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Rendu publique au début du mois d’avril 2019, une enquête réalisée par la société Nielsen au mois de décembre 2018 a révélé que 37% de nos concitoyens affirment acheter des produits en vrac (sans parler des fruits et légumes frais). Si peu de différences émergent en termes socio-démographiques, les moins de 35 ans se montrent néanmoins encore plus adeptes du vrac que la moyenne des Français. Ecologie et économie (lutte contre le gaspillage) sont les deux mots-clés de ce mode de consommation, qui nécessite néanmoins quelques précautions. 

 Du vrac majoritairement acheté en magasin bio

Cette étude Nielsen nous informe par ailleurs que les Français achètent majoritairement leur vrac (52 % d’entre eux) dans les magasins spécialisés bio, contre 49 % dans les super- et hypermarchés, qui se sont également lancés sur ce créneau, étant toujours prêts à s’emparer de nouvelles tendances pour augmenter leurs profits.

Il n’en reste pas moins que ce sont bien les magasins bio qui ont une nouvelle fois innové, depuis bien des années, en proposant certains produits en vrac. Pas étonnant donc, comme le révèle l’enquête Nielsen, que « la clientèle du vrac se montre en général plus sensible à l’environnement et se distingue dans ses achats : ils achètent du bio, des produits équitables et locaux en plus grande quantité que la moyenne, font une lecture attentive des emballages ». 

Les produits les plus consommés, par 58 % des acheteurs de vrac, sont les fruits oléagineux (noix, noisettes…), suivis des fruits secs, des légumineuses (lentilles, pois chiches…), des céréales de type flocons d’avoine et mueslis, des céréales à cuire, des pâtes et du riz. Sucre et farine sont également achetés en vrac (10 % des personnes interrogées) ou encore les liquides vaisselle (6 %).

 Quels avantages y a-t-il à acheter en vrac ? 

Le premier avantage qu’il y a à faire le choix de produits non préemballés, évident, est que l’on peut acheter en fonction de ses besoins réels, en ne prenant exactement que la quantité nécessaire, ni trop, ni trop peu. Cela évite d’acheter un paquet (ou une boîte) dont on ne consommera qu’une partie… et dont le surplus finira sans doute à la poubelle, soit de suite soit plus tard. On réduit donc le risque de gaspillage, préoccupation largement partagée de nos jours.

Ceci ne concerne cependant que le contenu... Car il y a aussi le contenant : absence d’emballage signifie absence de déchet, certes parfois recyclable (verre, papier, carton, métal, certains plastiques…) mais parfois pas (beaucoup de plastiques). Et même lorsque les matériaux sont recyclables et que l’on fait le tri des déchets en bon citoyen, il a été établi que les filières de recyclage ne sont pas encore efficaces et que bien des déchets qui pourraient être recyclés ne le sont pas, finissant incinérés ou même enfouis.

Les déchets d’emballage posent de réels soucis de tri et d’élimination (image Lucida via Pixabay). 

 

De toute façon, la pollution par les plastiques aussi est de plus en plus au cœur de l’actualité : petit à petit, la liste des objets en plastique à usage unique interdits s’allonge. La plupart de ceux qui sont visés (cotons tiges, gobelets, touillettes à café, couverts, assiettes, etc.) n’ont rien à voir avec l’emballage, mais l’interdiction prévue en Europe à partir de 2021 concerne aussi les récipients pour aliments ou boissons en polystyrène expansé, du type de ceux utilisés par les établissements de restauration rapide. Et il ne faut pas oublier que, depuis le 1er janvier 2017, les sacs en plastique à usage unique sont interdits en caisse dans tous les commerces, seuls les sacs en tissu, en papier ou en plastique épais réutilisables étant autorisés. Et hors caisse, par exemple pour les fruits et légumes (ou tout produit en vrac !), seuls les sacs en papier ou plastique biosourcé et compostable sont autorisés.

Les mentalités (et la réglementation) évoluent, preuve en étant que le texte européen évoqué ci-dessus prévoit aussi que les bouteilles et récipients pour boissons en plastique dont les bouchons ou couvercles en plastique peuvent être détachés des récipients seront interdits en 2024, que les bouteilles vendues en Europe devront contenir au moins 25 % de plastique recyclé en 2025 et au moins 30 % en 2030, avec un taux de collecte séparée de 77 % des bouteilles en PET en 2025 et de 90 % en 2029.

