ouvrir boutique »

 Plus fréquent par contre est malheureusement l’accueil déplorable que l’on reçoit parfois dans certains magasins bio. Où sont, dans un tel cas, l’enthousiasme, l’écoute, le respect du client, la compétence et l’engagement qui doivent faire partie, a priori, de toute entreprise - producteur, transformateur, grossiste, distributeur, détaillant… - investie dans cette branche ?

 Pour revenir au (long) début de ce texte, dans un contexte sociétal en perte de repères où nous - en tant que personnes vivant ensemble dans le même monde et sur la même planète - avons besoin de revenir à des choses essentielles, les valeurs intrinsèques de la Bio peuvent être justement des repères, un « fil rouge » qui fait sens, cette « île refuge » évoquée plus haut... et même une « île modèle ». Loin d’un simple cahier des charges précisant des méthodes de culture, d’élevage ou de transformation des produits, la Bio est bien un mode de pensée, un mode de vie. Quelque part, elle a un rôle politique, au sens étymologique du terme : polis, en grec, c’est la Cité, là où vivent ensemble des citoyens. Qui l’aurait crû lorsqu’elle a fait ses premiers pas, lorsqu’elle a commencé à proposer des alternatives de consommation ? Certains pionniers peut-être. Mais aujourd’hui, il faut que cela devienne une évidence.

 Face à un marché bio qui devient un objet commercial et marketing pour des entreprises (notamment la grande distribution) dans le seul but est d’augmenter toujours plus leurs profits, les magasins spécialisés doivent afficher et surtout pratiquer une Bio humaine, sociale, génératrice de bien-être, d’échanges et de partage, source de valeurs qui rassemblent là où la division et l’exclusion, voire la violence physique et morale sont malheureusement de plus en plus fréquentes.

 N’en faisons pas une « religion »… Mais néanmoins partageons et prêchons la « bonne parole », avec sourire, enthousiasme et conviction, sans violence et avec intelligence, en amenant lentement mais sûrement nos concitoyens vers une autre façon de vivre. La Bio contient dans son ADN tout ce qu’il faut pour générer des émotions positives. Utilisons-le, sans faire appel aux peurs bien sûr, simplement en capitalisant sur les richesses humaines et sociales qu’elle peut apporter.

 Et pour commencer, gardons toujours en mémoire cet adage qui serait d’origine chinoise : « Qui n'est pas capable de sourire ne doit pas ouvrir boutique ». Une autre version affirme : « Si tu n'as rien d'autre à m'offrir, offre-moi ton sourire ». 

Souriez, vous êtes bio !

 

(image Freepik)


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