Moins d’emballages utilisés grâce à l’achat en vrac, c’est donc bon pour l’impact carbone des produits, tout de suite, sans attendre l’évolution de la réglementation : parce qu’il n’y a plus de fabrication des emballages, parce qu’on élimine l’étape du conditionnement unitaire et parce qu’il y a donc moins de déchets. A condition aussi, pour que cela reste « vertueux » au maximum - mais c’est un réflexe qu’ont pris la plupart des acheteurs de vrac - de venir avec son contenant pour le transport et que les magasins acceptent ce principe, plutôt que de proposer des sachets en papier sur place, par exemple. 

Acheter en vrac, c’est donc d’abord faire un geste pour l’environnement. Mais c’est également bon pour notre portefeuille : sans emballage unitaire, le produit coûte moins cher à quantité égale : en moyenne de 20 à 30 %, mais avec certains produits on peut approcher du moitié moins cher ! Et c’est également moins cher de façon indirecte, vu qu’on réduit très fortement le risque de gaspiller de la nourriture achetée en trop.

Enfin, cerise sur le gâteau, le fait de pouvoir acheter une quantité minimale de produit (qui ne coûtera parfois que quelques dizaines de centimes), cela permet aussi de goûter à quelque chose qu’on n’aurait pas osé mettre dans son panier, par peur de devoir le jeter si on n’aime pas (et donc d’avoir dépensé son argent pour rien). Acheter en vrac permet donc de découvrir de nouveaux aliments et, par là, de nouvelles saveurs et même de nouvelles recettes.

Les inconvénients de ce type de vente

Théoriquement, tous les aliments peuvent être vendus en vrac. Mais dans la pratique, c’est parfois difficile, ne serait-ce que pour des raisons techniques, entre autre liées au maintien d’une bonne qualité organoleptique des produits (goût, texture…) et à l’hygiène, point sur lequel nous reviendrons en détail plus loin. Car le rôle premier d’un emballage n’est pas de faire de la publicité pour une marque et de permettre à celle-ci de se différencier des concurrents avec un packaging et des promesses alléchantes. Ce premier rôle, il est de protéger les aliments, contre la saleté et la dégradation (par l’air, la lumière, l’humidité, les microbes, etc.).

Actuellement, le choix est donc limité à quelques dizaines de références dans les magasins généralistes, quelques petites centaines dans les magasins spécialisés dans le vrac. On est donc loin des milliers de références que l’on trouve déjà dans une petite supérette.

Un autre inconvénient est que les emballages possèdent un autre rôle bien utile, qui plus est rendu obligatoire par la réglementation, qui s’est affinée au fil des années (… des siècles même). Composition précise, valeur calorique, dénomination exacte des ingrédients, variété et origine géographique, présence éventuelle d’allergènes, teneur en certains nutriments qu’il faut connaître (sel, sucre, matières grasses…), conseils d’utilisation voire précautions d’emploi (pour certains produits non alimentaires), coordonnées du fabricant, date limite d’utilisation optimale, conditions de conservation, numéro de lot en cas de problème, etc. Sans emballage individuel, le consommateur n’emporte pas chez lui toutes ces informations qu’il est souvent utile de connaître.

C’est donc un affichage sur place qui doit donner ces indications, voire l’étiquette imprimée lors de la pesée. Il est ainsi important d’en vérifier la présence, légalement obligatoire.

 Un autre point à vérifier quand on achète, car cela peut causer bien des déconvenues, c’est la propreté du rayon. L’idéal, c’est bien sûr lorsque le magasin affiche des informations sur la fréquence de nettoyage des contenants/distributeurs. Qu’une telle fiche d’information soit présente ou pas, rien ne remplace cependant une observation attentive par soi-même : les contenants sont-ils visiblement propres (absence de traces douteuses sur les parois intérieures), les alentours du rayon sont-ils exempts de produits tombés au sol (car si le sol n’est pas régulièrement nettoyé, on peut avoir des craintes sur l’intérieur des contenants !) ? Et dans le cas de bacs à couvercle, ceux-ci ferment-ils bien de façon correctement étanche (sinon poussières et saletés peuvent y entrer) et sont-ils tout simplement fermés ou étaient-ils ouverts à votre arrivée ? Les pelles utilisées dans ces bacs sont-elles bien accrochées à l’extérieur, ou bien quelqu’un les a-t-il laissées dans le bac ? Dans ce dernier cas, éviter de prendre des produits, car on ne sait pas quelle était l’hygiène de la dernière personne qui a tenu cette pelle… Idem si la propreté de celle-ci semble douteuse.

Sur le plan de l’hygiène, la meilleure solution reste les distributeurs par gravité (image karrastock via Fotolia).

La question primordiale de l’hygiène

Oublions la scène, personnellement vécue, d’un enfant qui remet dans le bac un cookie dans lequel il a croqué et qui ne lui a pas plu. Cela reste exceptionnel. Si les trémies - remplies par le haut et dont le contenu sort par gravité en bas, sans contact direct, a priori, avec le client - sont les distributeurs qui présentent le plus de sécurité, au moins pour les produits secs (pour les produits liquides, en cas de nettoyage insuffisant, elles peuvent devenir aussi un « nid à bactéries »), les bacs, très utilisés, présentent un risque supérieur. Parce que n’importe qui peut y plonger directement la main, parce qu’une pelle peut être mise à l’intérieur, comme dit à l’instant, parce que ces pelles peuvent avoir été manipulées par des mains à l’hygiène douteuse… 

L’hygiène des mains ? En 2005, l’Inpes (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, établissement public administratif placé sous la tutelle du Ministère de la Santé) avait réalisé une enquête qui certes rassurait… a priori. Effectuée sur un échantillon de 4 000 personnes de 18 à 79 ans, 90,3 % d’entre elles avaient déclaré se laver les mains au moins cinq fois par jour, les femmes encore plus fréquemment que les hommes. Mais quid des 10 % restants ? Et des enfants, dont on sait qu’ils laissent « traîner leurs mains » un peu partout ? Et surtout une autre enquête réalisée par le même Inpes, cette fois en 2012, avait révélé que seuls 80 % des personnes se lavaient les mains après être allées aux toilettes, que moins d’un Français sur trois se lave les mains après s’être mouché (32 %) et que seulement 31% le font après avoir pris les transports en commun…

 

Sans commentaire… Que va toucher ensuite ce jeune homme ? (image asier_relampagoestudio via Freepik).

 L’achat en vrac, comme souligné au début de cet article, porte d’abord sur les fruits secs oléagineux, une famille de produits à laquelle appartiennent les cacahuètes. Or – rappelons-nous – les médias avaient quelque peu inquiété il y a quelques années les clients des bars et autres bistrots en rapportant qu’une « étude scientifique » aurait révélé que les cacahuètes laissées à disposition sur les tables et comptoirs contenaient des traces de jusqu’à 14 sortes différentes d’urine (le chiffre montant à 27 voire à 100 dans certaines versions de l’information).

 A « surfer » sur le web, certains parlent d’un hoax alias infox ou « légende urbaine ». Car personne ne cite les références exactes de cette étude. Celui qui en aurait parlé serait le professeur Frédéric Saldmann dans son livre « Les nouveaux risques alimentaires » paru en 1997, que nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de consulter. Si certaines personnes affirment que c’est le Dr Saldmann lui-même qui a réalisé cette étude, d’autres disent qu’il s’est en fait inspiré d’une étude anglaise bien plus ancienne. Mais de fait, aucun article que nous avons vu sur le web ne cite le nom précis de l’équipe scientifique qui aurait fait ces analyses. Ce n’est donc peut-être qu’une « légende urbaine ».

 Néanmoins, sans doute inspirée par cette histoire, l’équipe de l'émission de télévision flamande « de Smaakpolitie » diffusée sur la chaîne VT4 avait fait la même recherche en 2012, comme la presse belge s’en fit alors l’écho. Résultat : des traces d'urine avaient été retrouvées dans les apéritifs offerts dans trois bars sur cinq.

Par ailleurs, en 2003, le quotidien britannique « Evening Standard » avait fait analyser des apéritifs (cacahuètes, chips, légumes à croquer…) prélevés dans certains bars de Londres[1]. Et quels furent les résultats ? Aucune bactérie dans les chips proposées dans un premier bar, celui d’un hôtel. Le journal souligne que ces chips étaient apportées à la demande, et que leur haute teneur en sel limite le risque de développement bactérien. Dans un second bar, un mélange de noix sortant pourtant d’un bocal fermé révéla la présence d’entérobactéries et de coliformes, des germes entre autres d’origine fécale. Dans un troisième bar, des crackers de riz provenant d’une coupe à disposition des clients contenaient le même type de germes. Quatrième lieu de test : pas de bactéries dans un bol de mélange de noix mis à disposition, mais une très forte quantité d’entérobactéries et de coliformes (dont Escherichia coli, les pires) dans un bol de légumes frais à croquer. Nouveau bol à disposition des clients dans un autre bar, contenant des noix et crackers : pas d’entérobactéries mais des coliformes. Enfin, dernier test dans un restaurant : un mélange de noix à disposition ne présentait aucune contamination bactérienne, leur aspect semblant montrer que ces noix sortaient tout juste de leur emballage.

 Le problème vient bien de l’hygiène (des mains notamment) des personnes, qui diffusent des germes d’origine peu sympathique sur tout ce qu’elles touchent. Ainsi, en 2010, des chercheurs d’universités américaines de l’Etat de Virginie avaient effectué des analyses sur des fontaines à boissons (sodas mais aussi eau), en libre service ou opérées par des employés[2]. Ces analyses avaient montré que 48 % de ces fontaines contenaient des bactéries coliformes, 11 % contenant même des Escherichia coli. D’autres bactéries pathogènes dangereuses étaient aussi présentes, comme des Klebsiella, des Staphylococcus ou des Candida. Conclusion de l’étude : « Ces résultats suggèrent que les distributeurs de soda peuvent héberger des communautés persistantes de micro-organismes potentiellement pathogènes, susceptibles de contribuer à des troubles gastrique épisodiques chez la population en général et de présenter un risque plus important pour la santé des personnes immunodéprimées ».

Nombreuses sont les analyses montrant que l’espace public est souvent contaminé par des « petites bêtes » qui ne nous veulent pas du bien (image Wikilmages via Pixabay).

 Une autre étude, réalisée en 2012 sur les poignées de chariots de supermarchés par une équipe de microbiologistes de l'université d'Arizona, dirigée par Charles Gerba[1], avait montré que 72 % d’entre elles présentaient des bactéries fécales.

Au final, nous ne disons pas du tout, bien sûr, que le commerce du vrac présente des risques disproportionnés. Mais dans un environnement « communautaire » où n’importe qui a plus ou moins accès directement aux produits achetés et au matériel à leur contact, il est clair que les aliments et boissons, mais pas seulement, sont hautement susceptibles de contenir des germes, provenant notamment d’une contamination fécale, comme le démontrent les apéritifs en libre service dans les bars et cafés. L’hygiène est donc bien un point critique.

D’où l’importance, dans le cas de l’achat de vrac, de privilégier d’une part les contenants/distributeurs qui présentent le moins de risque et d’autre part les magasins qui appliquent des mesures d’hygiène et de nettoyage très strictes, qu’il s’agisse des contenants ou, le cas échéant, du matériel pour manipuler les aliments. C’est très important, en particulier lorsque les produits sont consommés par des enfants ou des personnes fragilisées (personnes âgées ou malades), encore plus sensibles qu’un adulte en bonne santé. 

D’autres façons d’acheter « zéro emballage » (ou presque)

Pour terminer rapidement, le vrac stricto sensu n’est pas la seule solution pour limiter le gaspillage et tendre vers le « zéro emballage ». Plutôt que d’acheter des fruits et légumes préemballés (l’exemple typique étant la salade verte, une aberration tant le contenu est parfois rapidement bon pour la poubelle, même lorsque la date limite de consommation n’est pas atteinte), achetons-les au kilo ou à la pièce. Pour le fromage ou la charcuterie, privilégions les produits à la coupe, en évitant de céder au sourire du vendeur qui vous propose d’emblée une part énorme. Ne pas hésiter non plus à répondre par la négative à la fameuse phrase « Je vous en ai mis un peu plus, ça ira quand même ? ».

 Certes, il y a encore du chemin à faire pour que le boucher ou le fromager accepte de vous mettre la viande dans la boîte que vous avez apportée plutôt que dans un papier voire un papier alu. Les marchands de fruits et légumes n’ont jamais été choqués lorsqu’on leur tend un cabas ou un filet…

 Mais dans le cas où vous utilisez vos propres contenants, et cela est aussi valable pour les achats en vrac au sens strict, à vous d’appliquer les règles rigoureuses d’hygiène que vous attendez par ailleurs des points de vente. Lavage (avec des produits écologiques, bien sûr) voire désinfection (eau bouillante, par exemple) sont à faire aussi souvent que possible.

 Acheter à la coupe est une autre façon de limiter déchets et gaspillage (photo collaborateur Annuaire Vert).

 

[1] https://www.standard.co.uk/news/hidden-germs-in-our-snacks-7294288.html

[2] “Beverages obtained from soda fountain machines in the U.S. contain microorganisms, including coliform bacteria”, International Journal of Food Microbiology, Volume 137, Issue 1, 31 January 2010, Pages 61-66.

[3] “Bacterial contamination of shopping carts and approaches to control”, Food Protection Trends, 32(12):747-749, December 2012.


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